[Critique] L’ÉCUME DES JOURS

CRITIQUES | 26 avril 2013 | Aucun commentaire

Rating: ★★☆☆☆

Origine : France
Réalisateur : Michel Gondry
Distribution : Audrey Tautou, Romain Duris, Omar Sy, Gad Elmaleh, Aïssa Maïga, Charlotte Le Bon, Sacha Bourdo, Philippe Torreton, Laurent Lafitte, Natacha Régnier, Alain Chabat…
Genre : Comédie/Romance/Drame/Adaptation
Date de sortie : 24 avril 2013

Le Pitch :
Dans un Paris fantasmagorique, Colin, un jeune nanti, tombe amoureux de Chloë, avec laquelle il convole en justes noces. Leur bonheur est total, mais s’interrompe brutalement, lorsqu’une terrible maladie frappe Chloë : un nénuphar pousse dans son poumon droit. Voyant son pécule fondre comme neige au soleil, et son environnement curieusement se dégrader, Colin cherche du travail pour la première fois de sa vie et se voit assigné à des taches de plus en plus absurdes…

La Critique :
Chloë a un nénuphar qui pousse dans son poumon droit. Drôle de maladie (cependant moins grave que celle qui consiste à avoir un pissenlit dans le scrotum) qui provoque chez la jeune fille de fortes douleurs et qui déclenche chez elle, de curieuses envies, comme celle de jouer au fameux jeu : « on dit le contraire de ce que l’on dit ». Pendant ce temps, Alain Chabat donne des cours de cuisine à Omar Sy, qui lui-même est adulé par la gente féminine, qui sait apprécier son jeu de jambes unique, à base d’entrechats jazzy. Les gens dansent, leurs jambes se transforment en caoutchouc, ou en chiffon c’est selon, et un type tout petit déguisé en souris surveille avec attention les moindres faits et gestes des humains. Parfois, la souris apparaît sans que l’on sache pourquoi en hologramme. Elle fait aussi des bulles avec un colt argenté.
Quand il bosse, Colin, alias Romain Duris, tape à la machine (à la chaine) et ensemence avec son flingue d’amour, des talus pour fabriquer des pistolets à protons. Gad Elmaleh est obsédé par Philippe Torreton qui regarde tout le temps la télé, d’un œil, parce que c’est un philosophe. Allez comprendre. Après tout, on est dans un film qui voit la sonnerie d’une porte d’entrée se balader en toute liberté dans un appartement, avant de regagner sa place au dessus du pallier.

Pas de doute, nous voilà chez Michel Gondry ! En roue libre le Michel s’il vous plait ! Et pour cause, car Boris Vian et lui étaient faits pour se rencontrer. En adaptant le roman surréaliste et fantasque de l’écrivain, Gondry a trouvé un prétexte parfait pour caser tout son bric à brac tout aussi extravagant et ainsi construire à ses personnages un environnement haut en couleurs et riche en trouvailles kitsch. Les comédiens évoluent donc dans un Paris où on peut se balader suspendu à une grue, au dessus du chantier des Halles, dans une voiture nuage, où les fleurs poussent dans les poumons et où un écrivain philosophe du nom de Jean-Sol Partre est élevé au rang de rock star.
À l’instar de son insupportable Science des Rêves, Gondry laisse libre court à son imagination, quitte à délaisser le récit de base. Plus visuel que sensitif, même si les idées graphiques farfelues à base de bricolages savants sont censées en illustrer les thématiques, L’Écume des Jours s’apparente à un trip très excluant.
Vous vous êtes déjà peut-être retrouvé au milieu d’un groupe de personnes hilares, sans comprendre le pourquoi du comment ? Avec L’Écume des Rêves, le risque est le même. Et le risque est grand. Sans pour autant minimiser l’incroyable boulot de Gondry et le jeu admirable des comédiens (même si Gad Elmaleh et Audrey Tatou en font vraiment des caisses et s’avèrent imbuvables très rapidement), le fait est qu’il est très difficile de vibrer pour une histoire littéralement noyée dans un bordel vite plombant, qui bouge sans cesse sans se poser quand elle le devrait.

Contrairement à Eternal Sunshine of a Spotless Mind, où l’inventivité de la mise en scène de Gondry était mieux canalisée et servait donc de manière plus pertinente une histoire d’amour vibrante, L’Écume des Jours se perd et agace. Beaucoup trop long, certes beau parfois, mais aussi écœurant souvent, trop bordélique, le dernier Gondry confirme le manque d’inspiration d’un cinéaste pris en flagrant délit de sur-place. Tombant un peu plus dans le piège de l’auto-caricature, Gondry ressasse, même si dans le cas présent, on se doute que la tentation devait être forte. Peut-être par peur de ne pas rendre justice à Boris Vian, Gondry y va pied au plancher et finit par se mordre la queue, tuant l’onirisme et la poésie du texte dans l’œuf. Comme dans le cas de Tim Burton, Michel Gondry se raccroche à des tics visuels trop identifiables. Ses films se détachent c’est certain, mais pas forcement pour le meilleur. Sa dernière livraison le prouve une nouvelle fois, après l’anecdotique et gonflant The We and The I, sorti l’année dernière.
Résultat, et c’est d’autant plus subjectif ici, L’Écume des Jours peut vite s’apparenter à une véritable épreuve. Il peut même carrément être plombant. Dans son dernier tiers notamment, quand le film se met à ressembler à une version Rive Gauche (avec son casting très hype, made in Canal Plus) du Eraser Head de David Lynch. Le génie en moins bien sûr…

@ Gilles Rolland

l-écume-des-jours-gondryCrédits photos : StudioCanal

Par Gilles Rolland le 26 avril 2013

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