[Critique série] GODLESS – Saison 1

SÉRIES | 9 décembre 2017 | 1 commentaire

Titre original : Godless

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Créateur : Scott Frank
Réalisateur : Scott Frank
Distribution : Jack O’Connell, Michelle Dockery, Scoot McNairy, Merritt Wever, Thomas Brodie-Sangster, Kim Coates, Sam Waterston, Jeff Daniels…
Genre : Western
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 7

Le Pitch :
Frank Griffin, un hors-la-loi sanguinaire, dont la réputation n’est plus à faire, pourchasse Roy Goode, son ancien protégé qui l’a trahi à la suite d’un braquage retentissant. Goode qui trouve refuge chez Alice Fletcher, une femme qui vit seule avec sa belle-mère et son fils en marge d’une petite ville du nom de La Belle. À Le Belle, où tous les hommes ou presque ont péri quelques mois plus tôt dans un terrible accident à la mine, laissant les femmes seules. Alors que Griffin se rapproche, Bill McNue, le shérif de La Belle décide de prendre les devants et de partir à sa rencontre pour l’arrêter…

La Critique de la saison 1 de Godless :

Si il a réalisé des films comme Ballade entre les tombes et The Lookout, Scott Frank reste connu pour avoir écrit les scripts de Hors d’atteinte, Minority Report, Marley et Moi et bien sûr Logan. Frank qui met en scène tous les épisodes de Godless, une mini-série qu’il a également écrite dans son intégralité. Une anthologie (avec un début, un milieu et une fin et pas de saison 2 au programme) par ailleurs co-produite par Steven Soderbergh, que l’on ne présente plus, qui après la formidable The Knick et l’adaptation télévisuelle de son The Girlfriend Experience, revient à la télévision à l’occasion d’une œuvre d’envergure, qui s’impose, et ce dès les premiers épisodes, comme une fresque à la fois ambitieuse, lyrique, vibrante, violente et parfaitement mémorable. En gros, nous voici en face d’un grand western !

Godless-cast

La Belle et les bêtes

À La Belle, cette petite bourgade désertée par les hommes, qui ont tous péri à la suite d’une explosion dans la mine du coin, les femmes ont appris à s’entraider et à survivre. Pourtant, dehors, les menaces sont nombreuses. À chaque moment peut surgir un hors-la-loi ou carrément une horde de hors-la-loi et mis à part un shérif à moitié aveugle et un adjoint pas tout à fait mûr, personne ne semble être en mesure de faire face. À première vue du moins car là est la moelle substantielle de Godless, qui livre donc un discours profondément féministe, en traitant de la place de la femme dans la société de l’époque, tout en dressant des parallèles avec notre société, au sein de laquelle certaines choses n’ont finalement pas beaucoup changé. Sans cesse Scott Frank met brillamment en opposition, par les biais de ses personnages, une fragilité entretenue par le joug de la plupart des hommes et une force paradoxalement motivée par cette domination.
Tandis que se déroule à l’écran une intrigue où il est question de vengeance et de règlements de compte à priori classique dans ce genre d’exercice, Godless raconte aussi et surtout a-t-on envie de dire, autre chose. Quelque chose de moins évident et bien sûr de plus important. Un exemple : Roy Goode, le personnage joué par Jack O’Connell, apporte son aide à Alice Fletcher (majestueuse Michelle Dockery). L’homme vient-il aider la femme ? Pas vraiment tant l’homme en question, le fameux Roy Goode, est en vie grâce à Alice. Grâce à ses compétences tout d’abord mais aussi grâce à cette résistance affirmée à certaines règles qui au fond, ont contribué à placer la femme sous le contrôle des hommes. Même chose quand un contingent d’hommes arrive à La Belle pour diriger la mine et remplacer du même coup les maris, les fils et les frères qui y ont péri quelques mois plus tôt. Des hommes qui se présentent tels des sauveurs mais qui finalement, ne sont que des représentants somme toute tragiquement conformes à cette domination exercée de la part d’un monde qui ne supporte pas l’idée qu’une femme, quelle qu’elle soit, puissent s’épanouir sans la présence d’un mâle.
Grâce à toutes ces choses, sans forcément essayer d’adopter une posture quelconque, avec l’immédiateté propre aux grands westerns, sans tourner le dos aux gimmicks, Scott Frank tisse un récit plus complexe qu’il n’en a l’air, va d’un personnage à un autre, resserre les liens, livre un discours puissant, reste cohérent et surtout totalement pertinent.

