[Dossier] Stephen King au cinéma : du papier à la pellicule
Le cinéma aime Stephen King et c’est réciproque. On compte à ce jour 64 adaptations directes d’écrits du King, que ce soit des films, des séries, ou encore des téléfilms. 19 autres longs-métrages s’inspirent indirectement de l’univers de l’écrivain et, à l’heure où cet article est publié, trois films sont dans les tuyaux (A Good Marriage, Mercy et Cell), sans compter les adaptations du Fléau, de La Tour Sombre, et de Ça, et la série produite par J.J. Abrams inspirée de l’excellent 22/11/63 en préparation.
Rares sont les romans à ne pas avoir été portés à l’écran. Idem pour les nouvelles. Qu’il s’agisse des signatures Stephen King ou Richard Bachman (le pseudo sous lequel King livra Rage, Marche ou Crève, Chantier, Running Man, La Peau sur les os, Les Régulateurs et Blaze). Non, vraiment, le romancier originaire de Portland dans le Maine entretient d’excellents rapports avec le septième-art.
Dans le lot, il y a bien sûr du bon et du mauvais. Aujourd’hui, si les choses se sont un peu calmées, ce ne fut pas franchement le cas dans les années 80 et 90 où de nombreux producteurs plus ou moins opportunistes tentèrent de surfer sur la popularité de King, en produisant parfois à l’arrache des œuvres dispensables et au final, c’était fatal, au mieux anecdotiques, au pire complètement à la ramasse. Difficile donc de séparer le bon grain de l’ivraie, entre les chef-d’œuvres et les navets. Une chose est sûre, c’est un sujet passionnant et c’est justement pour cela qu’il méritait un dossier.
Voici donc un tour d’horizon des films adaptés des livres de Stephen King. Un périple entre littérature et cinéma, en compagnie de celui qui a vendu plus de 350 millions de bouquins à travers le monde et qui à l’heure actuelle, continue, avec une régularité et une efficacité hallucinantes à produire des pavets mémorables et souvent tétanisants par leur faculté à percer le vernis de nos repères bien pépères afin de laisser pénétrer l’horreur…
Les Classiques : 100 pour sang culte
Stephen King a un jour jeté à la poubelle les premières pages d’un roman qu’il considérait comme sans avenir. Tabitha, son épouse, récupéra les pages en question et poussa son cher et tendre à continuer malgré ses réticences. En 1974, Carrie sort en librairie et c’est le carton. Stephen King, l’écrivain est né. Deux ans plus tard, Brian De Palma, auréolé du succès de Sœurs de Sang et de Phantom of the Paradise, adapte le livre et accouche d’un chef-d’œuvre. Ceux qui n’ont pas lu le l’ouvrage, font la connaissance du King grâce au film, qui glace d’effroi un public impressionné. Cette première association fructueuse au possible, scelle le destin de l’écrivain, qui évoluera toute sa carrière en voyant régulièrement ses œuvres adaptées par divers réalisateurs.
En 2014, Carrie au Bal du Diable est toujours une référence et demeure l’une des meilleures adaptations de King. Fidèle mais pas trop non plus, le long-métrage illustre les thématiques du roman et offre à la furie dévastatrice de Carrie White, un écrin, à la hauteur de sa grandiloquence funeste. Au passage, le film lance la carrière d’un John Travolta prêt à enflammer le dance floor avec le tube disco de John Badham, La Fièvre du Samedi Soir. Sissy Spacek quant à elle, sera à jamais cette adolescente prise en étau entre une puberté apocalyptique et une mère fanatique, dans l’inconscient collectif des fans du genre.
En 1980, alors qu’il a déjà publié trois romans à succès, Stephen King voit Stanley Kubrick adapter sur grand écran Shining. À la vue du long-métrage, King fulmine. Paradoxalement, il souligne qu’en tant que tel, si on considère qu’il ne s’agit pas de la transposition de l’un de ses livres, le film est excellent. Le truc, c’est que les différences entre l’histoire telle qu’elle fut écrite et telle qu’on la retrouve sur grand écran, sont nombreuses. La chaudière notamment, a disparu, tout comme les buissons en forme d’animaux qui ornent le jardin de l’hôtel Overlook. Des détails qui illustrent la grande liberté prise par Kubrick et son équipe pour réaliser ce qui reste néanmoins un monument de l’horreur. Porté par la performance hallucinée, hallucinante et terrifiante d’un Jack Nicholson en pleine possession de sa folie, Shining est la première déconvenue de King, qui refuse d’ailleurs d’apparaître dans le générique de fin. Régulièrement, dès qu’on lui en donne l’occasion à vrai dire, le romancier ne se prive pas pour cracher sur cette adaptation, prouvant une rancune tenace, à l’égard de Kubrick et de sa propension à s’être approprié un récit remodelé.
Cela dit, Shining, le film, conserve la moelle substantielle du roman. Tétanisant, il s’avère aussi torturé que le livre et au final, provoque tout autant de frissons. Reste la question de ce que doit être une adaptation. Une interrogation à laquelle King a d’ailleurs étrangement répondu récemment, en réaction aux vives critiques concernant les différences énormes entre la série Under the Dome et le roman en deux tomes du même titre. L’américain a ainsi expliqué que bien que partageant un titre et un postulat de départ, un livre et son adaptation se devaient de pouvoir exister l’un sans l’autre. Le spectateur pouvant apprécier le film sans avoir nécessairement lu le livre (et inversement). Ce qui n’a pas empêché King de produire et d’écrire sa propre adaptation de Shining. Un téléfilm fleuve réalisé par son ami de toujours Mick Garris, certes très fidèle, mais relativement fade, notamment à cause de son Danny Torrance tête à claques et pas charismatique pour un sous et à son ambiance un peu légère, bien loin de l’écrasante atmosphère du Kubrick.
N’en déplaise à l’écrivain, Shining est un chef-d’œuvre. Probablement l’un des plus grands films d’épouvante réalisés à ce jour, avec ses images iconiques (le sang déferlant de l’ascenseur, les jumelles, la hache dans la porte…), ses répliques glaçantes et ses plans révolutionnaires inscrits pour toujours dans la légende du septième-art. Il offre de plus une expérience différente de celle du livre, ce qui au fond, est aussi appréciable tant les adaptations trop fidèles s’avèrent souvent tièdes car prévisibles si on lu le bouquin.
Vient ensuite le temps de Creepshow, soit probablement le meilleur film d’horreur à sketches jamais réalisé. Composé de cinq segments, le long-métrage réalisé par un autre maître, à savoir George A. Romero, voit deux nouvelles de King adaptées (La Fin Solitaire de Jordy Verill et La Caisse). Les autres sketches étant basés sur des scénarios originaux du romancier. À la fois drôle, horrifique et cruel, Creepshow rend hommage aux comics du genre des Contes de la Crypte, sur un mode proche de La Quatrième Dimension ou d’Au-Delà du Réel et augure par la même occasion l’apparition de série comme Les Contes de la Crypte et autres imitations pas toujours heureuses.
Investi dans la production du long-métrage, King y joue même le personnage principal de l’histoire La Fin Solitaire de Jordy Verill. Une performance plus rigolote que mémorable, néanmoins très appréciable dans sa dimension parodique et aussi par bien des aspects, empreinte d’un désespoir prégnant.
L’année suivante, en 1983, Cujo déboule dans les salles obscures, bénéficiant de la présence devant la caméra de Dee Wallace, alias la maman dans E.T., également populaire pour son rôle dans Hurlements, de Joe Dante, sorti deux ans auparavant. Réalisé par Lewis Teague, connu notamment pour son Incroyable Alligator, le film prend beaucoup de raccourcis et occulte la dimension fantastique du livre, pour se concentrer uniquement sur la lutte viscérale de cette mère et de son fils contre Cujo, le St-Bernard enragé. Plutôt traumatisant et encore aujourd’hui faisant figure d’excellent film d’horreur animalier, Cujo reste très en deçà de son modèle littéraire. À noter la présence au générique de Danny Pintauro, alias Jonathan dans Madame est servie.
Toujours en 1983, David Cronenberg, déjà réputé, notamment grâce à Videodrome, Scanners ou encore Chromosome 3, s’intéresse à Dead Zone. Avec Christopher Walken et Martin Sheen, le metteur en scène fait un boulot remarquable, et s’approprie l’histoire tragique de cet homme capable de voir l’avenir. Le travail d’adaptation fait école et prouve qu’il est tout à fait possible (voire nécessaire) d’éluder certains aspects d’un livre pour mieux en traduire la force profonde. Dérangeant, viscéral et mémorable, Dead Zone reste un sommet dans la filmographie de Cronenberg, comme dans celle de Walken. Rien à voir en somme avec la série télé du même nom, certes sympathique, mais en rien aussi puissante.
En pleine bourre, déjà incontournable, Stephen King assoit une popularité que le cinéma ne cesse de relayer. L’année 1983 reste à ce jour comme l’une des plus importantes dans la carrière cinématographique de King. Pour les films précédemment cités, et pour Christine bien entendu, réalisé par un John Carpenter en pleine forme.
Christine et sa voiture maudite, habitée par des forces du mal possessives et revanchardes, pour un long-métrage culte, en forme de chef-d’œuvre intemporel, sur lequel le temps n’a absolument aucune emprise. C’est certes une question de goût, mais il n’est pas étrange de considérer ce formidable film d’épouvante comme l’une des meilleures adaptations de King, tant il parvient à exister en dehors du bouquin, sans y sacrifier sa force, sa modernité, et les obsessions conjointes et complémentaires de Carpenter et de Stephen King.
Petit saut dans le temps. 1986 voit sortir dans les salles Stand By Me, de Rob Reiner, soit la transposition de la nouvelle Le Corps, publiée dans le recueil Différentes Saisons. Dans l’intervalle, plusieurs adaptations de King ont vu le jour, mais celle-ci permet à l’écrivain de renouer avec le succès critique et d’inscrire simultanément à son palmarès, un nouveau chef-d’œuvre inoxydable.
Comédie dramatique sur l’enfance, Stand By Me cristallise les codes types du cinéma populaire grand public des années 80 et se pose ainsi comme un grand représentant de toute une mouvance qui encore de nos jours, se pose comme une référence ultime de divertissement intelligent et fédérateur. C’est également la première fois que le nom de l’écrivain est associé à une œuvre non horrifique et/ou fantastique, prouvant au public à quel point ce dernier demeure avant tout un écrivain et non seulement (ce qui ne serait pas si mal) un habile faiseur de frissons.
L’année suivante, en 1987, King revient à Creepshow et écrit 2 scénarios inédits et adapte sa nouvelle Le Radeau, pour trois segments, entrecoupés de passages animés typiques des productions télévisuelles de l’époque. Romero n’est plus de la partie, laissant les coudées franches à un certain Michael Gornick, porté disparu médiatiquement parlant depuis. Si ce deuxième volet est un poil moins flamboyant que le premier, il fait néanmoins le boulot avec fougue et propose un savant cocktail d’horreur matiné d’un second degré jubilatoire et d’une cruauté pleine d’ironie, à l’image de cet auto-stoppeur revanchard soucieux de punir la femme infidèle qui a refusé de lui porter secours alors qu’elle venait de lui rouler dessus avec sa Mercedes (« Je voulais juste vous remercier de m’avoir pris Madame. »).
1987 voit aussi l’arrivée sur grand écran de Running Man, adapté du roman éponyme, écrit sous le pseudonyme de Richard Bachman.
Un cas intéressant que Running Man, qui, en plus d’être réalisé par Paul Michael « Starsky » Glaser, ne s’inspire que très librement du roman de Bachman. Ce qui lui a valu d’être poursuivi en justice par les producteurs du film d’Yves Boisset, Le Prix du Danger, à juste titre, tant les ressemblances entre les deux longs-métrages sont légion. Piètre adaptation, mais film d’action jubilatoire, porté par le charisme d’un Arnold Schwarzenegger en pleine bourre, Running Man est une production typique des années 80, pleine de second degré, de punchlines savoureuses, et de violence. Rien à voir avec l’ambiance anxiogène de la dystopie imaginée par le romancier, mais finalement, tant pis, tant le résultat justifie, par le plaisir qu’il procure, les liberté prises par le producteur et le réalisateur.
Réputée pour ses clips vidéos, Mary Lambert s’illustre sur grand écran en 1989, en offrant à Stephen King l’une de ses meilleures adaptations, avec Simetierre (c’est d’ailleurs lui qui a écrit le scénario). Là aussi -c’est la marque des grandes adaptations- le film reste fidèle à son modèle, mais sait aussi s’en affranchir pour mieux en exploiter la moelle substantielle et livrer une partition glaçante parcourue d’images traumatisantes des plus mémorables. Chef-d’œuvre horrifique de la fin des années 80, Simetierre a de plus remarquablement bien vieilli. À noter le générique de fin écrit pour l’occasion par The Ramones, l’un des groupes favoris de Stephen King.
Misery, réalisé en 1990 par Rob Reiner, à nouveau associé à Stephen King après Stand By Me est aussi un incontournable. Reiner prouve décidemment à quel point il comprend King, grâce à une mise scène jouant sur une tension croissante et à la performance sans faille de la terrifiante Kathy Bates (Oscar à la clé) et de l’excellent James Caan, quant à lui parfait dans la peau de l’écrivain torturé par une fan complètement cinglée. Autre thriller à tendance horrifique, mais non fantastique, Misery est régulièrement cité, depuis sa sortie, dans la liste des meilleurs films d’horreur de tous les temps et son personnage principal, la fameuse Annie Wylkes, dans celle des méchants les plus terrifiants de l’histoire.
Le nom de Frank Darabont est indissociable de celui de Stephen King. C’est en 1983 que débute leur collaboration, quand Darabont réalise un court-métrage intitulé The Woman in the Room, adapté de la nouvelle Chambre 312. L’écrivain, favorablement impressionné par le travail du réalisateur débutant, accepte quelques années plus tard de lui vendre les droits de son autre nouvelle issue du recueil Différentes Saisons, Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank.
Le film qui découlera de cette transaction, Les Évadés, marque toute une génération de spectateurs, bien qu’il fasse un four à sa sortie en 1994. Scénarisé par Darabont lui-même et porté par Morgan Freeman et Tim Robbins, le métrage gagne rapidement ses galons lorsqu’il sort en vidéo, quelques mois plus tard. Tout aussi vite, il se voit complément réhabilité, et revient quasiment systématiquement dans les tops des meilleurs films de tous les temps, aux côtés de Casablanca, Citizen Kane ou Le Parrain. L’émotion qui se dégage de ce drame humaniste touche un public très large, tandis que les plus jeunes succombent lorsqu’ils découvrent le film au fil de ses nombreuses diffusions à la télévision.
Il est évident que Darabont est l’homme de la situation. Son long-métrage se hisse même à un niveau tout autre que celui de la nouvelle, qui, si elle reste remarquable, ne parvient pas à toucher une telle universalité.
En 1995, Taylor Hackford adapte le drame familial Dolores Claiborne et confirme à tous ceux qui n’avaient pas lu le livre, que King est loin de n’être que ce maître de l’horreur dont tout le monde parle. Quand il s’agit de traiter de luttes intestines et de conflits étouffés par les mentalités étriqués de petites villes oubliées de tous, King est l’homme de la situation. Hackford fait, à l’instar de Darabont, mouche, et réalise un film touchant et difficile. Kathy Bates, de retour chez King après Misery, impressionne à nouveau, face à une Jennifer Jason Leigh troublante, toute en émotions contenues.
La Peau sur les os, sorti en 1996, est un cas un peu particulier. Assez méconnu, il s’inspire d’ailleurs d’un livre lui aussi rarement cité par les lecteurs du King. Il y est question d’un homme obèse, qui voit ses kilos s’envoler à vitesse grand v à la suite de la malédiction d’un vieux gitan. Savamment axé sur un esprit irrévérencieux prompt à un mélange des genres plutôt maitrisé, le film de Tom Holland (Vampire vous avez dit vampire ?) fait bonne figure, mais reste cantonné à un marché vidéo qui ne rend pas justice aux prises de risques qu’il illustre. Dommage, même si la qualité est au rendez-vous, ce qui reste le plus important.
En 1998, preuve que la nouvelle génération de réalisateurs surdoués s’intéresse elle aussi aux écrits de Stephen King, Bryan Singer, le cinéaste catapulté par le succès critique et public de Usual Suspects, adapte Un Élève Doué, d’après une nouvelle publiée dans le recueil Différentes Saisons. Organisant l’opposition d’un ancien nazi brillamment campé par Ian McKellen et d’un gamin lui aussi superbement interprété par le regretté Brad Renfro, le long-métrage reste parmi les plus belles réussites de la filmographie de l’écrivain, notamment car il souligne lui aussi avec une acuité toute particulière le brio de King pour ce qui est de donner corps à des problématiques dramatiques dénuées d’éléments fantastiques. La mise en scène de Bryan Singer emballant le tout avec une virtuosité aussi discrète que pertinente.
