[Critique] SISTERS
Titre original : Sisters
Rating: 
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jason Moore
Distribution : Tina Fey, Amy Poehler, Maya Rudolph, Ike Barinholtz, James Brolin, Dianne Wiest, John Leguizamo, John Cena…
Genre : Comédie
Date de sortie : 11 mai 2016
Le Pitch :
Deux sœurs sont de retour chez leurs parents afin de vider leur chambre, avant que la maison familiale ne soit vendue. Réticentes à l’idée de faire leurs adieux à leur foyer, elles décident d’organiser une grande fête en invitant tous leurs anciens amis du lycée. Le soir venu, les choses ne tardent pas à déraper…
La Critique :
Jason Moore, le réalisateur derrière Sisters, a aussi réalisé The Hit Girls (Pitch Perfect). À priori, pas de quoi sauter au plafond. Pourtant, sa nouvelle livraison n’a pas grand chose à voir avec sa pseudo comédie musicale championne du box-office. À vrai dire, sa mise en scène est plutôt classique. Sans réel génie. Moore ne prend pas de risque, il ne fait pas preuve d’une audace particulière et ne brille pas par sa faculté à enfiler les plans hyper chiadés à la vitesse grand V. Mais au fond, on s’en moque, car là n’est pas le propos. Reprocher à un film comme Sisters sa réalisation plate, c’est un peu comme affirmer que le dernier spectacle de tel ou tel comique de scène est nul car la mise en scène est nulle. Dans une comédie, l’important n’est pas là, mais bien dans la faculté de la chose à provoquer des rires. CQFD. Il suffit que la personne derrière la caméra fasse le job, sans forcément faire preuve d’une maestria outrancière pour que tout fonctionne. Bien sûr, quand on retrouve un excellent réalisateur aux commandes d’une comédie inspirée, c’est parfait, mais ce n’est pas l’essentiel. Peu importe donc que Sisters soit orchestré par le mec de The Hit Girls. Non, ce qui compte ici, c’est que le film est porté par Amy Poehler et Tina Fey !
Transfuges du Saturday Night Live, Amy Poehler et Tina Fey font partie de ces comiques qui n’ont jamais vraiment réussi à percer chez nous. Par miracle, leur film est sorti en salle en France, mais habituellement, le public n’est pas vraiment enclin à se déplacer pour elles et dans le cas présent, les résultats de Sisters au box-office devraient malheureusement venir souligner cet état de fait. À l’instar de Will Ferrell ou de Seth Rogen, Tina Fey et Amy Poehler ne sont pas parvenues à s’exporter dans l’Hexagone. Mais peu importe, car pour ceux qui apprécient leur verve, des films comme Sisters représentent une véritable bonne occasion de se fendre la poire comme jamais. Très en forme, les deux actrices emportent la mise et font de leur nouveau long-métrage en duo (après Lolita malgré moi et Baby Mama) un sommet de comédie.
Le scénario de Sisters se calque sur un modèle bien connu. Le cinéma américain nous a déjà livré la même histoire plusieurs fois, les mécanismes sont classiques et tout l’intérêt ne réside manifestement pas dans le fait de savoir où et comment le récit va se conclure. L’important se trouve dans la façon dont le film va raconter ce que d’autres ont déjà raconté avant lui, et surtout dans les vannes. Deux sœurs, une fête qui dérape, des blagues salaces, de l’amour, du trash et une bonne vieille morale des familles en guise de conclusion pour faire bonne mesure. Scénariste débutante ayant seulement écrit un seul épisode de la série 30 Rock, Paula Pell a joué la sécurité, probablement consciente que son film devait à tout prix laisser les coudés franches à son duo d’actrices pour s’imposer. Et pour cela, elle a pavé d’or la route de Tina Fey et d’Amy Poelher, en leur offrant des répliques savoureuses, et de multiples situations propices à l’expression de leurs talents conjugués. Alors oui, le script est banal, mais le comique de situation et les punchlines mettent quasi-systématiquement dans le mille.
Sisters fait partie de ces long-métrages hyper généreux, qui offrent à intervalles réguliers de bonnes occasions de rire. En y allant jamais avec le dos de cuillère, il s’assure de toucher sa cible un bon nombre de fois. Fin du fin : ici, même les vannes moyennes, ne tombent jamais à plat et contribuent à préparer le terrain à ce qui suit. L’enchaînement est impeccable. Tout comme le rythme, qui garde l’ennui à distance. Ce qui n’est pas rien quand on parle d’un film de presque 2 heures.
Ainsi, la troisième collaboration de Tina Fey et d’Amy Poehler est aussi la meilleure. Les deux actrices mettent leur alchimie et leur grande complicité au service du film. Sans elles, il est évident que Sisters serait beaucoup moins bon, car elles sont partout. Leurs joutes verbales sont souvent jubilatoires et leur capacité à pousser le bouchon toujours plus loin dans l’autodérision ou le trash force en permanence le respect. Même constat pour Maya Rudolph, géniale elle aussi, ou pour John Cena, décidément excellent dans un registre comique (il l’était déjà dans Crazy Amy).
Les deux comédiennes tirent le meilleur d’une histoire cousue de fil blanc (mais touchante). Elles s’approprient totalement leurs personnages et ne cessent de jouer à fond dans l’outrance en misant sur des gags bien gras, mais assurent aussi quand il faut donner du corps à la fameuse morale. Une morale qu’on voit venir à 100 bornes mais qui au fond, offre au film sa tenue et sa cohérence.
Véritable leçon de comédie mettant à l’épreuve les zygomatiques, Sisters s’apparente à un gigantesque Two Women Show hyper généreux et fédérateur. Quel que soit le sujet dont il nous cause, que ce soit la famille, l’ambition, la maternité ou le fait de prendre de la bouteille, il le fait avec cette même tendresse et cette même volonté de ne pas vraiment se prendre trop au sérieux. Une recette connue mais pleinement maîtrisée, dont ces deux actrices absolument géniales, tirent le meilleur. À coup sûr l’une des comédies les plus redoutables de 2016.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures France