[CRITIQUE] FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX
Titre original : Furiosa : A Mad Max Saga
Rating:
Origine : Australie/États-Unis
Réalisateur : George Miller
Distribution : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Nathan Jones, John Howard, Angus Sampson…
Genre : Action/Aventure/Suite/Saga
Durée : 2h28
Date de sortie : 22 mai 2024
Le Pitch :
Arrachée à son foyer dès l’enfance, Furiosa est prisonnière du clan de Dementus, un seigneur de guerre aussi violent qu’instable. Animée d’un puissant désir de vengeance, la jeune femme voit enfin une opportunité de se libérer de ses chaînes quand Dementus confronte le terrifiant Immortan Joe pour le contrôle des principales ressources vitales du territoire…
La Critique de Furiosa : une saga Mad Max :
George Miller revient, comme promis, dans le Wasteland, presque 10 ans après Mad Max : Fury Road, afin de nous conter la légende de Furiosa. Un personnage puissant, jadis interprété par Charlize Theron, qui ici, prend les traits d’Anya Taylor-Joy, alors que son enfance nous est narrée. George Miller dont le principal défi était donc d’à la fois continuer son exploration d’un univers qu’il façonne depuis 1979, mais aussi de ne pas se répéter. Alors… mission accomplie ?
Fast & Furiosa : Wasteland Drift
Il est était une fois Furiosa… George Miller nous fait sa Prisonnière du Désert au cœur des terres dévastées d’une Australie post-apocalyptique régulièrement sillonnée par les véhicules destroy de raclures shootées à l’adrénaline et au pouvoir. En plein tir croisé, tiraillée malgré elle entre Dementus, un chef de clan incontrôlable et Immortan Joe, le maître incontesté du Wasteland, Furiosa entend s’émanciper pour à la fois prendre sa revanche mais aussi s’imposer comme un mythe à elle seule.
Pari ambitieux que celui de narrer les origines de Furiosa tout en raccrochant les wagons avec Fury Road… Un pari que George Miller, 79 ans, relève avec la fougue d’un jeune premier, non sans commettre quelques impairs au passage (mais nous y reviendrons). Le réalisateur australien ayant néanmoins refusé de refaire Fury Road pour nous livrer un film à la fois plus posé, néanmoins sauvage au possible, mais aussi plus complexe dans son déroulé et ses implications.
Highway to hell
À nouveau rythmé par la musique de Junky XL, qui lui aussi a joué sur les nuances, Furiosa alterne donc entre passages brutaux et violents, courses-poursuites effrénées (dont une mémorable, qui s’impose comme la version moderne et boostée à la nitro de la course de chars dans Ben-Hur) et scènes plus intimistes, qui permettent aux personnages de s’exprimer et d’exister en dehors du bruit et de la fureur. Même si au fond, Furiosa, à l’image de son héroïne, se définit justement par sa fureur. Une fureur lisible dans les yeux d’Anya Taylor-Joy, une guerrière mutique qui fait preuve d’une résilience à toute épreuve et d’une redoutable patience pour atteindre ses objectifs, au centre d’un monde gouverné par des hommes complètement timbrés et imprévisibles.
Sur la route de l’enfer, prise en étaux entre des seigneurs de guerre soucieux de contrôler les puits de pétroles, l’eau et la nourriture, Furiosa définit profondément un film tout entier dédié à sa gloire. Pour autant, George Miller n’oublie pas la maxime d’Alfred Hitchcock qui a dit un jour « meilleur est le méchant, meilleur est le film », en misant sur un antagoniste aussi brillant que clivant.
Thor dans le désert
Affublé d’un nez grotesque, musculeux et charismatique en diable, Chris Hemsworth est donc Dementus, le nouveau méchant en chef. Réalisant le plus grand hold-up de sa carrière (à ce jour), l’acteur australien impressionne en permanence, dotant son personnage de couleurs et de nuances insoupçonnées. À la fois pathétique et effrayant, drôle et brutal, complexe et bourrin, son Dementus constitue un opposant de choix face à la superbe Furiosa d’Anya Taylor-Joy, mais s’impose aussi comme l’un des plus grand atouts du film. Au point de rendre quelques autres personnages secondaires un peu anecdotiques, à l’image du bellâtre qui accompagne Furiosa sur la route et qui, de par son accoutrement et son caractère taiseux, évoque une version light et inoffensive du Mad Max de Mel Gibson et Tom Hardy.
50 nuances d’ocre
Ambitieux sur à peu près tous les plans, Furiosa démontre une nouvelle fois du superbe savoir-faire de Miller, ici en pleine possession de son art. On y revient, mais il n’y a qu’à voir la puissance de la scène du camion pour s’en convaincre… Pour autant… Car oui, il y a un mais. Plusieurs même.
Là où Fury Road misait avant tout sur le concret et le « dur », Furiosa s’autorise des effets numériques. Un choix parfaitement compréhensible pour étendre les limites du Wasteland et nous présenter des lieux grandioses. Pas toujours collé à la route, comme avec Fury Road, Miller s’appuie sur une technologie qui parfois est un peu trop voyante, comme l’illustrent des incrustations un peu hasardeuses et brouillonnes. Cela dit, on peut aussi choisir de voir dans ces plans un peu artificiels un parti-pris esthétique. Comme ces accélérations de l’image, au cœur de la saga depuis ses débuts, qui peuvent déstabiliser mais qui sont bel et bien issues d’un choix conscient de la part du metteur en scène. De quoi conférer à Furiosa un parfum un peu kitsch que l’on peut trouver séduisant ou ridicule en fonction de sa sensibilité.
Quelques ratés dans le moteur
Le montage est aussi parfois un peu curieux. Partisan des ellipses, qui peuvent s’avère frustrantes, le film pêche un peu par manque de fluidité dans son déroulé. L’évolution de Furiosa par exemple, passe par une sorte d’épreuve de force assez vite survolée. Comme si Miller avait pris des raccourcis dont il ne maîtrisait pas toutes les implications. On peine par exemple à comprendre comment Furiosa a trouvé sa place dans la hiérarchie d’Immortan Joe. La fin est également vite balancée, comme si Miller était pressé de faire la jonction avec Fury Road, sans trop se soucier des détails…
Pas de quoi gâcher le plaisir pour autant. Si Fury Road se démarquait par sa franche immédiateté et par son caractère très viscéral, comte tenu de sa condition de gigantesque et démente course-poursuite, Furiosa a le mérite d’essayer autre chose, de prendre plusieurs itinéraires-bis et de miser sur une certaine audace. Et si le moteur accuse donc quelques ratés, ces derniers ne l’empêchent pas de franchir la ligne d’arrivée avec classe.
En Bref…
Parfois étrangement brouillon, dans son déroulé mais aussi visuellement parlant, Furiosa emporte tout de même la mise grâce à son énergie, à la maestria de George Miller, au charisme d’Anya Taylor-Joy et à la puissance du jeu de Chris Hemsworth. Un film ambitieux donc, qui ne doit pas se comparer à Fury Road mais dont la portée semble pourtant un tantinet plus limitée.
@ Gilles Rolland