[Critique] LE DIABLE, TOUT LE TEMPS

CRITIQUES | 24 septembre 2020 | Aucun commentaire
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Titre original : The Devil All The Time

Rating: ★★★★★

Origine : États-Unis

Réalisateur : Antonio Campos

Distribution : Tom Holland, Robert Pattinson, Haley Bennett, Harry Melling, Bill Skarsgård, Riley Keough, Sebastian Stan, Mia Wasikowska, Eliza Scanlen, Jason Clarke…

Genre : Drame/Adaptation

Durée : 2h18

Date de sortie : 16 septembre 2020

Le Pitch :

Vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Willard rentre au pays et rencontre Charlotte, dont il tombe éperdument amoureux. Peu de temps après leur rencontre naît leur fils Arwin, qui voit son père s’enfoncer dans le fanatisme religieux quand sa mère succombe à la maladie. Dès lors, peu importe le sang que Willard dépose en offrande sur l’autel qu’il s’est construit dans les bois, le destin continue de s’acharner. Au point de marquer au fer rouge Arwin, dont la route va être amenée à croiser celle d’autres personnages tourmentés, pris dans les abysses d’une existence soumise à la violence…

La Critique de Le Diable, tout le temps :

Donald Ray Pollock ne fait pas partie de ces écrivains sortis des grandes universités. Lui, s’il est venu à l’écriture, c’est un peu par nécessité. Car la vie ne lui laissait pas d’autre choix. Ouvrier dans une usine de pâte à papier, il s’inscrivit à l’âge de 50 ans dans un cours d’écriture. Très vite, ses textes sont remarqués. Son deuxième roman, Le Diable, tout le temps, recevant même de nombreuses récompenses aux États-Unis et ailleurs. Un livre âpre, brutal, habité d’une forme d’espoir ténu qui sans cesse, semble se débattre face à une mélancolie écrasante. Le Diable, tout le temps dont le réalisateur/scénariste Antonio Campos s’est emparé pour en faire un long-métrage.

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Anges et démons dans l’Amérique rurale

S’il n’a pas lui-même assuré l’adaptation de son roman, Donald Ray Pollock a tenu à participer à la production du film en se chargeant la narration. Bien sûr, si vous optez pour la V.F., c’est la voix de Benoît Allemane, le doubleur attitré de Morgan Freeman, que vous entendrez vous conter les tourments de ces personnages pris au piège du destin. Si vous choisissez la V.O. en revanche, vous pourrez apprécier les intonations graves de Pollock. Une voix qui prend le spectateur par la main pour ensuite lui présenter plusieurs protagonistes. Un jeune couple en route vers le bonheur, stoppé net par une tragédie aux multiples répercutions, un tandem de tueurs en série, sortes de Bonnie & Clyde libidineux et cruels, un jeune homme pris au piège de son héritage, un pasteur décadent… Des personnages à travers lesquels le film, comme le roman avant lui, raconte une certaine Amérique, incluant dans sa dynamique les démons nés en Europe ou dans le Pacifique, pendant la Seconde Guerre mondiale, qui par la suite, n’ont jamais cessé de harceler nombre de ceux qui étaient revenus vivants. Et c’est donc après une brillante introduction, qui nous met d’emblée dans le bain, que le film continue son immersion, passant d’un protagoniste à un autre sans perdre de sa fluidité. Tous étant, on s’en doute même sans avoir lu le bouquin, connectés d’une façon plus ou moins directe.

Chacun répondant à un autre, bourreaux ou victimes.

Innocence sacrifiée

Le titre « Le Diable, tout le temps » fait référence au fanatisme de ce père de famille incarné par Bill Skarsgård, qui, quand sa femme tombe malade, décide de tout sacrifier à Dieu pour obtenir un miracle. Pour lui, le Diable est susceptible de se cacher partout, « tout le temps ». Le film chavirant dans le drame pur et dur, sombre et brutal, dès lors qu’un sang innocent se met à couler sur cet autel installé à la hâte dans la forêt pour satisfaire un dieu que le personnage imagine avide de sacrifice. Une manière pour Pollock, ici remarquablement illustré par Campos, de pointer du doigt la bigoterie de ces régions reculées, où les habitants s’abandonnent parfois au ciel sans aucune demi-mesure, trahissant les préceptes du livre sacré qu’ils adorent sans même parfois s’en rendre compte. La suite est du même tonneau tant Le Diable, tout le temps parvient à passionner sans jamais cesser de resserrer son étreinte. À mesure que les conséquences des actes du père se font sentir sur la vie de son fils, mais pas seulement, car d’autres facteurs viennent exercer leur influence… Difficile au fond de dissocier Le Diable, tout le temps de son modèle littéraire. L’adaptation étant à la fois très respectueuse mais aussi très juste. Juste car jamais elle n’essaye d’extrapoler à partir des mots de Pollock pour livrer une interprétation. La démarche est la même des deux côtés. Ce qu’Antonio Campos fait par contre, c’est tenter de mettre en image avec le plus d’acuité les mots de Pollock. Un réalisateur remarqué grâce à quelques longs et courts métrages, passé par la case série tv avec The Sinner ou The Punisher, qui ici, accomplit un boulot remarquable. Sans cesse sur la brèche, épaulé par la sublime photographie de Lol Crawley, il livre une toile en forme d’authentique fresque. Son film possédant une patine vintage du plus bel effet, pas trop soulignée, dans la nuance, alors que le montage, très fluide, contribue à faire monter la pression jusqu’au bout.

Pris dans les tourments du destin

L’une des grandes forces du film est donc de trouver le ton juste très rapidement. Les acteurs n’étant forcément pas étrangers à la réussite de l’ensemble, chacun embrassant sa partition avec un brio remarquable. Ainsi, Tom Holland, à des milliers de bornes de Spider-Man, offre une performance toute en retenue qui confirme tout le bien qu’on pensait de lui depuis The Lost City of Z, alors qu’autour, Riley Keough, à nouveau fantastique, Sebastian Stan, décidément surprenant, Robert Pattinson, ici glaçant, ou encore Bill Skarsgård et Haley Bennett, tous les deux impeccables, incarnent des thématiques fortes et actuelles. Actuelles car si l’action se déroule dans les années 50 puis 60, le film parle finalement de choses qui continuent à nous toucher. Surtout à l’heure de l’Amérique de Trump, où le fanatisme, la violence, l’enfermement et le mensonge prennent parfois le pas sur le raison et la bienveillance. Le Diable, tout le temps dissertant également sur la notion d’héritage, sans oublier d’ illustrer la percée d’un espoir, tenace mais sans cesse mis à mal. Très grand film.

En Bref…

Superbe adaptation d’un roman majeur, Le Diable, tout le temps s’avère aussi poignant qu’émouvant. Un film très sombre et torturé, magnifiquement réalisé et écrit, porté par des comédiens en état de grâce. L’un des meilleurs films que vous pourrez voir sur Netflix et l’un des meilleurs que vous pourrez voir cette année tout court…

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Netflix
Par Gilles Rolland le 24 septembre 2020

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