En 1999, Frank Darabont fait son retour dans l’univers de King, en adaptant le roman feuilleton La Ligne Verte. Le résultat est à la hauteur des attentes suscitées par le succès critique et public des Évadés. Sublimé par une mise en scène pleine de souffle, laissant les coudées franches à l’émotion et aux accents superbement maîtrisés de subtiles touches fantastiques, ce film de plus de 3 heures voit Tom Hanks embrasser avec tout le talent qui le caractérise, le personnage pivot d’une histoire aussi déchirante qu’universelle. Marqué par la présence d’acteurs au diapason des intentions de l’auteur et du réalisateur, dont David Morse, Sam Rockwell et bien sûr le regretté Michael Clarke Duncan, La Ligne Verte est un nouveau chef-d’œuvre, rentré dès sa sortie, au panthéon des adaptations cultes de l’écrivain.
Cœurs Perdus en Atlantide, adapté de la nouvelle Crapules de bas étage en manteau jaune, issue du recueil de nouvelles Cœurs perdus en Atlantide, voit Anthony Hopkins rejoindre la grande famille des acteurs ayant officié dans l’univers de Stephen King. Drame atypique, le film reste remarquable, notamment par sa faculté à s’extraire du contexte de la nouvelle, qui, on le rappelle, s’inscrivait dans la logique de La Tour Sombre. Essayant de renouer avec l’ambiance de Stand By Me, sans toutefois y parvenir complètement, le long-métrage réalisé par Scott Hicks ne connait pas un grand succès, mais reste à découvrir, ne serait-ce que pour sa faculté à traduire l’émotion relative à la belle alchimie qui lie les deux personnages principaux.
En 2004, Johnny Depp apparaît en tête d’affiche de Fenêtre Secrète, de David Koepp, d’après la nouvelle Vue imprenable sur jardin secret, issue du recueil Minuit 2. Une adaptation fidèle, pour un thriller psychologique tout à fait recommandable, notamment pour la réflexion sur les affres de la création qu’il recèle, faisant écho au métier de l’écrivain, ici personnifié par un Johnny Depp tout en retenue et par un John Turturo bien givré comme on l’aime.
Chambre 1408, de Mikael Håfström, avec John Cusack et Samuel L. Jackson, adapté de la nouvelle 1408, parue dans le recueil Tout est Fatal, renouvelle avec un certain brio, le thème éculé de la maison hantée. Il utilise les éléments de la nouvelle pour développer une intrigue en forme de grand train fantôme, riche en trouvailles visuelles et scénaristiques, et livre pas mal d’occasions de sursauter sur son fauteuil, sans trop jouer sur des clichés présents mais sublimés.
Longtemps cité dans la liste des meilleures nouvelles écrites par King, Brume, alias The Mist, trouve en 2007, chez Frank Darabont, une illustration radicale et terrifiante, malheureusement passée inaperçue lors de sa sortie en salle.
Un film d’épouvante comme on en fait plus trop, habité d’un nihilisme carnassier, incarné par ces créatures cachées dans le brouillard, annonciatrices d’une apocalypse où se mêlent quelques unes des plus grandes et tenaces obsessions de l’écrivain. Darabont, une nouvelle fois complètement en accord avec les écrits de King, prend ses distances pour mieux rendre hommage à la nouvelle qu’il adapte. La fin notamment, n’est pas la même, mais une fois n’est pas coutume, c’est le film qui a l’avantage, tant il tranche franchement avec la tiédeur des productions du genre. The Mist est un grand film d’horreur. Une œuvre rare à voir et revoir et à ce jour, la dernière adaptation dantesque de Stephen King au cinéma.
Brian De Palma, Stanley Kubrick, George A. Romero, David Cronenberg, John Carpenter, Rob Reiner, Frank Darabont, Taylor Hackford, ou encore Bryan Singer, ont adapté Stephen King. Le palmarès de l’écrivain est pour le moins unique. King a su fédérer à chaque décennie depuis ses débuts et continue encore aujourd’hui. Pour autant, si sa filmographie compte comme nous venons de le voir, de nombreux grands films, qu’ils soient d’horreur ou pas du tout, elle recèle également de bon vieux navets et de long-métrages plus tièdes…
Entre deux eaux
Place maintenant aux adaptations timides. Des films bien souvent réalisés par d’honnêtes artisans, néanmoins trop soucieux de coller de près au livre qu’ils adaptent sans proposer en parallèle une vraie interprétation. Au final, une illustration tiède et certainement pas mémorable.
Il y a une règle à Hollywood qui affirme qu’on ne mesure pas la qualité d’un film au nombre de suites qu’il a engendrées. Les Démons du Maïs pourrait carrément servir d’exemple type, lui qui compte pas moins de 7 séquelles, toutes plus lamentables les unes que les autres. Le premier, réalisé par Fritz Kiersch, n’est pas à proprement parlé mauvais. Pour autant, il n’est pas bon non plus. Illustration d’une nouvelle tirée du recueil Brume, Les Démons du Maïs fait le job mais pas plus. Rien à signaler de particulier, si ce n’est cette tentative de surfer sur le culte du Village des Damnés, en transposant le tout dans un champs de maïs.
Sorti la même année, soit en 1984, Charlie n’est pas vraiment mauvais non plus. Réalisé par Mark L. Lester, le film qui met en scène une toute jeune Drew Barrymore, se contente de s’attarder sur les grandes lignes du roman, accentuant parfois jusqu’à l’absurde ses effets, notamment via les tronches que font les personnages quand ils exercent leur pouvoir. Pas désagréable, Charlie ne rend pas justice au livre et ressemble davantage à un résumé bâclé, qu’à une véritable adaptation.
