[Critique] EVERYBODY WANTS SOME !!

CRITIQUES | 21 avril 2016 | Aucun commentaire
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Titre original : Everybody Wants Some !!

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisateur : Richard Linklater
Distribution : Blake Jenner, Ryan Guzman, Tyler Hoechlin, Zoey Deutch, Glen Powell, Wyatt Russell, Will Brittain, Jonathan Breck…
Genre : Comédie
Date de sortie : 20 avril 2016

Le Pitch :
Texas, 1980 : à trois jours de la rentrée universitaire, Jake emménage dans la maison où vivent plusieurs des joueurs de sa nouvelle équipe de baseball. Étudiant boursier, il se lie rapidement d’amitié avec les autres premières années et avec les élèves plus anciens, qui l’initient au plaisir de la vie en collocation sur le campus. Entre fêtes et rencontres, alors que se profile une année qui sera riche en changements, Jake et ses amis prennent leurs repères…

La Critique :
Il n’y aucune star au casting d’Everybody Wants Some !!. Tous les rôles sont joués par de relatifs inconnus, qui parfois, ont été aperçus au second plan, dans des séries ou dans des films plus ou moins populaires. L’histoire quant à elle, ne s’articule autour d’aucun sujet vraiment fédérateur à première vue. Il est même question de baseball ! En soi, tout était réuni pour que le long-métrage ne sorte pas en France. Du moins pas au cinéma. La seule raison pour laquelle le film a eu droit à des faveurs refusées à certains, c’est qu’il s’agit de la nouvelle livraison de Richard Linklater, le réalisateur de Boyhood, soit un des films les plus commentés de 2014. Une œuvre plébiscitée, récompensée et globalement considérée (à juste titre) comme l’une des plus emblématiques de sa génération.
Bien sûr, c’est une bonne chose car des métrages comme Everybody Wants Some !!, il n’en sort pas tous les jours et même si on imagine qu’il n’aura pas le même succès que Boyhood, on ne peut que féliciter le distributeur d’avoir donné aux spectateurs l’occasion de le découvrir dans les meilleures conditions possibles.

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Cela dit, Everybody Wants Some !! peut s’avérer déstabilisant. Contrairement à beaucoup d’autres de ses contemporains qui ont pu, à un moment ou à un autre, illustrer la vie étudiante, via les fêtes, les amourettes et les histoires d’amitiés viriles entre universitaires décomplexés, Richard Linklater n’a ici pas souhaité articuler son récit autour d’un point en particulier. Everybody Wants Some !! adopte très rapidement une rythmique soutenue mais néanmoins très détendue. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que le film suit la vie d’un groupe de personnages sans chercher à proposer des temps vraiment forts. En cela, il s’impose comme l’exact contraire de teen movies comme American Pie ou Road Trip, qui se focalisaient sur une succession de scènes voulues « fortes », pour chercher à tout prix le rire et au passage, si possible, pour gentiment choquer le public, grâce à une vulgarité exacerbée. Everybody Wants Some !! quant à lui, se « contente » de raconter son histoire. Et il le fait sans filtre. Pour autant, pas de scènes équivalentes à celle de la tarte dans American Pie mais des situations illustrées sans excès, avec sincérité. Il ne cache rien et suit simplement divers personnages alors qu’ils prennent leurs marques les uns après les autres, tout en envisageant la vie qui sera la leur dans les années à venir.

