[Critique série] WATCHMEN – Saison 1

SÉRIES | 27 décembre 2019 | Aucun commentaire
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Titre original : Watchmen

Rating: ★★★★★

Origine : États-Unis

Créateur : Damon Lindelof

Réalisateur : Nicole Kassell, Stephen Williams, Andrij Parekh, Steph Green, David Semel, Frederick E.O. Toye.

Distribution : Regina King, Jean Smart, Tim Blake Nelson, Hong Chau, Yahya Abdul-Mateen II, Jeremy Irons, Don Johnson, Louis Gossett Jr., Frances Fisher…

Genre : Drame/Thriller/Fantastique/Adaptation

Diffusion en France : OCS

Nombre d’épisodes : 9

Le Pitch :

En 2019, à Tulsa, Oklahoma, un groupe de suprémacistes blancs appelé La 7e Kalaverie revient sur le devant de la scène 3 ans après avoir assassiné plusieurs policiers durant ce que les médias ont surnommé La Nuit Blanche. Une tragédie ayant initié de grands changements dans les forces de polices qui évoluent désormais masquées. Angela Abar, une ancienne policière qui officie sous l’identifié secrète de Sister Night, et ses collègues, tout d’abord incrédules quant à un retour du groupuscule raciste, cherchent en savoir plus avant que le pire ne se reproduise à nouveau…

La Critique de la saison 1 de Watchmen :

On peut précisément dater le moment où Damon Lindelof a acquis une sorte de légitimité en béton armée. À tel point que son arrivée à la tête de la série Watchmen, pourtant véritablement attendue au tournant par les nombreux fans hardcore du comic book d’Alan Moore et Dave Gibbons, n’a semblé choquer personne, bien au contraire. Ce moment, où Lindelof est enfin devenue une sorte de sauveur capable du meilleur, c’est donc quand The Leftovers est sortie, en 2014, soit 9 ans après le lancement de Lost, son autre grosse série, dont la conclusion avait fait l’objet de vives critiques, et 2 ans après Prometheus, pour lequel Lindelof avait signé le scénario. Scénario ayant lui aussi déclenché de virulentes diatribes. C’est donc avec The Leftovers que le scénariste/producteur a su mettre tout le monde d’accord. Le show n’ayant pas fédéré des millions de fans comme Lost mais ayant par contre su se créer une solide base d’aficionados qui ensemble, ont salué l’énorme travail de Lindelof. Pour eux, mais aussi, et c’est plus étrange, pour la majorité des amateurs de Watchmen, le comics puis le film de Zack Snyder, Lindelof semblait donc être l’homme de la situation. Et effectivement… 9 épisodes plus tard, alors que Watchmen – la série, s’est imposée comme une sorte d’anthologie, avec un début, un milieu et une fin, le constat est clair : oui Damon Lindelof était l’homme de la situation. Watchmen traduisant à la fois son respect immense pour le matériau d’origine mais aussi une volonté méchamment burnée de proposer de la nouveauté et de broder d’une manière plus que surprenante, en prenant une somme considérable de risques…

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Tic, tac, tic, tac…

Le premier coup de génie de Damon Lindelof est d’avoir su exploiter le comics de Moore et Gibbons sans totalement s’y reposer. Son Watchmen n’étant pas une nouvelle adaptation mais plutôt une suite. L’action prenant majoritairement place en 2019, dans le même monde qui a vu le Dr Manhattan gagner la guerre de Vietnam pour Nixon, alors que Le Comédien, Rorschach, le Hibou, Ozymandias ou le Spectre Soyeux faisaient couler le sang dans les rues. Pour autant, la série reste tout à fait appréciable si on n’a jamais entendu parler du comics ou même si on n’a jamais vu le film de Zack Snyder (film s’imposant comme un très bon résumé mis en image du comics). Un tour de force quand on connaît la complexité de l’univers imaginé par Alan Moore et Dave Gibbons. Mais ça fonctionne à pleine régime tant le scénario de Lindelof sait, au cours de flash-backs ou de passages explicatifs qui ne ressemblent pas à des passages explicatifs, donner aux spectateurs novices les clés pour totalement comprendre tout ce qui se déroule à l’écran. Cela dit, il est tout de même conseillé, ne serait-ce que pour le plaisir que la lecture procure, de se plonger dans le graphic novel, qui reste à ce jour l’une des œuvres majeures de la bande-dessinée. Les fans de Watchmen étant ici gâtés par la profusion de clins d’œil et autres repères, placés astucieusement au fil de l’histoire pour encore un peu plus ancrer le nouveau récit dans une globalité repensée. La présence de personnages connus comme Ozymandias renforçant forcément la filiation et contribuant, à terme, à superbement raccrocher les wagons. Watchmen la série devenant, non pas un complément au livre ou au film, mais plutôt un nouveau chapitre, parfaitement respectueux, parfaitement indépendant et parfaitement pertinent.