Cat’s Eyes, sorti en 1985 et mettant lui aussi en scène Drew Barrymore (accompagnée notamment de James Woods), brille quant à lui dans son incapacité à se mesurer à Creepshow. Compilation peu homogène de trois sketchs, le long-métrage s’en tire néanmoins relativement bien, surtout dans son premier tiers, assez amusant. À noter que les deux meilleures histoires, à savoir les deux premières, sont tirées de deux nouvelles extraites de Danse Macabre, alors que la troisième, anecdotique, fut écrite pour l’occasion. Il est également rigolo de constater les multiples clins d’œil que le film fait à l’univers de King. On voit ainsi la voiture Christine, mais aussi Cujo. Un personnage lit Simetierre et James Woods regarde Dead Zone.
L’année 1985 voit aussi la sortie de Peur Bleue, soit l’adaptation du roman/scénario du même nom, s’intéressant aux loups-garous. Personne ne se souvient de ce film, pourtant plus moyen que véritablement nul, et c’est normal vu qu’il est probablement uniquement né de la volonté d’exploiter le fait que King se soit rapproché d’un thème qu’il n’avait jamais exploité. Le livre en lui-même fait d’ailleurs partie des moins bons de l’auteur.
En 1990, le très bon Darkside, les Contes de la Nuit Noire, comprend un segment adapté de la nouvelle Le Chat d’enfer, publiée à l’origine en 1977 dans le magazine Cavalier, puis éditée en 2008 dans Juste avant le Crépuscule. Histoire d’un félin revanchard, ce sketch est de très bonne facture, mais n’arrive toujours pas à renouer avec la verve macabre et comique des deux Creepshow.
La Part des Ténèbres, sorti en 1993, et pourtant réalisé par Romero, traduit lui aussi une fainéantise lui interdisant le genre de fulgurances proposées par Christine ou Carrie au Bal du Diable. L’adaptation est propre et c’est justement là que le bas blesse tant, à l’instar de Charlie, le film ne propose rien ne plus qu’une illustration timide du roman.
Le Bazaar de l’épouvante ne passe pas loin du coche. Transposition du roman en deux tomes racontant comment un mystérieux brocanteur sème le trouble dans une petite ville, le long-métrage réalisé par Fraser Heston (le fils de Charlton), met en scène une escouade d’acteurs solides (Ed Harris et Max Von Sydow en tête) mais fait malheureusement preuve d’une linéarité trop flagrante. Surtout si on le compare au livre, beaucoup plus effrayant et complexe.
Et qu’en est-il du Cobaye, réalisé par Brett Leonard en 1992, avec Jeff Fahey et Pierce Brosnan ? Et bien il s’agit tout simplement de la seule adaptation totalement désavouée par Stephen King. La raison : le long-métrage, en plus d’être vraiment très moyen, ne présente qu’une seule scène ayant un rapport avec la nouvelle dont il s’inspire. Même Running Man, pourtant très différent du roman, n’a pas déclenché les foudres de King comme Le Cobaye. King qui a d’ailleurs attaqué (et gagné) en justice les producteurs.
Au fond des abysses : King et les navets
À utiliser parfois avec prudence, le terme navet correspond par contre très bien à quelques films adaptés de livres écrits par King. Des livres systématiquement bons au demeurant, si on fait exception des quelques nouvelles plutôt anecdotiques, qui ont inspiré des films encore plus dispensables.
C’est le cas de La Créature du Cimetière, adapté de la nouvelle Poste de nuit, issue du recueil Danse Macabre. La Nuit Déchirée, du copain de King, Mick Garris, ne fait guère mieux, même si il s’avère assez drôle si on le prend au second degré, avec ses hommes-chats hystériques. À noter qu’il s’agit là d’un scénario original de l’auteur.
Tobe Hooper, autre grand maître de l’horreur, populaire pour son Massacre à la Tronçonneuse, a lui aussi frayé avec King, mais sans succès, comme en témoigne son piteux The Mangler avec Robert Englund, adapté de la nouvelle La Presseuse, de Danse Macabre, qui a vite fait de tomber dans les oubliettes des vidéos-clubs de quartier. Idem pour Les Ailes de la Nuit, transposition fadasse du Rapace Nocturne, de Rêves et Cauchemars, sorti en 1997 et tenant plus du téléfilm de troisième partie de soirée que du long-métrage exploitable en salle.
Dreamcatcher quant à lui tient plus du rendez-vous manqué, tant son réalisateur, Lawrence Kasdan, son casting (Thomas Jane, Tom Sizemore, Timothy Olyphant, Jason Lee, Morgan Freeman…) et le budget alloué, laissaient présager quelque chose de plus mémorable. À l’arrivée, le film fait pâle figure et enchaine les faux pas, en s’attachant notamment à ces aliens pétomanes pas charismatiques pour un sou et donc propices à des situations tournant systématiquement autour des chiottes, à base de scenettes gores et merdeuses. Tout un programme. Caractérisé néanmoins par une esthétique assez intéressante (la fuite des animaux en sfx est relativement impressionnante) et bénéficiant d’effets-spéciaux pour l’époque très bons, Dreamcatcher tombe vite dans le ridicule et provoque plus de rires que de frissons. Il convient vraiment de parler ici d’un gros ratage ridicule, à l’image de cette scène, vers la fin du film, dans laquelle Morgan Freeman pète une durite, comme pour signifier que quoi qu’il en soit, tout le monde s’est bien marré, les pieds dans la neige et les mains dans la merde…
Passons ensuite rapidement sur l’inintéressant Riding the Bullet, de Mick Garris (décidément), adapté de la nouvelle Tout est Fatal, et sur La Cadillac de Dolan, avec Christian Slater, adapté de l’histoire éponyme, issue de Rêves et Cauchemars.
