[Critique] LE DERNIER DUEL

CRITIQUES | 14 octobre 2021 | 1 commentaire
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Titre original : The Last Duel

Rating: ★★★★½

Origine : Royaume-Uni/États-Unis

Réalisateur : Ridley Scott

Distribution : Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Ben Affleck, Harriet Walter, Nathaniel Parker, Sam Hazeldine, Michael McElhatton…

Genre : Aventure/Drame/Adaptation

Durée : 2h32

Date de sortie : 13 octobre 2021

Le Pitch :

En France, au XIVème siècle, le chevalier Jean de Carrouges, de retour de Paris, apprend que sa femme, Marguerite de Thibouville, a été violée par son ancien ami, l’écuyer Jacques Le Gris. Malgré le fait que Le Gris conteste cette accusation, Jean est fermement décidé à lui faire payer et décide de le provoquer lors d’un duel judiciaire. Si Jean l’emporte, cela voudra dire que son épouse dit la vérité. Si en revanche, c’est Le Gris qui gagne, Marguerite, reconnue coupable de mensonge, sera brûlée vive. Histoire vraie…

La Critique de Le Dernier Duel :

Ridley Scott est incroyable. À 83 ans, alors que d’autres, qui n’ont même pas la moitié de son âge, réalisent des films tous les 3 ou 4 ans, lui enchaîne les projets. Il faut dire que sa réputation et sa capacité à souvent engendrer des œuvres capables d’amasser des millions au box-office lui ont conféré une sorte de carte blanche à vie qui lui permet de réaliser ses projets sans trop de problème. Mais quand même… Le plus impressionnant cela dit, c’est de le voir s’attaquer à des films aussi ambitieux, visuellement et narrativement parlant, que Le Dernier Duel. Un film qui lui a donné l’occasion de revenir en Dordogne, où il avait déjà emballé quelques scènes des Duellistes, son premier long-métrage auquel celui-ci fait forcément écho à plus d’un titre…

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And justice for Her

En s’attaquant à l’histoire du duel judiciaire entre Jacques Le Gris et Jean de Carrouges Ridley Scott s’est donc imposé un nouveau défi à double tranchant, aussi physiquement exigeant, compte tenu des ambitieuses scènes de bataille dont le récit est parsemé, que psychologiquement intense. Adaptée par Nicole Holofcener, Ben Affleck et Matt Damon, l’histoire en question est ici découpée en quatre chapitres et s’intéresse au point de vue de chacune des parties (Jean, Jacques et Marguerite) avant de conclure avec le duel tant attendu. Duel qui, autant le dire tout de suite, fait plus que tenir ses promesses. Rarement au cinéma, surtout récemment, nous avons eu l’occasion de voir un affrontement aussi réaliste, sauvage et filmé de main de maître. Rien que pour les 20 dernières minutes, Le Dernier Duel vaut le déplacement. Mais le plus beau, c’est que tout ce qui précède fait également montre d’une virtuosité incroyable.

Il était une fois en France

La façon dont Ridley Scott raconte son histoire, en opérant donc de réguliers flash-backs pour étudier un même événement sous plusieurs points de vue, s’avère aussi pertinente qu’efficace. Superbement écrit, d’une sobriété exemplaire et caractérisé par son grand sens de la nuance, le script de Damon/Affleck/Holofcener offre la chance à Ridley Scott de façonner une fresque à l’ancienne, aux fulgurances romanesques avant que l’infamie ne vienne tout faire voler en éclat. Intriguant, Le Dernier Duel prend parfois des airs de thriller alors que les véritables intentions des scénaristes et du cinéaste se dessinent de manière sous-jacente.

Fresque féministe

En plaçant le personnage de Marguerite de Thibouville, remarquablement interprété par la révélation de Killing Eve, Jodie Comer, au centre de la dynamique, Ridley Scott fait bien plus qu’opposer deux hommes autrefois proches pour décider du salut d’une jeune femme. Non, ce que le film parvient à raconter, c’est comment, à cette époque, bien souvent, les femmes étaient en première ligne pour non seulement payer les conséquences des actes des hommes, mais aussi pour les justifier parfois et les racheter quand c’était possible. Loin des rôles féminins habituellement attribués dans les films de chevalerie, Le Dernier Duel met en avant une femme forte touchée de plein fouet par la perfidie, qui va choisir de rester debout pour faire face au lieu de se détourner pour survivre dans l’ombre comme tant d’autres avant elle.

Ainsi, le duel dont il question concerne tout aussi bien, au sens propre, le combat de Carrouges et Le Gris que celui d’une femme contre une société engoncée dans son fanatisme et ses certitudes parfois absurdes. Et encore une fois, la façon dont l’histoire nous est contée, en plusieurs parties, permet véritablement de mettre en avant les vraies thématiques au cœur du récit. Cela offre aussi à Ridley Scott l’opportunité de connecter Le Dernier Duel pour le rendre terriblement actuel. Le combat que mène Marguerite de Thibouville étant celui de plusieurs milliers de femmes aujourd’hui. Car au fond, ne nous y trompons pas, le duel avec les épées, la guerre, les conflits d’ego et la quête de pouvoir de ces puissants avides de toujours plus s’imposer face à un roi totalement aux fraises (excellent Alex Lawther de la série The End Of The Fucking World)… tout ceci ne fait que mettre en valeur le vrai propos du long-métrage.

À l’ancienne

Cela dit, si son discours est tragiquement actuel et sonne avec une modernité indéniable, Le Dernier Duel sait aussi faire preuve d’une bravoure de tous les instants quand il est question de retranscrire toute une époque et donner du souffle aux combats. Dès le début, Ridley Scott prouve que non seulement il n’a rien perdu de sa fougue d’antan, quand il organisait les batailles des troupes de Maximus dans Gladiator, mais qu’en plus il ne se repose pas sur ses lauriers. Que l’on parle du duel final donc ou des multiples batailles, de la reconstitution d’époque, qui exploite magnifiquement les châteaux de la Dordogne notamment, Le Dernier Duel est un tableau de maître. Toujours lisible, bénéficiant d’une mise en scène puissante, aussi bien capable de faire naître les frissons à travers une joute verbale, un regard fuyant ou une bonne vieille baston à l’épée, le nouveau Ridley Scott est visuellement irréprochable. Et que dire des acteurs… Aux côtés de l’intense Jodie Comer, Matt Damon et Adam Driver, solides, burinés et déterminés, livrent des performances parfaites, tandis que Ben Affleck impressionne lui aussi dans un rôle dont il arrive à tirer le meilleur.

À plus de 80 ans donc, le réalisateur britannique revient dans la mêlée et livre l’un de ses meilleurs films. L’un des plus complexes aussi et assurément l’un des plus évocateurs.

En Bref…

Ridley Scott impressionne avec ce Dernier Duel, où comment livrer un discours féministe magnifiquement mis en valeur, aux accents tragiques et d’une puissante modernité, et offre dans un même élan une fresque chevaleresque brutale et impitoyable. Dans tous les sens du terme. Du grand cinéma.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : 20th Century Fox France
Par Gilles Rolland le 14 octobre 2021

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