[Critique] BIENVENUE À SUBURBICON

CRITIQUES | 7 décembre 2017 | Aucun commentaire
Bienvenue-à-Suburbicon-poster

Titre original : Suburbicon

Rating: ★★½☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : George Clooney
Distribution : Matt Damon, Julianne Moore, Noah Jupe, Oscar Isaac, Karimah Westbrook, Gary Basaraba…
Genre : Thriller/Drame/Comédie
Date de sortie : 6 décembre 2017

Le Pitch :
À Suburbicon, une ville résidentielle des plus tranquilles, à la fin des années 50, l’installation d’une famille afro-américaine sème le trouble parmi une population en majeure partie raciste. En marge des manigances de la communauté pour forcer les nouveaux locataires à déménager, un homme doit faire face au meurtre de son épouse par des malfrats. Un homme en apparence bien sous tous rapports qui pourrait néanmoins lui aussi cacher quelques secrets…

La Critique de Bienvenue à Suburbicon :

C’est en 2002 que George Clooney passe à la réalisation avec le remarqué Confessions d’un homme dangereux. Deux ans plus tard, il met en boite ce qui reste à ce jour son meilleur film, à savoir le vibrant et incarné Good Night and Good Luck. Les suivants, que l’on parle de Jeux de Dupes, des Marches du Pouvoir ou de Monuments Men, ont sans cesse confirmé la passion et la grande générosité de l’ex-docteur Ross tout en trahissant aussi une tendance à systématiquement louper le coche. Dans les grandes largeurs, comme avec le frustrant car très prometteur Monuments Men, ou de très peu, comme avec le valeureux et bien tendu Les Marches du Pouvoir. Objet de toute l’attention, reconnu en tant que comédien, bête de tabloïd, Clooney le cinéaste, a ainsi eu du mal à confirmer les espoirs suscités par ses deux premiers longs-métrages, passant un peu à côté de ses sujets, malgré une bonne volonté et un talent certains. Du talent et de la bonne volonté que l’on retrouve dans Bienvenue à Suburbicon, son sixième film. Une œuvre décevante à plus d’un titre…

Bienvenue-à-Suburbicon

Le cul entre deux chaises

C’est en 1999 que Clooney reçoit un script des frères Coen dans lequel il est question d’un mari un peu idiot, d’une femme devenue la cible de malfrats et de manigances qui ne sont pas sans rappeler celles au centre de Fargo, l’un des chefs-d’œuvre des frangins. Un scénario auquel Clooney a tenu à greffer une autre histoire, qu’il a imaginé avec son compère Grant Heslov en s’inspirant du documentaire Crisis in Levittown, dans lequel il est question d’une famille afro-américaine qui s’installe dans une banlieue raciste et qui devient vite l’objet d’insultes et d’intimidations diverses. Pourquoi Clooney a-t-il estimé que l’histoire écrite par les Coen ne se suffisait pas à elle-même ? Telle est la question ! Car pourquoi avoir absolument tenu à faire coexister ses deux trames ? Le soucis de Bienvenue à Suburbicon est là. En permanence, le film donne l’impression que Clooney a absolument tenu à trop en faire. Certes animé de cette fameuse bonne volonté qui l’a poussé à livrer une satire sociale sur l’Amérique et ainsi tendre un miroir à la société d’aujourd’hui, le réalisateur échoue à justement conférer de la cohérence à son propos. D’un côté il y a le thriller, la comédie et toutes ces petites choses qui évoquent donc Fargo, mais aussi A Serious Man et Burn After Reading, et de l’autre le récit de cette famille afro-américaine confrontée au racisme crasse. Au final, jamais le long-métrage ne parvient à faire preuve d’unité et voit son propos, ou plutôt ses propos, dilués, jusqu’au moment où il est évident qu’il ne parviendra jamais à passionner, à vraiment amuser ou ne serait-ce qu’à véritablement rendre justice à ce que Clooney à voulu faire passer.
On a donc l’impression de regarder deux films en même temps. Deux films qui coexistent mal au sein du même univers…

De l’autre côté de la barrière

Porté par des comédiens bien évidemment extrêmement doués, mais un peu paumés quand même, Bienvenue à Suburbicon souffre alors étrangement d’une écriture sans cesse parasitée par ce désir de trop vouloir en faire. La verve des Coen se perd, on ne rigole pas autant que prévu et la force du propos de l’autre histoire, celle qui parle du racisme d’un pays mis face à face avec ses démons, apparaît aussi hors sujet que curieusement survolée. Malgré Matt Damon, malgré Julianne Moore, qui se dédouble, ce qui vaut forcément le détour, et malgré Oscar Isaac ou le prodigieux Noah Jupe, un jeune acteur à suivre, Bienvenue à Suburbicon ne tarde pas à ennuyer, voire à carrément irriter. Plus que jamais, Clooney n’arrive pas à se focaliser et part dans plein de directions à la fois. Mais comme il veut manifestement bien faire, on a envie de lui pardonner. Reste que son film, aussi beau soit-il, aussi valeureux soient ses principes et aussi nombreux soient ces petits éléments qui relèvent la sauce de temps à autre, ennuie invariablement.

En Bref…
George Clooney passe à côté de son film. En faisant coexister deux histoires qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre au sein d’un ensemble du coup hyper bancal, il loupe le coche. On reconnaît ici ou là les frères Coen, on voit aussi où Clooney veut en venir et on salue la volonté de ce dernier, mais le spectacle n’est pas à la hauteur. Pas à la hauteur des ambitions de départ, pas à la hauteur des forces en présence, devant ou derrière la caméra et pas à la hauteur du trailer qui laissait présager un long-métrage d’un tout autre calibre. Déception.

@ Gilles Rolland

Bienvenue-à-Suburbicon-Moore-Damon   Crédits photos : Metropolitan FilmExport

Par Gilles Rolland le 7 décembre 2017

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