Et en 2013, alors que le rythme de sortie des adaptations de King s’est considérablement ralenti, Carrie est revenu sous les traits de Chloë Grace Moretz. Un remake, réalisé par Kimberly Peirce, planqué sous la plus fameuse excuse de la « réinterprétation de l’œuvre originale » qui s’avère aussi plat que prévu. Rien de vraiment catastrophique néanmoins. Juste un désintérêt croissant et prégnant, devant des scènes inutilement soulignées, à grand renfort d’effets aussi vains que trahissant une incapacité à se mesurer convenablement au modèle établi presque 40 ans plus tôt par De Palma. Chloë Grace Mortez est certes convaincante, tout comme Julianne Moore, mais rien n’y fait, Carrie ne parvient pas à justifier son retour…
Le cas Maximum Overdrive
En 1986, peut-être galvanisé par le succès des films issus de ses œuvres, Stephen King décide de s’essayer à la réalisation et choisit pour cela d’adapter la nouvelle de Danse Macabre, intitulée Poids Lourds, où des camions prennent vie pour asservir et accessoirement réduire à néant l’espèce humaine. Certes productif et affuté, King est à cette période en plein marasme provoqué par une absorption massive d’alcool et de drogues.
Mettant en scène Emilio Estevez, Maximum Overdrive se pose comme une déclinaison borderline de Christine, sans aucune fulgurance, qu’elles soient narratives ou techniques. Fan de rock and roll et plus spécialement d’AC/DC, King réussit à débaucher le groupe dont l’album Who Made Who, fait office de bande-originale de luxe et bénéficie d’un budget confortable de 9 millions de dollars. Quand il parle ce qu’il considère lui aussi comme un très mauvais film, l’écrivain évoque le tournage chaotique, où toute communication s’avérait difficile, notamment car la majorité de l’équipe était composés d’italiens.
Navet intergalactique néanmoins rigolo si on le prend au 36ème degré, ce trip fantastique à la ramasse a depuis gagné ses galons de film culte déviant, et continu d’être évoqué régulièrement comme un exemple à ne pas suivre. Depuis, Stephen King a évoqué souhaiter revenir à la réalisation dans un futur proche, histoire d’effacer l’ardoise, de remettre les compteurs à zéro, et de ne pas refaire les mêmes erreurs. Qui vivra verra…
Le King dans le poste
Non content de faire un carton au cinéma, Stephen King a aussi largement colonisé le petit écran, via quelques séries et un grand nombre de téléfilms souvent à rallonge.
Parmi ces téléfilms, un se détache tout particulièrement. Un film en deux parties, qui a traumatisé toute une génération de téléspectateurs et qui, encore aujourd’hui, se pose comme un modèle du genre. Ce film, c’est bien sûr Ça, alias « Il » est revenu, soit l’adaptation fleuve de l’un des meilleurs livres du maître.
Une réussite flagrante qui s’explique d’une part par le personnage central, à savoir ce clown maléfique incarné à l’écran par Tim Curry, avec juste ce qu’il faut de truculence et de méchanceté. Les autres personnages, qu’ils soient enfants ou adultes, arrivent également très bien à personnifier leurs modèles de papier, tout en incarnant la moelle substantielle du livre, qui se voit néanmoins ici assez simplifiée. Simplifiée et beaucoup moins violente aussi.
Une autre adaptation, cinématographique cette fois, est en projet depuis plusieurs années. Cary Fukunaga, le réalisateur de la première saison de True Detective et de la déclinaison la plus récente de Jane Eyre, est sur le coup. Même si il semble difficile d’égaler la puissance évocatrice du téléfilm, force est d’admettre qu’il est possible d’encore mieux exploiter le formidable récit de King, à travers un long-métrage que l’on espère plus sombre, mais toujours empreint de ce parfum vintage si attachant propre au téléfilm de Tommy Lee Wallace, mais aussi à d’autres films issus de l’univers de King, comme Stand By Me.
Les Vampires de Salem, premier téléfilm fleuve adapté de King à être sorti, ne démérite pas non plus. Peut-être un poil bancal, il jouit en revanche de l’acuité d’un Tobe Hooper plutôt inspiré dans son orchestration d’une invasion vampirique redoutable, recelant de moments véritablement effrayants. Fidèle au livre, cette mini-série prend néanmoins beaucoup de libertés, pour la plupart avisées, à l’image de cet hommage pertinent au Nosferatu, de F.W. Murnau, à travers le look du vampire Kurt Barlow. Le seul vrai défaut pouvant finalement être imputable à la nécessité d’édulcorer la violence des écrits de King, afin de coller aux critères télévisuels, boostant ainsi le pouvoir de suggestion de cette œuvre encore trop méconnue, qui met -c’est important- en scène David « Hutch » Soul.
Le Fléau a également profondément marqué les spectateurs qui sont restés scotchés lors de sa première diffusion au cours de l’été 1995 en France, sur M6. D’une durée totale de 366 minutes (pour 4 épisodes), cette mini-série réalisée par Mick Garris et scénarisée par l’écrivain himself, met en scène un casting quatre étoiles au sein duquel se croisent notamment Gary Sinise, Molly Ringwald (The Breakfast Club), Rob Lowe, Corin Nemec (le fameux Parker, de la série Parker Lewis ne perd jamais), Miguel Ferrer (le cousin de George Clooney), Matt Frewer, Kathy Bates, Kareem Abdul-Jabbar, ou encore Ed Harris, et Sam Raimi.
