[Critique] VOX LUX
Titre original : Vox Lux
Rating:Origine : États-Unis
Réalisateur : Brady Corbet
Distribution : Natalie Portman, Raffey Cassidy, Jude Law, Stacy Martin, Jennifer Ehle, Daniel London, Willem Dafoe, Maria Dizzia…
Genre : Drame
Durée : 1h50
Date de sortie : 2 octobre 2019 (Canal Play)
Le Pitch :
Quand elle était adolescente, Celeste a miraculeusement survécu à une tuerie dans son collège. Une tragédie à propos de laquelle elle a écrit une chanson, pour rendre hommage aux victimes. Chanson qui l’a propulsée sur le devant de la scène… 15 ans plus tard, Celeste est la plus grande star de la pop contemporaine. Un jour, des tueurs s’approprient son image pour perpétrer un attentat…
La Critique de Vox Lux :
Vox Lux n’est pas le premier essai à la réalisation de Brady Corbet, un acteur que vous avez peut-être vu dans la version américaine de Funny Games, chez Olivier Assayas dans Sils Maria ou encore chez Lars von Trier dans Melancholia. Von trier qui semble d’ailleurs avoir beaucoup influencé Corbet. C’est en tout cas à lui que l’on pense en premier à la vision de Vox Lux, son deuxième film en tant que metteur en scène. Un film que Brady Corbet a donc non seulement réalisé mais aussi écrit. Le récit un peu étrange d’une star de la pop évoquant tour à tour Britney Spears (pour le côté perturbé) et Lady Gaga (pour tout le reste) prise dans les méandres d’une existence sur laquelle elle a de moins en moins de contrôle…
The Show must go on
La première scène de Vox Lux donne le ton : des élèves entrent en salle de classe. À peine sont-il tous installés qu’un de leurs camarades fait irruption, armé, avant de tirer à vue. Seule survivante, la jeune Celeste écrit une chanson à propos de cette tragédie et devient presque immédiatement une star… Le tout précédé d’un générique qui d’emblée affirme le désir de Corbet d’évoluer à contre-courant des tendances les plus mainstream pour se rallier à la cause d’un cinéma indépendant auquel il ne parvient pas vraiment à se rattacher. Pas vraiment car au fond, tout Vox Lux transpire d’une admiration pour von Trier (car c’est vraiment la référence la plus évidente). Admiration empêchant au metteur en scène débutant de trouver sa propre voix. La musique, le montage, certains plans rappelant aussi les frères Dardenne, la façon d’aborder son sujet, faussement frontale… Vox Lux ressemblant au final davantage à un hommage studieux qu’à une véritable tentative de montrer quelque chose de vraiment personnel et donc d’un tant soi peu neuf.
Radio Gaga
Constitué de deux parties, de la même manière que Nymphomaniac (avec une partie consacrée à la jeunesse et l’autre à l’âge adulte), en moins long néanmoins, Vox Lux manque cruellement d’audace et d’originalité mais sait pourtant mettre en avant d’autres atouts. Brady Corbet sait par exemple très bien exploiter ses acteurs. Que ce soit la jeune Raffey Cassidy, Jude Law et bien sûr l’impériale Natalie Portman ou Stacy Martin, qui a quand même un peu l’air de tourner sous Lexomil, tous sont irréprochables. La voix off de Willem Dafoe contribuant aussi à la réussite de l’ensemble en soulignant le malaise et en permettant aux ellipses de ne pas entamer la (relative) fluidité du récit. La photographie aussi, très marquée par les influences citées ci-dessus, est réussie. Vox Lux étant d’ailleurs plus abouti sur le plan graphique. Il suffit de voir les costumes dont est affublée Natalie Portman pour se convaincre du soin qui a été apporté à la forme, parfois un peu au détriment du fond.
Pop star of the Paradise
Et du fond justement, parlons-en un peu. On s’en doute dès le départ, Vox Lux n’est pas juste un biopic fantasmé d’une pop star comme tant d’autres. Le succès de Celeste s’étant construit à partir d’un massacre, la violence fait partie inhérente de son parcours. Le scénario mettant en exergue deux périodes de la vie de la jeune femme. Deux périodes liées à deux tragédies distinctes mais ayant toutes les deux pour dénominateur commun la star. D’un côté la tuerie qui a « révélé » son talent et de l’autre la fusillade ayant fait remonter des sentiments et menacé son statut de mega super star mondiale. Une histoire permettant à Brady Corbet de fermement critiquer la politique américaine au sujet des armes mais aussi de questionner la célébrité. Sa Celeste étant avant tout une victime d’un système que Corbet décrit comme profondément vicieux et destructeur. Le tout sans faire preuve de la finesse exigée pour vraiment marquer les esprits. À part quand la voix off nous dévoile, en fin de métrage, un détail qui, s’il avait été davantage développé, aurait pu faire la différence. Dommage alors que Corbet ne fasse effleurer cet aspect des choses en nous laissant le choix d’y accorder ou non du crédit. Dommage car sans cela, son Vox Lux fait surtout office de tentative louable mais trop maladroite, trop référencée et trop prévisible pour convaincre avec la force espérée.
En Bref…
Tentative louable de marcher sur les traces de Lars von Trier, Vox Lux ne manque pas d’atouts mais noie ses propres ambitions dans une succession de postures calculées et de tics empruntés à d’autres. Il y a aussi ce désir de vouloir choquer à tout prix, en détruisant l’innocence du personnage principal sans que cela ne soit parfois vraiment justifié ou justifiable par rapport à l’histoire, afin de mieux nourrir des thématiques actuelles mais maladroitement traitées. Vox Lux étant d’ailleurs au final plus souvent maladroit qu’efficace. Le travail d’un bon élève qui a bien du mal à se détacher de ses modèles pour tracer sa propre route.
@ Gilles Rolland