[Critique série] TRUE DETECTIVE – Saison 3
Titre original : True Detective
Origine : États-Unis
Créateurs : Nic Pizzolatto
Réalisateurs : Jeremy Saulnier, Daniel Sackheim, Nic Pizzolatto.
Distribution : Mahershala Ali, Stephen Dorff, Carmen Ejogo, Scott McNairy, Ray Fisher, Sarah Gadon, Mamie Gummer, Josh Hopkins, Jodi Balfour, Michael Rooker…
Genre : Thriller/Drame
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 8
Le Pitch :
En 1980, dans la région des monts Ozarks, un garçon et sa petite sœur disparaissent subitement. Les inspecteurs Wayne Hays et Roland West sont dépêchés sur les lieux. Rapidement, des indices conduisent les deux hommes sur une piste assez inquiétante… 10 ans plus tard, en 1990, l’enquête est à nouveau ouverte…. 25 ans plus tard : désormais retraité, Wayne Hays est contacté par une émission de télé qui a souhaité combler les trous de l’enquête débutée dans les années 80. L’occasion pour lui de tenter de se remémorer tous les détails de cette disparition qui un jour, changea complètement le cours de son existence…
La Critique de la saison 3 de True Detective :
Le problème quand on commence très fort, c’est de parvenir par la suite à maintenir l’intérêt d’un public de plus en plus exigeant. Nic Pizzolatto, le showrunner et scénariste de True Detective en a d’ailleurs complètement fait les frais lui qui profita de l’énorme succès critique de la première saison (il est vrai remarquable) pour proposer, confiant, un deuxième acte radicalement différent et accueilli beaucoup plus fraîchement par les fans. Une saison 2 pourtant excellente mais il est vrai opposée sur bien des points à la première, dont le(relatif) échec faillit bien mettre en péril l’existence de la série dans son ensemble. Mais True Detective, au bout de 4 ans, a fini par revenir sur HBO, en se rapprochant sur quelques points de ses débuts, tout en prenant, là encore, le risque de prendre à revers les attentes du public…
Ozarks
En choisissant les monts Ozarks comme cadre de sa nouvelle intrigue et non une ville comme Los Angeles comme il l’avait fait pour la saison 2, Pizzolatto a clairement voulu envoyer un signal aux fans du show : oui, d’une certaine façon, True Detective allait se recentrer sur les fondamentaux de la saison 1. Même observation concernant les deux personnages principaux. Deux enquêteurs. Aujourd’hui Mahershala Ali et Stephen Dorff et hier Woody Harrelson et Matthew McConaughey. Une grande gueule un peu rustre (Dorff/Harrelson) et un type un peu plus mystérieux et sombre (Ali/McConaughey). Jadis le bayou de Louisiane, désormais les forêts flippantes des Ozarks… Puis ce n’est pas un hasard si la saison 3 s’arrange pour aussi nous affirmer sans détour qee son intrigue se passe dans le même « univers » que celle de la saison 1. La boucle est bouclée. Oui, mais cela ne signifie pas pour autant que Pizzolatto a joué la sécurité. Cela signifie surtout qu’il a pris en compte certaines attentes du public et accepté de faire de True Detective une anthologie certes, mais une anthologie caractérisée par certains codes que la saison 2 avait clairement tenté de casser. Alors oui, au début, cette histoire d’enfants disparus dans une région rurale, avec ses habitants un peu flippants pour certains, bien trop secrets pour d’autres, alcooliques, drogués ou les deux à la fois, ce spleen envahissant… Difficile de ne pas se sentir de retour dans le « monde » de la saison 1. Pour autant, doucement mais sûrement, True Detective se fraye un chemin dans une toute autre direction.
Une question de temporalité
L’une des grandes originalité de la saison 3 est de multiplier les temporalités. L’histoire commence en 1980 puis se poursuit en 1990 avant d’à nouveau faire un bond pour arriver en 2015, quand les personnages sont âgées mais toujours hantées par les démons réveillés par la disparition des enfants de cette famille dysfonctionnelle au centre de l’intrigue. Risqué comme pari, mais c’est aussi ainsi que True Detective impressionne. Le scénario, parfaitement écrit, maîtrisé et intelligent, tire pleinement parti de ces multiples temporalités. La mise en scène aussi d’ailleurs ainsi que le montage, parfait. Même son de cloche du côté des acteurs. Bien aidés par des maquillages admirables (des acteurs « jeunes » n’ont jamais été aussi bien vieillis sans l’aide du numérique, au cinéma ou à la télévision), les acteurs participent eux aussi à bien séparer les époques, alors qu’à l’écriture, Pizzolatto ne recule devant aucune difficulté pour nous raconter son histoire aux multiples ramifications, sans jamais se prendre les pieds dans le tapis ou paraître confus. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas parfois s’accrocher pour saisir toutes les subtilités du récit. True Detective a toujours été une série exigeante et c’est le cas ici aussi.
Dans la chaleur de la nuit
L’une des grandes réussites de cette nouvelle saison est de raconter une histoire palpitante, inquiétante et magistralement construite, mais aussi d’en profiter pour aborder des thématiques puissantes. Le racisme notamment, est abordé de front, même si cela est fait sans avoir recours à une quelconque forme de démagogie. Toujours cette même tendance à bien choisir ses mots et son approche pour frapper là où ça fait mal, sans en avoir l’air, sans forcer le trait ni tomber dans l’excès. Le scénario écrit par Pizzolatto brille par sa capacité à nourrir un suspense grandissant, en faisant preuve d’originalité, tout en se refusant à embraser quelques clichés particulièrement courants dans ce genre d’exercice. Et si la série est plus qu’à son tour flippante, avec sa géniale bande-originale (surtout vers la fin) et sa photographie d’une beauté baroque à couper le souffle, elle propose aussi d’impressionnants numéros d’acteurs. Au premier plan, Mahershala Ali trouve peut-être son meilleur rôle. Cinéma et télévision confondus. Oui carrément. Qu’il joue un jeune inspecteur fougueux, un mari en détresse ou un vieil homme en plein naufrage affectif et psychologique, l’acteur est magistral. On pourrait d’ailleurs en dire autant de son partenaire le sous-estimé Stephen Dorff, ici incroyable du début à la fin (la scène du bar du dernier épisode est l’une des meilleures qu’il ait eu l’occasion de jouer). Carmen Ejogo aussi est bien sûr parfaite, elle qui tire pleinement parti de sa partition pour s’imposer avec grâce et force dans une dynamique difficile. Sans oublier le toujours solide Scoot McNairy.
Le truc, c’est qu’encore une fois, les choix parfois gonflés de Nic Pizzolatto, tout particulièrement concernant la fin, risquent de lui valoir des critiques. On ne dévoilera bien sûr rien du dénouement. On ne parlera pas de cette tristesse insondable qui envahit peu à peu le récit sans pourtant empêcher la lumière de percer. Plus poétique, True Detective a aussi gagné en maturité. Sans se renier.
En Bref…
Une histoire solide, des thématiques abordées avec intelligence, des acteurs incroyables, une photographie crépusculaire à souhait, une musique pénétrante… La saison 3 de True Detective renoue avec l’atmosphère de ses débuts mais finit par trouver une voie(x) qui lui est propre. Pour le meilleur. Grande saison. Grande série.
@ Gilles Rolland