Là aussi, les différences entre le livre et le téléfilm sont nombreuses, mais ne dénaturent jamais le puissant propos, car une nouvelle fois, c’est avant tout pour coller avec les critères télévisuels que les producteurs ont mis de l’eau dans leur vin. Étonnamment passionnant malgré sa longueur, Le Fléau reste une réussite notable, aux images traumatisantes nombreuses, à l’instar des visions cauchemardesques de Mère Abigail, la meneuse des « gentils », confrontée à Randall Flagg, l’incarnation du mal absolu présente sous différentes formes dans plusieurs romans de Stephen King, assurant l’une de ses fameuses liaisons qui confèrent à l’ensemble du travail de l’écrivain une authentique continuité.
La Tempête du Siècle, bien que passé un peu plus inaperçu chez nous, bénéficie d’une solide réputation. À l’époque de sa diffusion en juin 2001, toujours sur M6, certains journalistes n’hésitent pas à affirmer qu’il s’agit là de la meilleure adaptation télé de King.
Supervisé par l’écrivain, qui a écrit le scénario et choisit de confier la réalisation à Craig R. Baxley (Mick Garris n’était pas disponible), La Tempête du Siècle s’apparente à une sorte de conte philosophique contemporain, caché sous les oripeaux du film d’horreur. Une grande majorité du public et des critiques saluent la maîtrise qui caractérise cette œuvre d’un total de 257 minutes (réparties en 3 épisodes). À noter la performance glaçante de Colm Feore dans le rôle de cet étranger menaçant qui déboule le jour où cette fameuse tempête du siècle s’abat sur l’île de Little Tall dans le Maine…
Une trentaine de romans et nouvelles ont été adaptés à la télévision, sous la forme de téléfilms, de mini-séries ou de séries. Dans le lot, beaucoup s’avèrent très anecdotiques, pour ne pas dire parfois complètement à la ramasse. Si Vengeance Diabolique est plutôt divertissant, Children of the Corn, la déclinaison low budget des Démons du Maïs reste franchement dispensable. Bag of Bones, adapté de Sac d’Os, qui reste sans aucun doute l’un des livres les plus terrifiants de King, a eu droit à une transposition assez timide, qui sauve néanmoins les meubles, grâce à une ambiance bien retranscrite et à la performance éclairée de Pierce Brosnan, dans la peau de cet écrivain harcelé par des fantômes tenaces. Les Langoliers se suit sans déplaisir, mais reste le genre de truc interminable typique, que l’on regarde d’un œil quand le temps est maussade et que, pour une raison ou une autre, il nous est impossible de sortir.
Les Tommyknockers, adapté du roman du même nom, tombe malheureusement de façon régulière dans un ridicule qui nuit grandement à l’instauration d’une angoisse latente, pourtant parfois relativement efficace. Et si des acteurs comme Jimmy Smits tirent le téléfilm vers le haut, d’autres, à commencer par Traci Lords, s’arrangent pour saborder la majorité des scènes dans lesquelles ils apparaissent.On passe rapidement sur Contretemps, la série basée sur un scénario original de King, sur la convenable mais très scolaire et sage Shining : les couloirs de la peur, sur Trucks : les camions de l’enfer, le remake télévisuel de Maximum Overdrive, sur Rose Red, également écrit tout spécialement par King, sur le remake de Carrie sans grand intérêt, sur la série sympa mais fadasse adaptée de Dead Zone (rien à voir avec la puissance du film de Cronenberg), sur Kingdom Hospital, la reprise scénarisée par le romancier d’après L’Hôpital et ses fantômes de Lars von Trier, sur la nouvelle version de Salem, sur l’oubliable adaptation du génial Desolation (avec Ron Perlman), sur la série Rêves et Cauchemars et sur les quelques illustrations live de nouvelles, incluses dans des séries « à sketches » comme La Cinquième Dimension, Au-Delà du réel, ou Histoires de l’autre monde.
Il convient par contre de souligner la collaboration de Stephen King avec Chris Carter sur la série The X-Files, à l’occasion d’un très bon épisode intitulé La Poupée, datant de 1998.
Actuellement, les fans de l’écrivain peuvent retrouver deux de ses créations sur le petit écran. Les Mystères de Haven premièrement, où comment broder sans complexe sur une nouvelle de quelques pages (Colorado Kid en l’occurrence) et Under the Dome, la très (trop ?) libre adaptation du Dôme, produite par King, avec Steven Spielberg. Une série toujours en cours, dont la troisième saison vient d’être signée au moment où cet article est publié. De plus en plus affranchi du roman dont il s’inspire, le show de CBS reste très sympathique, malgré le déclin inhérent à un manque d’inspiration dommageable. Que Stephen King garde un œil sur la production, en écrivant tel ou tel épisode n’y changeant malheureusement pas grand chose, tant le résultat fait surtout regretter un attachement trop faible à l’excellent livre, certainement histoire d’étirer un maximum un récit qui n’en demandait pas tant…
Les fausses adaptations
Le spectaculaire engouement des cinéphiles pour Stephen King a poussé de nombreux producteurs et autres réalisateurs à mettre en chantier des adaptations de ses romans. Faute de mieux, certains n’ont pas hésité à feinter en tirant sur la corde au fil de suites illégitimes, désavouées par le Roi.
Outre Le Cobaye, dont nous parlons plus haut, et qui est loin d’être la plus catastrophique du lot, on compte pas moins de sept suites aux Démons du Maïs, pour un scandaleux rabâchage opportuniste et de plus totalement contre-productif. Salem a également eu droit à sa suite, tout comme Simetierre.
Et d’ailleurs, la suite de Simetierre, sobrement intitulée Simetierre 2, parlons-en un peu. Toujours dirigé par Mary Lambert, le film est clairement très en dessous de son prédécesseur. Cela dit, le résultat se regarde et tout compte fait, il a plutôt bien vieilli (il est sorti en 1992). Edward Furlong, alors en pleine bourre suite au succès de Terminator 2, fait un héros plus que convainquant et le génial Clancy Brown, cabotine pour les plaisirs des petits et des grands. Pas mémorable mais toujours plaisant !
