[Critique] WAR MACHINE
Titre original : War Machine
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David Michôd
Distribution : Brad Pitt, Topher Grace, RJ Cyler, Scoot McNairy, Lakeith Stanfield, Emory Cohen, Alan Ruck, Ben Kingsley, Will Poulter, Tilda Swinton, Anthony Michael Hall…
Genre : Drame/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 26 mai 2017 (Netflix)
Le Pitch :
Le Général Glen McMahon, un héros de guerre aimé et admiré de ses hommes, garant d’une discipline de fer et d’une conception bien à lui sur l’état du monde et le rôle des États-Unis, est catapulté à la tête des forces armées de l’OTAN en Afghanistan. Persuadé que tous ceux qui l’ont précédé étaient dans le faux, il se jette à corps perdu dans cette guerre avec la ferme intention de remporter la victoire, sans se départir de la conviction que le peuple Afghan a besoin de lui. Sur place néanmoins, les choses se compliquent rapidement pour celui qui devra commencer par se démener avec sa propre hiérarchie et avec l’opinion publique pour espérer pouvoir mettre ses plans à exécution…
La Critique de War Machine :
Porté à bout de bras par Brad Pitt et le réalisateur/scénariste David Michôd, produit et distribué par Netflix, War Machine est adapté du livre de Michael Hastings portant sur l’engagement des États-Unis en Afghanistan et plus particulièrement sur le Général Stanley McChrystal, l’une des figures les plus charismatiques et controversées de ce conflit. Un personnage que Brad Pitt a tenu à incarner et auquel il fait profiter de sa capacité à faire cohabiter le drame et la comédie, sans jamais défaillir…
Apocalypse maintenant
Car c’est en effet Brad Pitt qui donne le ton. Rebaptisé Glen McMahon, le Général Stanley McChrystal lui donne l’occasion d’explorer un registre pour le moins risqué, qui l’oblige à entretenir un savant équilibre. Au final, Pitt réussit pour la simple et bonne raison qu’il ne tombe jamais dans la bouffonnerie, alors que beaucoup de séquences, qui mettent en exergue le caractère un peu à la ramasse du personnage et de ses hommes, auraient justement pu appeler à une série d’excès heureusement évités. Toujours dans la mesure, alors que son jeu se constitue de plusieurs mimiques à elles seules plutôt drôles et d’un parler bien particulier (sans oublier cette démarche bizarre), le comédien se retrouve à la tête d’une escouade entièrement dédiée à sa cause, constituée d’autant d’acteurs fréquentables, parmi lesquels les toujours impeccables Emory Cohen (Brooklyn, la série The OA), Topher Grace (Spider-Man 3, la série That 70’s Show), Will Poulter (Les Miller, une Famille en Herbe), Ben Kingsley, que l’on ne présente plus, ou encore Scoot McNairy (Monsters) et Tilda Swinton (Snowpiercer, La Plage). Ces deux derniers qui représentent l’opposition. L’opinion publique qui souligne l’absurdité de la démarche de l’armée américaine et de ses méthodes. Film de comédiens, War Machine ne serait certainement pas le même sans cette somme de talents, dont l’un des principaux bienfaits est de permettre à une intrigue un peu laborieuse de gagner en substance et en pertinence.
Traversée du désert
Car au fond, War Machine a parfois du mal à tenir l’ennui à distance. L’histoire est assez dingue, tout comme cet étrange militaire à la fois complètement aux fraises mais aussi attachant, ne serait-ce que parce qu’il est persuadé de faire le bien, armé de méthodes qui ne font que mettre un peu plus en exergue le caractère vain d’un conflit complexe. L’exécution par contre, manque de liant. Difficile de pas décrocher à plusieurs reprises, tant le scénario tire un peu sur la corde. Qui sait ? Peut-être qu’avec un bon quart-d’heure en moins, War Machine aurait gagné en efficacité. En l’état, il est bien sûr loin d’être déshonorant et s’avère de toute façon pertinent, mais n’est jamais vraiment aussi percutant qu’espéré. À titre de comparaison, si on va chercher des films de guerre qui se sont essayés à ce périlleux mélange de drame et de comédie, on pourra tout à fait accorder plus de crédits à des œuvres comme Les Rois du Désert, dont la rythmique allait de pair avec les intentions.
War ! What is it good for ?
Si le récit n’oublie jamais de souligner la nature du bourbier qu’il entend traiter deux heures durant, il sait faire la part belle à un décalage qui permet au long-métrage, malgré les défauts mentionnés plus haut, de sauver non seulement les meubles mais aussi de gagner une personnalité qui lui permet de se démarquer. Œuvre politique, War Machine n’hésite pas à traiter de thématiques très délicates et choisit de le faire sans vraiment jamais se départir d’une légèreté bienvenue, qui surligne le cynisme de la situation et ses nombreuses contradictions. Aux commandes de cet étrange objet filmique, David Michôd, connu auparavant pour son violent Animal Kingdom et pour le trip hyper âpre The Rover, se range du côté de sa star de producteur et fait preuve d’une sobriété dont les apparats mettent un peu son style en sourdine. Et ça aussi finalement, c’est un peu dommage.
War Machine avait tout pour frapper très fort. De bons acteurs, un réalisateur connu pour sa propension à prendre des risques et à évoluer en dehors des sentiers battus, une histoire dingue dont les tenants et les aboutissants lui permettait de traiter de thématiques actuelles… À l’arrivée, il touche sa cible, mais pas avec la puissance espérée. Il convient de faire un peu les difficiles. Ce qui ne revient pas à dénigrer ce que War Machine parvient à accomplir, bien au contraire. Surtout qu’en l’occurrence, le film sait soigner sa sortie, grâce à une scène à la fois jubilatoire, mais aussi glaçante pour ce qu’elle implique par rapport à tout ce qu’on nous a raconté jusqu’alors.
En Bref…
Pamphlet politique décalé naviguant à vue, entre la comédie et la tragédie, War Machine n’a rien du film de guerre classique. Ce n’est d’ailleurs pas un film de guerre. Inscrit dans son époque, il va au front, se perd un peu en chemin, mais brille grâce au courage de sa démarche et à la pertinence de son propos. Brad Pitt pour sa part, trouve un rôle à la hauteur de son talent. Loin des facilités que pourrait encourager son statut.
@ Gilles Rolland