[Critique] DEADPOOL

CRITIQUES | 10 février 2016 | 2 commentaires
Deadpool-poster

Titre original : Deadpool

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Tim Miller
Distribution : Ryan Reynolds, Morena Baccarin, Ed Skrein, Gina Carano, Brianna Hildebrand, T.J. Miller, Jed Rees…
Genre : Action/Comédie/Fantastique/Adaptation
Date de sortie : 10 février 2016

Le Pitch :
Ancien militaire des Forces Spéciales, Wade Wilson file le parfait amour avec la sublime Vanessa. Un jour néanmoins, le rêve éveillé prend fin, quand Wade apprend qu’il est atteint d’une forme particulièrement agressive de cancer. C’est alors qu’il est approché par un mystérieux individu qui lui propose de subir une série d’interventions visant à non seulement le guérir, mais aussi à le transformer en sur-homme. Un être doté de capacités physiques exceptionnelles qui se fera bientôt connaître sous le nom de Deadpool…

La Critique :
Le cas de Deadpool est atypique. Super-héros complètement siphonné et ultra violent faisant joyeusement tâche au sein du bestiaire Marvel, Deadpool fut totalement sacrifié en 2009, à l’occasion de sa première apparition au cinéma. Opposé à Wolverine dans le premier X-Men : Origins, la grande gueule apparaissait muette, et totalement dénuée du moindre charisme. De quoi faire enrager les fans, qui depuis, n’ont cessé de reprocher à la maison des idées de ne pas avoir bougé le petit doigt pour empêcher tel traitement. Du statut de rebelle porté sur le cul, les bonnes vannes et la mitraille, Deadpool était devenu une créature difforme, quasiment asexuée et dénuée du moindre second degré. De quoi mettre également en rogne son interprète, Ryan Reynolds, déjà pas vraiment gâté par une carrière marquée par de trop nombreux films anecdotiques. Reynolds qui s’est donc lancé dans une croisade pour sauver Deadpool. Pour le faire revenir sur le devant de la scène, dans un long-métrage qui lui serait entièrement dédié et dans lequel il pourrait apparaître tel qu’il brille entre les pages des comics, avec sa gouaille, son charisme, ses deux sabres affûtés et ses flingues fumants. L’acharnement de Reynolds, entre temps à nouveau pris dans un traquenard super-héroïque, cette fois chez DC Comics, avec Green Lantern, a donc fini par payer, et Deadpool de se retrouver au centre de toutes les attentions. La 20th Century Fox et Marvel sachant quelles étaient les attentes, l’objectif était clair : donner aux fans ce qu’ils voulaient, à savoir de la brutalité, du sang et du sexe. C’est du moins comme cela que les choses se devaient d’être, afin que la deuxième chance du super-héros ne se transforme pas en nouveau désastre…
Ryan Reynolds s’est ainsi donné sans compter. Dès le lancement de la promo, il fut partout. À Halloween, c’est déguisé en Deadpool qu’il enflamma les réseaux sociaux, pendant que, tout doucement, la machine se mettait en branle. Une machine qui une fois lancée à plein régime devint incontrôlable, promettant aux spectateurs, déjà animés de sérieuses attentes, monts et merveilles. « Vous n’avez jamais vu un film Marvel comme celui-là », «  Ceci n’a rien à voir avec les trucs de super-héros classiques », ce genre d’arguments. Toutes les occasions étaient bonnes pour présenter Deadpool comme le sauveur d’un genre épuisé par les schémas classiques et -parfois- la bien-séance trop prononcée, faisant in fine de lui le candidat parfait pour tous ceux en passe de lâcher définitivement les sauveurs en collants moulants au cinéma.
Précédé d’une telle promo, le long-métrage de Tim Miller n’encourageait aucune indulgence. Il fallait à tout prix qu’il soit cool, méchant, drôle, barbare, un peu pervers, attachant et surtout, diamétralement opposé à ses petits copains X-Men et autres mutants sortis de l’imagination de Stan Lee et de sa troupe de créatifs.

Deadpool-Morena-Baccarin

Dès le générique, Deadpool en fait des caisses. L’idée de débuter par le milieu, alors que Deadpool est déjà Deadpool est bonne, mais le fait de remplacer le nom des comédiens et du réalisateur par de petits sobriquets censés appuyer le côté meta de l’humour, est déjà bien lourd. En seulement 5 minutes, le film nous abreuve en vannes et en références. L’action prend la suite et nous montre en effet que chez le héros rouge et noir, la clémence n’est pas de mise. Il tranche, flingue et n’a aucune pitié pour ses ennemis. C’est chouette, et oui, une telle introduction met bien en jambe. La suite, malheureusement, ne fera que confirmer les craintes d’un tel projet auto-proclamé depuis le début de sa mise chantier comme le chef-d’œuvre que nous rêvions tous de voir.
Tim Miller et ses scénaristes se donnent pourtant du mal pour brouiller les pistes et pour s’éloigner des standards. En optant pour une narration éclatée par exemple ou en abattant le quatrième mur, quand le protagoniste principal s’adresse à la caméra, comme Frank Underwood dans House of Cards. L’occasion pour le film d’encore multiplier les blagues d’initiés. Des vannes qui apparaissent par ailleurs assez rapidement comme d’astucieux cache-misère. Deadpool se moque, mais ce dont il se moque, est pourtant partie intégrante de son film. Il a beau se foutre de Wolverine et des autres X-Men, il n’en demeure pas moins l’un des membres de cet univers partagé, et à force de montrer du doigt tel ou tel truc, il ne fait finalement que mettre un peu plus en évidence la lourdeur de son humour et surtout la banalité de sa démarche.

Et oui car tragiquement, le film n’est pas aussi original qu’il veut bien le reconnaître. L’histoire constitue le meilleur exemple car elle passe par toutes les portes imposées par le parcours classique du mec qui devient un super-héros pour ensuite aller tabasser un bad guy responsable de l’enlèvement de sa copine. En schématisant un peu et pour verser nous aussi dans l’humour référentiel, on pourrait dire que Deadpool fait ni plus ni moins ce qu’a fait Mario le plombier pendant toute sa carrière vidéo ludique : sauver sa femme en utilisant ses capacités spéciales. Autrement, le scénario manque cruellement d’enjeux. Si on fait exception de Deadpool lui-même, tous les personnages secondaires sont traités par dessus la jambe. De la superbe petite-amie, incarnée par la spectaculaire Morena Baccarin, aux deux X-Men, Colossus et Negasonic, alias le moralisateur venu du froid et l’ado rebelle, en passant par le méchant, dont les motivations s’avèrent extrêmement insuffisantes pour en faire un adversaire de poids. Et on ne parle pas du side-kick un peu débile mais plutôt gentil, incarné le pourtant excellent T.J. Miller (autrement mieux exploité dans la série Silicon Valley). La preuve par trois que les auteurs ont tout misé sur le super-héros, en se concentrant sur les blagues, histoire de sonner avec l’insolence promise par la promo, les trailers et toutes les pubs Facebook et Twitter. Malheureusement là encore, les blagues en question sont au mieux amusantes, au pire foireuses et les références s’avèrent aussi faciles que prévisibles. Seules deux ou trois répliques font vraiment mouche, tandis que tout le reste s’inscrit dans une démarche en somme toute cohérente avec l’objectif que s’est fixé le film, à savoir s’adresser aux jeunes.
Deadpool est un pur produit de son époque. De la génération hashtag, « mdr », et « en mode ». Une œuvre tout à fait consciente que sa violence assumée constitue un argument de vente imparable et que sa coolitude programmée va attirer des milliers de teenagers qui pour certains, vont braver l’interdiction aux moins de 12 ans. Quand les X-Men ou les Avengers se prennent au sérieux, Deadpool lui, fait semblant d’y aller en freestyle. Il noie le poisson. Mais en réalité, il rentre dans le même moule. Il suffit pour s’en convaincre de remettre les différentes parties du film dans l’ordre. Tout compte fait, le spectacle n’est jamais aussi subversif que prévu. Ni aussi drôle. Ni aussi brutal. Ni aussi osé. Et surtout pas aussi original qu’espéré.
Certes des têtes volent et des mecs se font embrocher, mais au fond, rien de de ce Deadpool nous montre ne rivalise avec ce qu’on peut voir dans certaines séries TV et dans le genre, Punisher War Zone était bien plus sauvage et gore. Sans compter que l’humour dilue cette violence, en la rendant très cartoonesque. C’était peut-être le but, mais l’impact en prend un coup dans l’aile. Pour le côté cul, oui on en parle beaucoup, mais à l’écran, le show reste très sage et pudique. À l’arrivée, la grosse torgnole prévue, n’est qu’une gentille tape sur l’épaule.

Reste donc un film de super-héros plutôt classique. Sympathique mais anecdotique sur le fond, Deadpool gagne ses galons sur la forme. La réalisation est dynamique, même si certains effets tombent à plat, Ryan Reynolds se donne à 200%, le costume est cool, et les scènes d’action sont percutantes et rythmées. Et tant pis si la pauvreté des décors trahit le manque d’ambition de cette production Marvel à petit budget (si on le compare aux grosses machines). Parfois, tout ceci est même assez galvanisant. Quand la sauce prend, elle prend vraiment.
Alors peut-on parler de déception ? Oui. La faute à une campagne promo certes maligne, mais vraiment pas raccord avec la vraie nature du projet. Il est clair que Deadpool parlera à un certain public et les amateurs y trouveront probablement leur compte. C’est le principal, mais au fond, pas de quoi se lever la nuit pour crier au génie. La subversion est ailleurs. Le rebelle est bien gentil et ses aventures, beaucoup plus polies et conventionnelles que celles de son homologue de papier. Et si il bouge et parle beaucoup, au point de lasser, Deadpool passe aussi beaucoup de temps à brasser du vent. Et ça c’est dommage. Surtout quand on le compare à Kick-Ass, toujours le mètre-étalon en la matière, ou dans une moindre mesure au méconnu Super. Soit des films vraiment méchants, vraiment irrévérencieux, brutaux et souvent très drôles.
Mais Ryan Reynolds n’est pas à blâmer. Au contraire car tout l’édifice repose sur ses épaules. Son Deadpool n’est pas encore tout à fait au point mais il est à des millions de kilomètres du samouraï en carton vu dans Wolverine. La prochaine fois, avec un vrai bon scénario, une ambition plus affirmée, et pourquoi pas un peu de modestie, ça devrait le faire.

@ Gilles Rolland

Deadpool-Ryan-Reynolds  Crédits photos : 20th Century Fox France

Par Gilles Rolland le 10 février 2016

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karl Libus
karl Libus
8 années il y a

Pas d’accord, je trouve trop kiffant le film…
Ok pas aussi déjanté que la BD mais je me suis éclaté tout le long du film, en tout cas en grande partie…
en même temps les goûts et les couleurs…
😉