[Critique] ROMA

CRITIQUES | 21 décembre 2018 | Aucun commentaire
Roma-poster

Titre original : Roma

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis/Mexique
Réalisateur : Alfonso Cuarón
Distribution : Yalitza Aparicio, Marina de Tavira, Nancy García, Verónica Garcia, Daniela Demesa, Fernando Grediaga…
Genre : Drame
Date de sortie : 14 décembre 2018

Le Pitch :
Au Mexique, au début des années 70, Cleo, une jeune femme, travaille pour une famille aisée…

La Critique de Roma :

Lion d’Or à la Mostra de Venise, Roma fait de prime abord office de rupture dans la filmographie d’Alfonso Cuarón. De prime abord seulement car à bien y regarder de près, il est tout à fait possible et raisonnable de voir dans cette chronique sociale le troisième volet d’une trilogie entamée avec Les Fils de l’Homme et Gravity. Le point commun entre ces trois films ? En fait, il y en a plusieurs mais le plus flagrant est certainement la résilience…

Seule contre tous

Alors que Clive Owen se débattait pour sauver la vie d’une jeune femme porteuse d’un enfant miraculeux dans Les Fils de l’Homme, Sandra Bullock refusait de se laisser dériver dans l’immensité de l’espace sans se battre dans Gravity. Dans Roma, Cleo, la jeune femme au centre du récit, bataille elle aussi, à sa façon, dans un contexte difficile, se raccrochant à l’amour des quelques personnes pour lesquelles elle n’est pas invisible et cette forme d’espoir en un avenir meilleur. Après bien sûr, Roma rompt effectivement avec les précédentes œuvres d’Alfonso Cuarón. Ne serait-ce que parce qu’il s’avère beaucoup plus contemplatif, tout en mettant malgré tout lui aussi en avant les formidables aptitudes d’un réalisateur en pleine possession de ses moyens.

Souvenirs de jeunesse

Film très personnel, Roma s’inspire de l’enfance de son metteur en scène, également auteur du scénario. Dans un Mexique en proie à diverses violences, ce dernier filme son héroïne comme une guerrière du quotidien, dont les seules armes sont cette bienveillance constante et ce désir de tout de même continuer à avancer malgré les nombreuses difficultés que la vie place sur son chemin. Mais Roma, c’est aussi un pamphlet assez impitoyable sur la condition de la femme dans la société. Un discours qui fait écho à une réalité malheureusement toujours tangible à notre époque. Ici, les hommes sont des lâches. En fuite, ils tournent le dos à leurs responsabilités et se réfugient derrière une certaine violence quand ils se sentent acculés. C’est tout aussi valable concernant le petit ami de Cleo ou son employeur… Avec le recul, Alfonso Cuarón jette un regard impitoyable sur plusieurs réalités, sans retenir ses coups. Le fait qu’il n’ait justement pas recours à une narration prompte à multiplier les ruptures de rythme appuie encore un peu plus fort. Forcément, une telle démarche force l’admiration. C’est alors d’autant plus regrettable de voir, au fur et à mesure que le récit avance, que Roma se perd aussi en chemin, à cause de l’incapacité chronique du chef d’orchestre de toujours mettre sa maestria en sourdine pour le propre bien de ses personnages. Il y a aussi cette rythmique assez mollassonne, certes raccord avec le caractère contemplatif du long-métrage mais encourageant aussi l’ennui. Surtout vu la longueur du film.

Fresque baroque

Nourri d’influences qui vont du cinéma italien, aux grandes œuvres du septième-art français (notamment), Cuarón se perd à plusieurs reprises, pris au piège de ses aspirations. Alors que l’histoire de Cleo appelait plus de simplicité pour véritablement respirer, le réalisateur étouffe dans l’œuf l’émotion avec sa caméra certes virtuose mais parfois un peu hors sujet. Parce que oui, en effet, Roma est un film sublime. Quasiment chaque plan est à tomber à la renverse. La photographie aussi est ahurissante. Une vraie démonstration de force. C’est justement un peu le soucis. La démarche est trop voyante, trop « m’as-tu vu », trop forcée, pour véritablement toucher au vif et servir le récit. Heureusement, de temps en temps, grâce notamment à la performance admirable de Yalitza Aparicio, le film parvient à émouvoir mais rapidement, la mise en scène, trop élaborée, nous rappelle que derrière l’objectif demeure un réalisateur extrêmement talentueux, en pleine possession de son art, dont l’unique mais conséquent défaut ici, est de s’oublier au détriment de l’histoire qu’il entend nous raconter…

En Bref…
Visuellement sublime, magnifiquement éclairé, filmé et interprété, Roma est une merveille de tous les instants. Pour autant, l’histoire, étouffée dans cette démonstration de force permanente, n’a pas la force escomptée et la rythmique s’enlise plus qu’à son tour, laissant s’épanouir un ennui qui atteint des sommets à plusieurs reprises. Ça fait mal d’écrire ça, mais oui, malgré tout, on peut parler de déception.

@ Gilles Rolland

Roma-guest   Crédits photos : Netflix

Par Gilles Rolland le 21 décembre 2018

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