[Critique] THE NORTHMAN

CRITIQUES | 11 mai 2022 | Aucun commentaire
The-Northman-poster

Titre original : The Northman

Rating: ★★★★★

Origines : Grande-Bretagne/États-Unis

Réalisateur : Robert Eggers

Distribution : Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy, Nicole Kidman, Willem Dafoe, Ethan Hawke, Björk, Claes Bang…

Genre : Aventure/Action/Fantastique

Durée : 2h16

Date de sortie : 11 mai 2022

Le Pitch :

Au IXème siècle, le jeune prince viking Amleth assiste impuissant à la mort de son père le roi, assassiné par son propre frère. Des années plus tard, devenu berserker au sein d’un clan viking de Russie, Amleth décide de se mettre en chasse pour enfin réclamer vengeance…

La Critique de The Northman :

Remarqué en 2016 avec The Witch, son premier long-métrage, d’emblée considéré comme une référence du film de sorcellerie, Robert Eggers a su s’imposer sans faire de compromis. Pour preuve, The Lighthouse, dans lequel il est parvenu à enfermer Willem Dafoe et Robert Pattinson dans un phare, en noir et blanc, et tout de même décrocher non seulement un financement mais aussi une diffusion en salle dans le monde entier.

À l’heure des blockbusters Marvel, des suites, remakes opportunistes et autres grosses productions plus ou moins formatées, à l’instar d’Ari Aster, Robert Eggers fait à n’en pas douter office de rebelle. Et ce n’est pas The Northman, son nouveau film, qui va prouver le contraire tant celui-ci s’inscrit dans la continuité des deux précédents… même si au fond, le metteur en scène parvient toujours à surprendre… dans le bon sens.

Amleth le barbare

Avec son scénario reprenant à son compte la trame de Conan le barbare, le chef-d’œuvre de John Milius avec Arnold Schwarzenegger, The Northman exploite la mythologie nordique pour orchestrer une vengeance brutale et marche résolument à contre-courant de l’actuelle logique hollywoodienne. Il ne faut d’ailleurs pas longtemps pour s’en convaincre. Dès le début, alors que le roi incarné par Ethan Hawke regagne ses pénates, peu de temps avant de se faire tuer par son propre frère, The Northman affiche des ambitions hors-normes et fait preuve d’une bravoure de tous les instants.

Adaptation libre du récit du viking Amleth, qui a lui-même inspiré le Hamlet de William Shakespeare, le long-métrage se base peut-être sur un postulat somme toute classique mais s’évertue très vite à jouer avec les attentes des spectateurs pour imposer une tonalité propre et audacieuse.

The-Northman-cast

En route vers le Valhalla

Pour autant, si l’ambiance est à n’en pas doute très très loin des mêmes films du genre chapeautés par les grands studios, avec ses références obscures et ses décors grandioses et inquiétants, The Northman prend aussi le soin de combler l’appétit des spectateurs venus voir le sang couler. À elle seule, l’attaque du village par les berserkers, filmée en plan-séquence, ultra spectaculaire, brutale au possible, prend la forme d’une véritable note d’intention et donne le ton.

Par la suite néanmoins, Robert Eggers prend le temps de se poser sans pour autant tenir l’action à distance tant celle-ci est omniprésente. Tout comme cette tension lisible dans les yeux de l’incroyable Alexander Skarsgård, cette bête de cinéma, charismatique en diable, baraqué comme ce n’est permis et incroyablement authentique dans les frusques d’un guerrier façonné dès le plus jeune âge pour massacrer à tour de bras pour le compte d’une cause qu’il ne semble pas clairement identifier lui-même.

Du sang et des larmes

Plongé dans des paysages incroyables, habité d’un souffle épique certain, The Northman fait preuve d’un premier degré assumé comme pour s’affirmer en parfaite anti-thèse des blockbusters actuels. Traversé de fulgurances visuelles inouïes (le passage avec la chamane, incarnée par Björk, le combat dans la grotte, etc.), le film prend également le parti d’adopter une approche résolument occulte en donnant de la substance aux mythes nordiques, sans forcément chercher le réalisme. Un peu à la manière de Conan, mais dans un monde néanmoins plus rattaché à des éléments historiques, The Northman interroge la figure du guerrier et la notion d’héritage au sein d’un récit qui prend la forme d’une mélopée macabre aussi perturbante que galvanisante.

Amleth Love and Blood

Porté par l’impressionnant Alexander Skarsgård mais aussi par le charisme de la toujours intense Anya Taylor-Joy, pouvant compter sur la performance hallucinée d’une Nicole Kidman elle aussi étonnante, et par les interventions remarquées et remarquables d’Ethan Hawke et Willem Dafoe, The Northman parvient à trouver sa voie, dans le sang et les larmes sans renier la poésie qui émane de cette quête impossible de vengeance. Brutal, dérangeant à bien des moments, parfois glauque et jusqu’au-boutiste, ce conte guerrier, avec sa patine un peu vintage, ne trahit jamais ses personnages en cela qu’il ne s’interdit rien quand il s’agit de justifier leurs desseins.

D’une beauté pénétrante, magnifiquement filmé et cadré, entier et intègre, The Northman risque certainement de décontenancer les spécificateurs attirés par la patine viking, venus voir ici une aventure similaire à la série portée par le personnage de Ragnar Lothbrok. Ce que le troisième long-métrage de Robert Eggers n’est pas. Plus sombre, plus sauvage, plus insaisissable et plus exigeant, The Northman ne cède à aucun cliché qu’il ne se soit pas tout d’abord approprié. L’une de ses plus grandes qualités.

En Bref…

Incroyable épopée barbare en terre viking portée par la performance animale d’un Alexander Skarsgård parfait, The Northman est aussi épique dans ses images que dans ses intentions. Le récit sanglant d’une vengeance viscérale superbement mis en image par un réalisateur en pleine possession de ses moyens qui a par miracle bénéficié des pleins pouvoirs envers et contre une industrie au sein de laquelle il détonne plus que jamais.

@ Gilles Rolland

The-Northman
Crédits photos : Focus Pictures
Par Gilles Rolland le 11 mai 2022

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