Histoire de calamar

Superbement écrits, ces 9 épisodes forment un tout cohérent et passionnant. Et ce dès le premier acte. Jamais hésitant quand il s’agit d’embrasser les thématiques propres à la bande-dessinée mais toujours volontaire pour aussi imposer les siennes, assorties à ses obsessions déjà présentes dans ses œuvres précédentes, Lindelof fonce droit devant et réussit à mener de front les différents aspects d’une intrigue brillant tout autant par son intelligence, sa clarté et la multiplication de ses points de vue. L’étrange côtoyant la drôlerie alors que l’horreur se mêle à l’action pure, à l’ironie la plus cinglante et au tragique le plus pénétrant. Un magnifique hommage au travail de Moore et Gibbons mais aussi et surtout une fresque qui, prise indépendamment, parvient à exister sans le moindre appui extérieur, tout en venant faire écho à des problématiques bien modernes, trouvant une grande résonance dans le monde d’aujourd’hui. Illustrant tout aussi bien la recrudescence du racisme, l’intolérance propre à un individualisme galopant, la recherche de l’amour et la nécessité de s’unir contre l’infamie, cette première saison sait aussi faire preuve d’un sens assez troublant de la nuance, ne se contentant pas de mettre -à l’instar du comics- en opposition des gentils et des méchants mais insistant sans cesse sur les différentes nuances de gris qui existent au sein de chaque personnage.

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Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare

Bijou d’écriture, Watchmen est aussi une franche réussite visuelle. Évoquant parfois la récente Legion (dans laquelle on retrouvait déjà Jean Smart), mais en plus canalisée, la série sait faire preuve d’une vraie audace visuelle. Exploitant avec parcimonie des effets-spéciaux superbement travaillés, et une imagerie qu’elle reprend à son compte pour l’étoffer un peu plus, cette enfilade d’épisodes impressionne par son sens de la mise en scène. Tous les réalisateurs ayant accordé leur violon pour donner l’impression que l’intégralité de la saison est le fruit d’un travail choral. Le plus beau étant que jamais Watchmen ne tombe dans l’excès typique des productions qui tentent, parfois avec un excès de zèle, de trancher avec le mainstream en s’oubliant un peu en chemin. Bien sûr en opposition totale avec les Marvel et autres DC, Watchmen ne prend pas la pose vainement et se « contente » de suivre sa voie sans chercher absolument à s’imposer comme la sauveuse d’un genre en perdition, étouffé par un trop plein de propositions. Même si au final, c’est bien ce qu’elle incarne. Encore plus qu’Umbrella Academy ou The Boys, Watchmen représente une alternative maline et moderne, spectaculaire et brutale, drôle et touchante. Les acteurs, de la révélation Regina King à l’impérial Jeremy Irons (entre autres, car ici, ils sont tous formidables), contribuant aussi largement à la réussite de l’ensemble.

Une série qui en plus, se paye le luxe de répondre à toutes les questions qu’elle pose. Pas de gros mystère irrésolu ici ou alors juste ce qu’il faut. Comme souligné plus haut, c’est à une sorte d’anthologie que nous avons affaire, avec un début et une fin. Le dernier épisode démontrant l’habilité du showrunner Lindelof a parfaitement retomber sur ses pattes.

En Bref…

Digne successeur du comics d’Alan Moore et Dave Gibbons mais aussi du film de Zack Snyder, le show de Damon Lindelof s’impose à la fois comme un vibrant hommage à une œuvre majeure de la culture populaire et comme une tentative incroyablement audacieuse de proposer quelque chose de nouveau. Alors qu’à l’écran, les morceaux de bravoure se succèdent, l’écriture se fait sans cesse plus fine et les rebondissements toujours plus passionnants et surprenants. On ne décroche pas une seconde, c’est beau, tragique, drôle et parfois complètement délirant. Mais jamais trop. Juste ce qu’il faut. Ici le dosage est parfait. Un tour de force, un vrai ! Une éclatante réussite télévisuelle de plus pour HBO.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : HBO
Par Gilles Rolland le 27 décembre 2019

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