The West is the best

Et si l’écriture, qui soigne les protagonistes et leur évolution, tout comme leurs interactions, en encourageant l’empathie, fait partie des grandes qualités de Godless, la mise en scène est loin d’être anecdotique. Car Scott Frank, appuyé par Soderbergh, a très bien compris qu’un western, quand bien même il était destiné à la télévision, qui est de toute façon aujourd’hui presque à égalité avec le cinéma d’un point de vue formel (il suffit de voir la saison 7 de Game Of Thrones pour s’en convaincre), se devait d’être grandiose. Et avec ses paysages sublimés par une réalisation pleine d’ampleur, qui peut passer de l’intimité d’une romance naissante à la grandeur d’un canyon ou de ces plaines interminables à la beauté terrassante, la série n’a pas à rougir de la comparaison avec les classiques du genre. Ici, la majesté des paysages fait écho aux thématiques abordées par le scénario. Violence et beauté sont parfaitement équilibrées tandis que le sang est aspiré par une terre déjà tragiquement abreuvée mais qui pourtant continue, de part sa magnificence, de rappeler qu’au fond, tout n’est pas perdu pour ceux qui font le bien et qui dans leur cœur, conservent cette foi en des jours meilleurs.
Formellement, Godless est donc une merveille absolue. Une fresque pleine d’audace impeccablement interprétée par des acteurs complètement dans le ton.
En première ligne, l’excellent Jack O’Connell, l’un des meilleurs acteurs du moment et l’intense Michelle Dockery mènent la danse, aux côtés de Scott McNairy, qui trouve quant à lui probablement son meilleur rôle, face à un Jeff Daniels qui s’avère aussi glaçant qu’ambigu. Merritt Wever, une actrice plutôt méconnue incarne quant à elle, à l’instar de Michelle Dockery, l’expression d’un féminisme percutant, alors que Thomas Brodie-Sangster, que l’on a connu en petit garçon dans Love Actually et que l’on a vu plus récemment dans Game Of Thrones, impressionne plus qu’à son tour. Sans oublier cette veille canaille de Kim Coates, l’un des fidèles motards de Sons Of Anarchy, ici parfaitement à sa place en digne représentant d’un machisme pervers et perfide.
Des comédiens qui profitent d’un script aux petits oignons pour incarner les valeurs d’une série qui parvient, sans tomber dans l’excès, si ce n’est formellement, quand elle multiplie un peu trop les ralentis pas toujours utiles, à aborder une somme folle de thématiques au point de s’imposer d’elle-même dans notre actualité et résonner à l’arrivée avec une puissance folle.

Godless

Règlement de compte

Et l’action ? Parce que tout western qui se respecte se doit, à un moment ou à un autre, de faire parler la poudre. Ce que fait Godless. Tout d’abord par petites doses, tout en entretenant une violence très crue mais pas opportuniste, puis via un ultime épisode brutal à souhait, où explosent les tensions au rythme des coups de feu tirés par les différents personnages. Inutile de trop en dévoiler. Il faut juste souligner qu’au bout de compte, Godless s’apparente à une montée en puissance inexorable et que son climax est parfait. Rempli d’une émotion à fleur de peau et caractérisé par une sauvagerie qui n’a rien de gratuit. Comme Impitoyable ou Open Range avant lui, Godless est un western, un grand. Le genre qui sait se montrer aussi moderne dans sa démarche que respectueux dans sa mise en œuvre. Un coup de maître assurément.

En Bref…
Magnifique western aussi violent que déchirant, porteur d’un discours pertinent, actuel et percutant, Godless est un chef-d’œuvre dont on ne ressort pas indemne. Une grande fresque aussi contemplative qu’immédiate, portée par des acteurs formidables et par cette volonté de rendre hommage aux classiques tout en regardant vers l’avenir. Une date importante dans le genre.

@ Gilles Rolland

Godless-Jack-Oconnell  Crédits photos : Netflix

Par Gilles Rolland le 9 décembre 2017

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Harry
Harry
4 années il y a

Merveille absolue, complètement. Faut-il aimer le genre western “moderne” pour l’apprécier à sa juste valeur ? Peut-être. C’est une série qui se dévore comme un film, et qui évite parfaitement ces moments un peu long presque sans intérêts qui n’échappent que très peu souvent aux séries. Le cinéma a peut-être du souci à se faire si les séries atteignent ce niveau de perfection. Juste une petite remarque dans l’article et sauf erreur de ma part, Thomas Brodie-Sangster ne joue pas dans GOT, mais vu dans Le Labyrinthe. A noter que si l’on peut emmètre des critiques sur le Labyrinthe, il a permis d”y voir 2 acteurs qui se sont révélé ensuite, Thomas Brodie-Sangster remarquable dans Godless et Will Pouter fabuleux dans The revenant.