[Critique série] TRUE BLOOD
Titre original : True Blood
Rating:
Origine : États-Unis
Créateur : Alan Ball
Réalisateurs : Alan Ball, Michael Lehmann, John Dahl, Lesli Linka Glatter…
Distribution : Anna Paquin, Stephen Moyer, Sam Trammell, Ryan Kwanten, Rutina Wesley, Nelsan Ellis, Alexander Skarsgard, Jim Parrack, Carrie Preston, Chris Bauer, Deborah Ann Woll, Todd Lowe, Evan Rachel Wood, Rutger Hauer, Anna Camp, Denis O’Hare, Joe Manganiello, Robert Patrick, Christopher Meloni…
Genre : Horreur/Romance/Fantastique/Drame/Adaptation
Diffusion en France : OCS/NT1/AB1
Nombre d’épisodes : 80 (7 saisons)
Le Pitch :
Les vampires existent. Encouragées à faire leur coming out suite à l’invention du Tru Blood, un sang synthétique, les goules tentent de cohabiter au mieux avec les humains, malgré une méfiance persistante et des actes de violence isolés perpétrés par des opposants à la cohabitation. À Bon Temps, une bourgade plutôt tranquille de Louisiane, Sookie Stackhouse, une jolie serveuse capable de lire dans les pensées de ses congénères, fait la connaissance de Bill Compton, un séduisant vampire torturé, dont elle tombe rapidement amoureuse. Alors qu’immortels et humains entretiennent une paix fragile, plusieurs meurtres mettent à mal les habitants de la petite communauté. Une ville qui ne va pas tarder à s’apercevoir que les suceurs de sang ne sont pas les seules créatures surnaturelles. De quoi changer à jamais le cours de plusieurs existences amenées à s’entremêler au fil d’intrigues sulfureuses, dangereuses et étranges…
La Critique :
Tout a commencé pour le mieux. Alan Ball, réalisateur, scénariste, producteur et showrunner de son état, décide de rebondir après la conclusion poignante de la série Six Feet Under. Il adapte pour cela La Communauté du Sud, la saga littéraire aux dents longues de Charlaine Harris, et entend profiter à fond les ballons de l’aspect métaphorique des vampires qui peuplent les nombreuses pages de cette suite de roman à succès.
Au casting, True Blood met en avant la talentueuse et déjà remarquée Anna Paquin, vue auparavant dans La 25ème Heure, Presque Célèbre ou encore Les Berkman se séparent. À ses côtés, de belles gueules, des acteurs charismatiques et des comédiennes aux formes avantageuses, soit la parfaite distribution pour un show d’emblée sulfureux et violent.
Le style Ball transpire par chaque pore de la série. Introduit par un superbe générique rythmé par le hit de Jace Everett, Bad Things, True Blood s’impose rapidement comme une nouvelle déclinaison de Roméo et Juliette, avec sa jeune humaine aux cheveux blonds et son ténébreux vampire à la crinière sombre. Rien de vraiment original, mais du spectacle dynamique, et un vent de liberté constamment alimenté par un sex appeal flagrant, même si parfois un poil exagéré. Mais tel est le nouveau tableau d’Alan Ball. C’est dans l’outrance, dans le romantisme, et les gerbes de sang que s’épanouit cette fresque gothique chargée de sous-entendus politiques et sociaux. Les droits des minorités sont bien entendu abordés. Là est le véritable cheval de guerre de True Blood. La parole est à ceux qu’on a contraint trop longtemps au silence. La série célèbre la lutte contre le rejet de la différence. Que l’on parle de racisme, d’homophobie, au premier ou au second degré, rien n’arrête cette œuvre plus ambitieuse que prévue.
La première saison place la barre relativement haut. C’est non seulement sexy et gore, mais aussi très addictif et baigné d’un romantisme à l’eau de rose savamment dilué dans une impertinence appréciable. Les personnages évoluent et les graines plantées par Ball de grandir dans un environnement propice à la construction d’une série d’excellente facture. La deuxième saison introduit de nouveaux personnages et de nouvelles créatures. Les vampires ne sont plus les seuls. On assiste à des transformations animales et bientôt, ce sont les loups-garous qui pointeront le bout de leurs truffes.
La multiplication des espèces fantastiques au fil des saisons nuit paradoxalement à la bonne tenue de la série, au point de lui donner des airs de gros fourre-tout un peu bancal. Bon Temps devient le réceptacle des vampires, des loups-garous, des fées, des sorcières et des sorciers vaudous. Seuls les zombies manquent à l’appel et ce grand cirque perd de plus en plus de sa cohérence.
