[Critique] GET OUT

CRITIQUES | 4 mai 2017 | 1 commentaire
Get-Out-poster

Titre original : Get Out

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jordan Peele
Distribution : Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones, Marcus Henderson, Betty Gabriel, Lakeith Stanfield…
Genre : Thriller/Horreur/Épouvante
Date de sortie : 3 mai 2017

Le Pitch :
Chris et Rose sortent ensemble depuis 5 mois. Amoureux, ils décident d’aller passer un week-end chez les parents de Rose, afin de permettre à Chris de faire leur connaissance. Le jeune homme qui éprouve néanmoins un certain malaise assez rapidement après leur arrivée dans l’impressionnant domaine familial, perdu dans la campagne. La couleur de sa peau est-elle la raison du comportement un peu étrange des personnes qu’il croise ? Pourquoi se sent-il si mal à l’aise dans cette famille pourtant accueillante de prime abord ? Pourquoi la servante et le jardinier, tous les deux noirs par ailleurs, ont l’air si bizarres ? Des questions qui appellent une horreur indicible…

La Critique de Get Out :

Gros carton public et critique, Get Out a rapidement fait parler de lui, propulsant presque d’emblée son réalisateur/scénariste, Jordan Peele, l’une des étoiles de la comédie américaine, parmi les plus grands espoirs du cinéma de genre. Outre-Atlantique, on a comparé son film à Buñuel et tout le monde ou presque s’accorde à dire qu’on tient là l’un des meilleurs films d’horreur de la décennie. Mine de rien, pas évident d’aborder une telle œuvre sans fonder de trop grands espoirs. Le genre horrifique accueillant régulièrement des challengers qui entendent ravir leur titre aux classiques, mais aussi des séries Z opportunistes qui usent des codes qui du coup, ne demandent qu’à être renouvelés. Ce que fait d’ailleurs brillamment Jordan Peele. Car autant le dire tout de suite : Get Out est aussi bon que prévu.

Get-Out

Devine qui vient dîner ?

Il n’est au fond pas vraiment surprenant que ce soit un type qui n’avait à priori rien à voir avec ce genre de cinéma, qui soit parvenu à monter un film comme Get Out, dont l’une des qualités les plus probantes est de renouer avec la tradition d’un genre connecté avec son époque et ses problématiques et qui ne se contente donc pas de faire gicler le sang ou de rechercher le frisson. Animé des intentions les plus nobles, appuyé par Jason Blum, l’un des producteurs désormais incontournables pour ce qui est du cinéma d’épouvante, et fort d’influences fortes, La Nuit des Morts-Vivants en tête, Peele a construit une histoire simple, qui se base sur un concept malin, pour au final livrer un long-métrage puissant à plus d’un titre. Le genre qui fait peur, mais qui sait aussi faire rire, tout en livrant un discours pertinent sur les préjugés, à forte résonance politique et sociale. Et si il n’est pas question directement de racisme, contrairement à ce qu’on a pu nous raconter sur les intentions du scénario, ce dernier se focalise sur les préjugés. Ce qui revient au même au fond ? Oui, sauf que dans Get Out, la nuance est importante. Plus retors, le film ne s’envisage pas comme un pamphlet coup de poing contre le racisme mais fait justement comme Romero avec La Nuit des Morts-Vivants, à savoir jouer sur les alternatives. Chris, le protagoniste central, qui déboule dans une famille dont le domaine ressemble à bien des égards à ceux des esclavagistes d’antan, quand les Noirs étaient exploités pour la culture du coton notamment, observe le manège auquel se livre les gens qui croisent sa route. Des personnes bourrées d’idées préconçues. Des gens étranges, qui prétendent peut-être que la couleur de la peau de Chris n’est pas un problème, tout en affirmant indirectement le contraire par le biais de remarques et de questions bien plus révélatrices au fond d’un racisme latent que le serait une attaque frontale, bête et méchante. Comme les fleurons du genre, qui, dans les années 70 par exemple, utilisaient les ressors horrifiques pour tendre un miroir pas si déformant que cela à la société, souvent durant des périodes particulièrement difficiles, Get Out radiographie l’Amérique post-Obama et se pose donc comme une grande œuvre de son temps. Du genre qui reste, et dont le discours fait sens.

De l’épouvante solide

Cela dit, vu qu’on parle d’un film censé faire peur et/ou mettre mal à l’aise, il est important de souligner que Get Out fout les jetons. Comme souligné plus haut, il s’agit d’un film à concept. Une espèce de version longue d’un épisode de La Quatrième Dimension qui raconterait comment un homme voit ses repères voler en éclats. Paranoïa, effroi, doute pour autant d’éléments d’un récit qui rappelle aussi, pour le meilleur, The Wicker Man, avec ses inconnus au comportement étrange et cette atmosphère qui contribue à faire de l’environnement qui sert de théâtre au récit, une sorte de bulle hors du temps et de l’espace, là où tout peut arriver et surtout des choses particulièrement déplaisantes. Get Out ne met pas en scène une peur en multipliant les jump scares. Ici, rien ne vient surgir à la face du spectateur pour le faire sursauter. Si on flippe, c’est qu’on arrive à se mettre dans la peau du protagoniste pour ressentir sa détresse, ainsi que l’animosité des personnes qui veulent lui faire du mal. Le fait qu’on ne comprenne qu’assez tard de quoi il s’agit vraiment, joue aussi beaucoup dans la construction d’une peur prégnante. Le plus beau étant que l’humour, finalement assez présent, notamment par le biais du meilleur ami de Chris, son seul lien avec « l’extérieur », souligne le côté malsain. Il offre des respirations salutaires et indique que le réalisateur n’a pas hésité à se mettre en danger en injectant ici ou là des vannes qui auraient pu faire s’écrouler tout l’édifice, mais qui en fait, ne font qu’en renforcer les fondations. Bon, il y a bien deux ou trois détails un peu moins flamboyants, quelques approximations, mais rien qui puisse freiner la progression de cette intrigue hyper prenante, qui resserre son emprise progressivement, pour se transformer en long cauchemar éveillé dont le souvenir persiste longtemps après la projection.
Le fait que l’acteur principal, Daniel Kaluuya (vu notamment dans la série Black Mirror) parvienne à retranscrire une foule d’émotions, de doutes et de craintes, sans en faire des caisses, renforce bien sûr le malaise et le côté immersif du film. Parfaitement dosé, son jeu répond à ceux des acteurs qui, en face, incarnent des loups déguisés en agneaux. Des visages parmi lesquels ceux des toujours fréquentables Bradley Whitford, pour le coup assez glaçant et Catherine Keener, elle aussi parfaite.

En Bref…
Film en forme de brillant exercice de style, maîtrisé de bout en bout, habité d’un vrai discours, puissant et concerné, mais aussi respectueux des codes du genre auquel il appartient, Get Out s’avère remarquable à bien des niveaux. Un pur trip stressant à souhait, malin et sans concession, qui dénote joyeusement dans le paysage de l’horreur moderne.

@ Gilles Rolland

Get-Out-cast  Crédits photos :

Par Gilles Rolland le 4 mai 2017

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