Le fait pour Linklater d’avoir choisi l’année 1980 n’est pas anodine. La guerre du Viet-Nam est terminée et l’utopie hippie semble aussi bien loin. Le disco à pris ses marques, le rock and roll a quelque peu redéfini ses contours et à nouveau, la jeunesse est pleine d’espoir, désireuse de ne pas répéter les erreurs du passé, consciente d’avoir les clés de l’avenir. Everybody Wants Some !! se déroule sur trois jours. Trois jours avant la rentrée. Trois jours pendant lesquels tout est permis pour ces jeunes hommes plein d’énergie, qui pour l’instant, ne pensent pas aux études. Pour eux, il n’y a que la fête et les filles. La musique et le sport qui, pour chacun d’eux, constituent la porte d’entrée dans l’âge adulte. Ce ne sont pas des médecins en devenir, mais de futurs représentants de la classe moyenne, même si beaucoup espèrent se faire repérer par la ligue pro de baseball.
Richard Linklater livre ici le troisième volet de sa trilogie entamée il y a bien longtemps avec Dazed and Confused (Génération Rebelle en français). Dazed and Confused, Boyhood et Everybody Wants Some !!. Trois longs-métrages traitant du passage à l’âge adulte. Trois films se déroulant avant le grand plongeon.
Présent derrière la caméra et au scénario, Linklater s’exprime ici de manière très personnelle. Sans chercher à flatter qui que ce soit, ni à chercher à s’inscrire dans une mouvance à la mode. En revanche, il est tout à fait normal de trouver des similitudes avec d’autres films ayant traité des mêmes thématiques, comme Presque Célèbre ou Good Morning England. Everybody Wants Some !! est un film de bande. Dans le meilleur sens du terme.
On fait la connaissance des personnages en même temps que Jake, ce sympathique sosie de Matt Dillon qui débarque en début de métrage. On s’attache aux uns et aux autres, en même temps que lui. On trouve nos repères quand il prend les siens et à la fin, quand on le quitte, c’est toujours avec ce petit pincement au cœur. Le même qu’avec Boyhood, qui dénote du travail accompli par un réalisateur franchement atypique.
Un cinéaste qui traite de l’amitié et du départ de l’enfance, de la même façon qu’il nous parlait de l’amour dans Before Sunrise et ses suites. Avec sensibilité, générosité et en prenant le risque d’essayer de retranscrire des émotions complexes sans en rajouter des couches. Pour résumer, on pourrait d’ailleurs dire qu’Everybody Wants Some !! en dit beaucoup sans avoir l’air de le faire.

Sur la forme, Richard Linklater fait aussi un travail remarquable. La reconstitution des années 80 et de son ambiance dénote d’un soucis du détail très appréciable. La mise en scène, discrète, colle néanmoins de près aux personnages sans se montrer envahissante ni démonstrative. Elle est à l’image de l’écriture. Le tout étant rythmé par une excellente bande-originale retranscrivant le bouillonnement joyeusement bordélique de la scène musicale de l’époque, avec des vrais bons gros bouts de Cheap Tricks et Van Halen dedans (le film emprunte d’ailleurs son titre à un morceau de Van Halen).
Et les acteurs ? Et bien ils sont fantastiques. Leur relatif anonymat nous garantissant une immersion indispensable à la tonalité et au genre du film. De Blake Jenner à Glen Powell, autrement plus convainquant que dans Expendables 3, tous font un travail fantastique et il y a d’ailleurs fort à parier que le film, à défaut d’établir de nouveaux records au box office, leur permette de voir leur carrière boostée. Ce ne serait que justice. Si Everybody Wants Some !! est aussi bon, c’est aussi grâce à eux. Merveilleusement dirigés par un réalisateur en pleine possession de son art, qui utilise avec intelligence et malice les pleins pouvoirs que son dernier film lui a conféré, ils construisent un univers dans lequel il est agréable de se fondre et dont il est plus difficile que prévu de s’extraire. Everybody Wants Some !! arrive à nous faire regretter de ne pas faire partie de cette bande d’amis. Encore mieux : il parvient à nous rendre nostalgique d’une époque que nous n’avons pas forcément vécue, tout en amenant des questionnements universels qui sont, ou qui furent, sous une forme ou une autre, au centre de notre vie. Et en plus c’est très drôle !

@ Gilles Rolland

Everybody-wants-some-cast  Crédits photos : Metropolitan FilmExport

Par Gilles Rolland le 21 avril 2016

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