Au bout d’une moment, la série est donc marquée par sa propension à en faire des tonnes. Pour rien. Juste pour le plaisir d’en rajouter des couches et des couches. Dans la sauvagerie des monstres, qui défouraillent à tout va, et dans le sexe, de plus en plus crû. Difficile de ne pas penser que cette exagération manifeste tend à combler un vide scénaristique de plus en plus gênant. Les acteurs font leur possible pour conserver un semblant d’intégrité, mais la menace d’un essoufflement s’installe progressivement, jusqu’à la première mort du show.
Cette première mort intervient au terme d’une cinquième saison à la limite du médiocre, quand Alan Ball quitte le navire, afin de vaquer à d’autres occupations (à savoir la série Banshee, qu’il développe avec l’écrivain Jonathan Tropper). Toujours superviseur (de loin), il cède sa place à Mark Hudis. Lequel donne sa démission peu de temps après, pour laisser le scénariste et producteur Brian Buckner s’occuper d’offrir aux personnages une conclusion à la hauteur de leurs flamboyants débuts. Dès lors, True Blood se transforme en une espèce de patate chaude. On cherche à s’en débarrasser car on ne sait pas trop quoi en faire. Les épisodes se succèdent et l’incohérence se renforce. Des gentils deviennent méchants, les rebondissements sont rarement crédibles et efficaces et rien ne semble plus importer qu’un grand spectacle de plus en plus vide de sens.
Même la symbolique première en prend un coup dans l’aile.
À l’aube de la septième et ultime saison, la série ne tient pas la grande forme. On remarque depuis quelques épisodes un petit regain d’énergie, directement imputable à un changement de cap. Un revirement tardif mais bienvenue, permettant directement de replacer True Blood sur les rails, alors que se profile la fin.
Et ce dernier acte ? En demi-teinte. Passable. Rien à signaler de bien reluisant si ce n’est un désir de revenir aux fondamentaux. De jouer encore et encore la carte de la nostalgie poussive, comme pour nous dire que ce que croyons détruit, ne l’est pas. On parle ici d’amour. Celui qui vient combler le vide d’une intrigue arrivée à son terme, quand le dernier des enjeux est bouclé. On sait ce qu’il va advenir de nos héros, du moins pour la plupart. La série se recentre sur Sookie et Bill, les deux principaux héros. Le retour de Roméo et Juliette sur le devant de la scène, comme au bon vieux temps, quitte à presque totalement désavouer une large partie du récit. Ceux qui ont vu comprendront. Il faut soigner sa sortie et True Blood tente le tout pour le tout en mettant le plus de formes possible, mais en ne parvenant au final qu’à se terminer sur une touche consensuelle, fade et, il faut le dire, extrêmement éloignée de l’impertinence des débuts. En revenant à un romantisme plus classique, plus prude. Le vers est dans la pomme depuis trop longtemps. Il a presque tout bouffé. À l’instar de Dexter, True Blood n’a pas su tenir la distance. Il s’est perdu en chemin.
On peut néanmoins saluer le travail des comédiens. Tous n’ont pas brillé par leur stabilité, comme Anna Paquin, parfois carrément insupportable car surprise plusieurs fois en flagrant délit de cabotinage massif, mais dans l’ensemble, la plupart ont su composer avec un certain brio avec la partition casse-gueule fournie par la production. Parmi les bons élèves, on peut citer Alexander Skarsgard, toujours savoureux dans la peau du vampire viking Eric Northman, Ryan Kwanten (Jason), le beau gosse capable du meilleur, Stephen Moyer (Bill), toujours solide malgré la transparence relative de son personnage, le fantasque Nelsan Ellis (Lafayette), l’intense Rutina Wesley (Tara), ou encore la sensuelle Deborah Ann Woll (Jessica). À noter également les guest stars de luxe que furent Rutger Hauer et Evan Rachel Wood, eux aussi responsables de quelques uns des plus beaux regains de vitalité de la série.
Caractérisée par sa progression en dents de scie, et ce malgré deux premières saisons vraiment excellentes, True Blood a néanmoins su conserver suffisamment de son charme indéniable pour encourager l’acharnement. Quitte à voir les murs se fissurer et les fondations trembler. Quitte à poursuivre le visionnage juste par habitude ou par simple curiosité. Le spectateur fidèle est récompensé ici et là par quelques coups d’éclats, mais rien ne vient gommer cette fâcheuse impression, qu’avec un peu plus de maîtrise, True Blood aurait pu se placer au firmament des fictions télévisuelles de qualité. En l’état, maintenant que les portes de Bon Temps et de son bestiaire bariolé se sont refermées, rien n’indique que l’on regrettera Sookie, Bill, Eric, Lafayette et les autres… Surtout pas, on le répète, avec ce dernier épisode vraiment mou du genou et tragiquement sans relief. Après tout, ce n’est pas pour rien que certains internautes lui ont décerné le titre de pire final de l’histoire. Tout est relatif, mais il est clair que les vampires ont clôturé leur valse en se vautrant sur le parquet et en y laissant quelques dents.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : HBO / Warner Bros. France