[Critique] MAMMUTH

STARVIDEOCLUB | 3 avril 2016 | Aucun commentaire

Rating: ★★★★☆

Origine : France
Réalisateurs : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Distribution : Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Miss Ming, Benoît Poelvoorde, Anna Mouglalis, Catherine Hosmalin, Blutch, Philippe Nahon, Bouli Lanners, Siné, Dick Annegarn, Gustave Kervern, Noël Godin, Bruno Lochet, Joseph Dahan,…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 21 avril 2010

Le Pitch :
Après son dernier jour de travail, Serge Pilardosse pensait pouvoir profiter de l’ennui de la retraite et des cadeaux de départ offerts par l’abattoir où il travaillait. C’était sans compter sur l’administration. Certains justificatifs demandés manquent et Serge se voit donc obligé de partir en virée à la recherche de ses anciens employeurs, au guidon de sa moto Münch Mammut. Dans son voyage, il sera confronté à son passé et à ses douleurs…

La Critique :
Après deux films en noir et blanc remarqués, le road-movie en chaise roulante Aaltra et l’expérimental Avida, Benoît Delépine et Gustave Kervern réalisent en 2008 Louise-Michel, film anarchiste radical qui sera un premier succès (447000 entrée en France pour cette production underground), primé à Sundance et San Sebastian. Satisfaits de ces belles retombées, le duo rempile avec une volonté de réunir les différents aspects de leurs films précédents avec une approche nouvelle, moins extrême. Ce sera Mammuth, leur plus gros succès public à ce jour, et considéré comme le film de la maturité.

Mammuth-Gérard-Depardieu

On retrouve dans Mammuth un condensé parfait de l’univers du duo de réalisateurs. Un humour féroce forgé quand Benoît Delépine était auteur pour Les Guignols de l’Info (les anciens, pas la mascarade « bolloréisée »), et qu’on retrouve dans l’émission Groland, dont les deux larrons sont des historiques. Ce dernier show a eu une grande influence sur leur cinéma, leur goût pour les noms de famille originaux, pour des héros de la classe ouvrière (une classe longtemps négligée par le cinéma français). Ces personnages atypiques, on pourrait les croire sortis du magazine belge Striptease. D’ailleurs, pour ce film, on a parfois l’impression de se retrouver face à un documentaire déjanté. Le rythme est plus lent que dans les comédies classiques, et les réalisateurs ont gardé ces instants où il semble ne rien se passer afin d’illustrer l’ennui dans lequel les personnages semblent s’être enfermés. Pour pousser ce caractère documentaire à l’extrême, le duo a fait une expérience photographique unique au cinéma en utilisant une pellicule super-16 inversible. Ce procédé n’était utilisé que dans les années 1960-1980 dans les actualités télévisées. Il en découle une image à l’ancienne, moins léchée et un caractère trash plus accentué dans les passages borderlines. Les dialogues sont souvent pince-sans-rire et complètement décalés, tout comme les personnages hauts en couleurs.

Ce qui ressort du travail des réalisateurs, c’est l’amour pour leurs acteurs auxquels ils donnent des rôles hors-normes. Depardieu campe Serge, un gentil niais, souvent raillé derrière lequel se cache un douloureux passé (c’est son dernier grand rôle). Il est accompagné par son épouse souvent revêche avec un côté Raymonde Bidochon, mais touchante dans ses sentiments pour son Serge. Les deux apparaîtront par la suite dans Le Grand Soir, film qui succédera à Mammuth. Isabelle Adjani est belle (et interpelle pas mal) en fantôme récurrent de la première petite amie du héros, tuée dans un accident dans lequel il était impliqué. Benoit Poelvoorde fait une apparition très drôle avec un face-à-face prometteur avec Depardieu (on les retrouvera à nouveau en 2016 dans Saint Amour du même duo de cinéastes). On retrouve également Bouli Lanners (leur acteur fétiche), l’artiste plasticienne autiste Miss Ming et son univers très particulier, l’entarteur Noël Godin (dans un caméo muet), ou encore Jo du groupe Mano Negra, soit tous acteurs récurrents des films de Delépine/Kervern. Le reste du casting étant composé d’amis : Anna Mouglalis, Catherine Hossmalin, Philippe Nahon, les dessinateurs Blutch et Siné, le chanteur Dick Annegarn, l’ex-Deschiens Bruno Lochet, le DJ de radio Rémy «RKK » Kolpa Kopoul, Albert Delpy (le père de Julie Delpy)…
Avec son casting de personnages insolites, sa photo expérimentale, sa bande-son poétique et tout en douceur de Gaëtan Roussel (seul travail digeste de la carrière solo du chanteur de Louise Attaque), Mammuth est un ovni du cinéma français. Hommage à une moto mythique, la Münch Mammuth, il invite à partir à la rencontre d’une France oubliée, en traçant sa route cheveux aux vents. Un voyage initiatique libertaire dans la lignée des Valseuses.

@ Nicolas Cambon

Mammuth-Depardieu Crédits photos : Ad Vitam

Par Nicolas Cambon le 3 avril 2016

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