Certains ont semble-t-il plongé consciemment dans le vide, armés de concepts un peu foireux, à l’image de Michael Hamilton-Wright et de sa suite du déjà pas fameux The Mangler et le dénommé Daniel Zelik Berk et Le Diable des Glaces, son inexplicable pseudo séquelle de Vengeance Diabolique. Idem pour Firestarter : sous l’emprise feu (suite de Charlie), Le Journal d’Ellen RimBauer (préquel de Rose Red), The Mangler Reborn (nouvelle suite de The Mangler), Creepshow 3, que personne n’a heureusement vu, et Carrie 2 : la Haine, lui aussi snobé par les gens de bon goût.
Le choix du maître
Stephen King a bien sûr son avis sur les films tirés de ses livres. Grand cinéphile, il ne s’est jamais privé de donner son avis sur ces longs-métrages, en établissant régulièrement des listings. En 2010, il affirmait donc que Chambre 1408, Cujo, Dolores Claiborne, La Ligne Verte, La Tempête du Siècle, Les Évadés, Misery, Stand Be My, Un Élève Doué et The Mist avaient sa préférence.
Stephen King, l’acteur
Non content de vendre les droits de ses romans, d’écrire des scénarios ou encore de produire pour le cinéma et la télévision, Stephen King a régulièrement fait l’acteur le temps de courtes apparitions dans les films et séries adaptés de ses œuvres, mais pas seulement.
Sa première apparition n’a d’ailleurs rien à voir avec ses écrits vu qu’il s’agit du film de son copain George A. Romero, Knightriders, avec Ed Harris, sorti en 1981. Dans Creepshow, où King campe un pauvre redneck contaminé à la suite de la chute d’un astéroïde dans son jardin, l’exposition est grande et voit le comédien intérimaire camper un personnage principal. Ce sera la seule fois.
Par la suite, King se fait insulter par un distributeur de billet dans Maximum Overdrive, conduit un camion dans Creepshow 2, récite la parole de Dieu dans Simetierre, conduit un bus dans Contretemps, creuse des tombes dans La Nuit Déchirée, survit à une épidémie dans Le Fléau (rôle un peu plus important), incarne un mec appelé Tom Holby dans Les Langoliers, tient une pharmacie dans La Peau sur les os, incarne Cage Creed dans le téléfilm Shining, fait de la pub dans La Tempête du Siècle, joue son propre rôle dans Les Simpson, fait une voix dans la série Frasier, livre des pizzas dans Rose Red, incarne Johnny B. Goode dans Kingdom Hospital, est lui-même dans Terrain d’entente, fait de la radio dans Chronique des morts-vivants, fait disparaître des corps dans la série Sons of Anarchy, et mange peinard au diner dans Under the Dome.
Le futur
De nombreuses adaptations, plus ou moins excitantes sont dans les tuyaux. La plus prometteuse du lot étant probablement celle du pavé La Tour Sombre, œuvre charnière de Stephen King, publiée en plusieurs volumes de 1982 à 2012 (aux États-Unis). Ayant refroidi un grand nombre de prétendants, ce projet titanesque semble pour le moment être entre les mains de Ron Howard, après être passé un temps entre celles de Ben Affleck (entre autres aspirants).
Ça, de Cary Fukunaga, fait aussi partie de ces films dont on nous parle depuis longtemps et que l’on attend de voir avec une impatience non dissimulée. Aucune info sur une prétendue date de sortie de ce côté-là non plus.
A Good Marriage, adapté de l’excellente nouvelle Bon Ménage (dans le recueil Nuit Noire, Étoiles Mortes), scénarisé par King et réalisé par Peter Askin, avec Joan Allen et Anthony LaPlagia, semble lui aussi très prometteur. Un long-métrage sorti depuis le 3 octobre de cette année aux États-Unis.
Mercy, d’après la nouvelle Mémé (issue de Brume), n’est par contre pas passé par les cinémas et a atterri directement dans les bacs DVD. Aucune date planifiée non plus chez nous.
Cell, l’adaptation du très efficace Cellulaire, dans lequel un signal passant par les téléphones portables transforme les humains en machines sanguinaires et violentes, verra quant à elle le jour en 2015. Réalisé par Tod Williams, le film mettra en scène les toujours fréquentables Samuel L. Jackson et John Cusack, soit le duo de Chambre 1408.
À la télévision, l’adaptation de la nouvelle Grand Chauffeur (du recueil Nuit Noire, Étoiles Mortes), de Mikael Salomon, avec Maria Bello et Joan Jett, vient d’être diffusé sur la chaîne Lifetime. On peut espérer une sortie en DVD chez nous.
Enfin, J.J. Abrams vient de s’emparer du superbe 22/11/63, pour en faire une série et on parle depuis un moment d’une relecture cinématographique du Fléau, elle aussi à l’étude.
Stephen King peut continuer à compter sur le septième-art. Entre ces deux-là, c’est l’amour fou. On imagine ainsi aisément les projets qui pourront voir le jour dans les années à venir. De nouvelles adaptations ou des remakes. Docteur Sleep, la remarquable suite de Shining, publiée en 2013, apparaît pour le moment comme l’œuvre incontournable. Certains bruits de couloirs affirment d’ailleurs que le projet est déjà lancé.
En attendant, pas de soucis à se faire. En librairie, dans les salles obscures ou à la télévision, Stephen King reste indéboulonnable. La relève, de son côté, joue également son rôle. Joe Hill, le digne fils de son père, vient ainsi de voir son roman Horns adapté par Alexandre Aja…
@ Gilles Rolland
Un dossier au top, bravo, une belle réussite et j’ai passé un très bon moment de lecture… Replonger dans l’univers de Mister King…