[Critique] PIG
Titre original : Pig
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Michael Sarnoski
Distribution : Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin, Gretchen Corbett…
Genre : Drame
Durée : 1h32
Date de sortie : 27 octobre 2021
Le Pitch :
Robin Feld vit seul dans les bois, en marge de Portland, en compagnie de son cochon truffier. Toutes les semaines, un jeune revendeur lui rend visite et achète le fruit de sa récolte. Un jour, en pleine nuit, des individus l’agressent sauvagement et lui volent sa truie. Bien décidé à la retrouver, Rob se résout à quitter sa clairière, quitte à se confronter à son passé…
La Critique de Pig :
Depuis quelques années, dès que Nicolas Cage revient à un cinéma plus intimiste, loin des films à petits budgets qu’il enchaîne, c’est la même rengaine : « Nicolas Cage est de retour ! ». Oui certes… Mais le truc, c’est qu’il n’est jamais parti. Et si tout le monde salue ici sa performance, il est vrai extraordinaire (on y reviendra), il faut bien comprendre que l’acteur a entrepris ce projet au départ un poil improbable, exactement de la même façon que tous les autres.
Film cochon
Certes, depuis Joe, le dernier film que l’intelligentsia de la critique cinéma a retenu dans sa carrière récente, Nicolas Cage a fait tout et n’importe quoi. Il s’est confronté à Lovecraft, a débité du gourou à la chaîne, a fait du jujitsu face à un alien et a bousillé les androïdes d’un parc d’attraction. Qui a une carrière comme la sienne ? Personne ! Et à chaque fois qu’il accepte un projet, contrairement à un Bruce Willis par exemple, Cage s’ouvre le bide et pose ses tripes encore fumantes sur la table.
Alors oui, Pig est un grand film et Nicolas Cage y est absolument sidérant. La seule différence avec ces autres projets récents, ceux que l’on peut taxer de navets, c’est qu’ici, le scénario, la réalisation ou encore la photographie, sont à la hauteur du sublime investissement du comédien.
« Ça c’est un bon cochon. »
La barbe broussailleuse et l’œil torve, Nicolas Cage habite Pig avec une grâce absolument unique. Massif, le regard déterminé, évoluant dans une économie de mots qui contribue à son charisme écrasant, Rob, son personnage, tient presque de l’entité fantomatique. Quand il revient à la ville pour retrouver son cochon, Rob doit d’ailleurs affronter les spectres de son passé et effectuer un long et douloureux périple pour tenter de remplir la mission qu’il s’est donnée.
Jamais le réalisateur/scénariste Michael Sarnoski ne cesse de se focaliser sur cette figure presque légendaire, sujette à l’admiration et à la crainte de ceux qui croisent sa route. Dans une maîtrise totale, le cinéaste oppose les forêts de l’Oregon à la jungle urbaine. Deux endroits radicalement opposés, au sein desquels Rob doit tout de même trouver son chemin. Son protagoniste principal, loin du justicier à la Bryan Mills (le héros de Taken), s’impose comme une relique du passé qui a arrêté le temps pour se réfugier dans sa propre bulle afin de tenir à distance une douleur née d’un traumatisme profond.
L’homme est un cochon pour l’homme
À travers cette histoire plus complexe qu’elle n’en a l’air, qui surtout ne tient en rien de la banale quête de vengeance, Michael Sarnoski réussit l’exploit de disserter avec une grande intelligence sur la nature humaine. Alors que Rob se rapproche du but et que le mystère qui l’entoure s’effrite petit à petit, le scénario évite les pièges et les lieux communs pour sans cesse surprendre. Quand une potentielle scène de baston se change en pugilat déchirant et viscéral à la Fight Club ou quand une confrontation prend une tournure on ne peut plus inattendue, Pig impose une histoire qui possède son propre langage et ses propres codes. En d’autres termes, le film, toujours sur le fil du rasoir, avance à contre-courant pour mieux favoriser l’émergence d’une émotion à fleur de peau qui n’en est que plus déchirante.
Nicolas hors de sa cage
Au centre, Nicolas Cage, monumental pivot de cette fable contemporaine à la lisière du naturalisme à la Thoreau mais habité d’une rage sourde, nous gratifie d’une performance incroyable. Avec beaucoup de nuance, toujours d’une justesse infinie, il parvient à communiquer des émotions complexes, jusqu’à incarner l’essence même de la poésie qui habite le récit. Sans aucun doute, Pig fait partie de ses meilleurs films car ce qu’il accomplit ici semble à la portée d’un très petit nombre de comédiens. Sa présence étant de plus mise en valeur par d’excellents seconds rôles, notamment joués par Adam Arkin et Alex Wolff.
Finalement, Pig correspond parfaitement à la démarche que s’efforce de défendre Nicolas Cage depuis ses débuts. Un film atypique et puissant qui a tout d’abord encouragé quelques moqueries, avant de s’imposer de lui-même, grâce à la force évocatrice de son propos, à la virtuosité de sa mise en image et de son écriture et au jeu viscéral d’un acteur en état de grâce.
En Bref…
Avec son pitch légèrement improbable, Pig fait énormément de bien. Tout d’abord car il ose proposer quelque chose de nouveau, assumant toutes les inflexions de son récit passionnant, mais aussi car il ne s’interdit jamais de se montrer contemplatif et lyrique, brutal et touchant. Un très grand film.
@ Gilles Rolland
[…] a su régulièrement exploser dans des longs-métrages puissants, à l’image de Joe et Pig pour n’en citer que […]