[Critique série] JESSICA JONES – Saison 2
Titre original : Jessica Jones
Rating:
Origine : États-Unis
Créatrice : Melissa Rosenberg
Réalisateurs : Anna Foerster, Minkie Spiro, Mairzee Almas, Deborah Chow, Millicent Shelton, Jet Wilkinson, Jennifer Getzinger, Zetna Fuentes, Rosemary Rodriguez, Neasa Hardiman, Jennifer Lynch, Liz Friedlander, Uta Briesewitz.
Distribution : Krysten Ritter, Rachael Taylor, Eka Darville, Carrie-Anne Moss, J.R. Ramirez, Terry Chen, Janet McTeer, Rebecca De Mornay, John Ventimiglia, Callum Keith Rennie, David Tennant…
Genre : Thriller/Drame/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 13
Le Pitch :
Jessica Jones a repris ses activités de détective après avoir mis en déroute la Main avec les autres Defenders, des mois après la mort de Kilgrave. Désormais connue dans toute la ville grâce à ses pouvoirs, elle cherche avant tout à faire profil bas. Mais Trish, sa meilleure amie, l’incite à se lancer sur la piste d’IGH, la mystérieuse organisation qui aurait mené des expériences sur elle pour finir par lui donner ses pouvoirs…
La Critique de la saison 2 de Jessica Jones :
Parmi les héros Marvel Netflix, Jessica Jones a toujours su tirer son épingle du jeu. Y compris au sein des Defenders. Une série chorale qui n’a pas fait l’unanimité mais dont même les détracteurs ont reconnu le rôle prépondérant et la valeur du personnage taciturne incarné par Krysten Ritter. La saison 1 de Jessica Jones étant considérée comme l’une des meilleures de tout cet univers télévisuel super-héroïque, aux côtés de la première de Daredevil et ou de la première du Punisher. Un succès en forme de pression quand vint le moment de remettre le couvert et d’orchestrer la suite des aventures de la détective privée new-yorkaise. L’absence de l’excellent Kilgrave/David Tenant, grand méchant du premier acte, allait-elle impacter la portée de cette nouvelle salve d’épisodes ? Le show trouverait-il la solution pour aller de l’avant sans se répéter ? C’est ce que nous allons voir…
New York City Blues
Comme Alfred Hitchcock a su le souligner à son époque, et c’est tout aussi valable au cinéma qu’à la télévision, le méchant est primordial. Même si le gentil a tout pour plaire, qu’il est puissant, charismatique et iconique, une solide opposition lui est indispensable pour non seulement exister en tant que véritable héros, mais aussi pour s’épanouir dans une dynamique favorable au suspens et à l’émotion. C’est d’ailleurs d’autant plus vrai quand on parle des fictions super-héroïques, dont la mécanique s’articule toujours plus ou moins autour de la cette fameuse opposition bien/mal. Pourtant, la saison 2 apprend à s’en passer et contourne le problème. Un parti-pris osé. Une vraie prise de risque permettant néanmoins au show d’imposer une verve et une profondeur qui confirment sa valeur. Parce qu’on comprend rapidement, au bout de 3 ou 4 épisodes, que la saison 2 de Jessica Jones ne verra pas débouler un Kilgrave bis et qu’elle va se concentrer sur le passé de l’héroïne. Une saison interrogeant la condition de super-héros avec une belle acuité tout en mettant son personnage central face à lui-même, profitant du talent d’une Krysten Ritter parfaite en tous points. Car finalement, c’était pour cette dernière que le défi était le plus grand…
Krysten Jones/Jessica Ritter
Plus que jamais torturée par des démons qu’elle combat la bouteille de gnôle à la main, Jessica Jones voit donc ici son passé lui revenir en pleine tronche. Son plus grand adversaire ? Elle-même. Ou plutôt son histoire si chaotique. Son enfance durant laquelle elle a « reçu » ses pouvoirs mais qui l’a vue également tout perdre pour se retrouver parachutée dans l’âge adulte, paumée, physiquement puissante mais finalement très vulnérable. Un postulat plutôt casse-gueule qui ne pouvait que donner un résultat à la hauteur des attentes que grâce à la pertinence du jeu de Krysten Ritter. Un jeu que l’actrice approfondit un peu plus, laissant la lumière passer par les multiples fêlures et autres cicatrices mal refermées que son personnage doit supporter au jour le jour. Moins dans l’action pure et dure, Jessica se livre à une sorte d’introspection à l’issue incertaine, alors que tout autour, les repères volent en éclat. La saison 2 se fait ainsi plus adulte. Toujours sombre, elle explore des thématiques douloureuses comme le deuil. Elle parle aussi de résilience, de la famille et de l’espoir. À travers Jessica mais aussi par le biais des personnages secondaires ici particulièrement soignés. En particulier Trish Walker, la meilleure amie de Jessica, qui opère une spectaculaire montée en puissance, mais aussi Malcolm, le coéquipier de l’héroïne, Jeri, l’avocate incarnée par la majestueuse Carrie-Anne Moss, dont le rôle prend aussi de l’ampleur et d’autres dont nous allons éviter de parler pour ne pas spoiler.
Une question de dosage
Étonnamment, alors que les séries Luke Cage et Iron Fist se sont aussi démarquées à cause des quelques ratés émaillant leur progression et de cette regrettable propension à parfois s’enliser, Jessica Jones se distingue une nouvelle fois par sa fluidité. On ne peut pas nier qu’avec un ou deux épisodes en moins, le résultat aurait été encore plus percutant mais en l’état, le show fait le job sans se départir d’une énergie canalisée et de cette capacité à pouvoir se permettre des ralentissements, afin d’épaissir les enjeux, les relations entre les personnages et explorer les psychés de ces derniers, sans pourtant ennuyer ou même reléguer l’action au second plan, qui revient à la charge de façon régulière. En lien avec son époque, la série de Melissa Rosenberg, née d’un comics plutôt méconnu (surtout en France), devient une œuvre de premier plan. Une sorte de série policière avant tout centrée sur ses personnages. Une sorte d’hommage aux films noir d’antan, avec cette figure quasi-fantômatique. Ce redresseur de torts trimballant sa carcasse avinée dans les rues malfamées d’une cité tentaculaire. Jessica Jones ne renie pour autant jamais sa condition ni sa place dans un univers partagé dont elle est l’une des pièces les plus importantes, mais sait aussi exister en dehors de tout cela. Quand elle fait prévaloir son droit à l’indépendance, en oubliant les autres super-héros et en se concentrant sur l’intime, sur des choses qui lui sont propres au centre d’un script plus malin que prévu, stimulant, encourageant l’empathie et l’admiration.
En Bref…
On aurait pu craindre plein de choses au sujet de ce deuxième acte. Mais grâce à une écriture fine, à des acteurs impeccables emmenés par une Krysten Ritter formidable et à cette capacité à prendre à revers tout en honorant sa part d’un cahier des charges global inhérent au genre auquel elle appartient de prime abord, la saison 2 de Jessica Jones surprend dans le bon sens. Et ce ne sont pas les quelques ratés de la narration qui entachent le bilan global. En somme, ce deuxième acte confirme l’excellence d’une série résolument à part… Ça valait le coup d’attendre plus de 2 ans !
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Marvel/Netflix