[Critique] LE CONGRÈS

STARVIDEOCLUB | 19 mars 2016 | 1 commentaire
Le-Congrès-affiche

Titre original : The Congress

Rating: ★★★★½
Origines : Luxembourg/Israël/France/Pologne/Allemagne
Réalisateur : Ari Folman
Distribution : Robin Wright, Jon Hamm, Harvey Keitel, Danny Huston, Paul Giamatti, Frances Fisher, Kodi Smit-McPhee, Michael Landes, Sami Gayle, Ed Corbin, Michael Stahl-David, Matthew Wolf Evan Ferrante…
Genre : Science-Fiction/Animation/Adaptation
Date de sortie : 3 juillet 2013

Le Pitch :
Quasiment oubliée d’Hollywood, Robin Wright ne reçoit plus de rôles intéressants et vit avec ses enfants dans un hangar de construction d’avions jouxtant un aéroport. Un jour, via son agent, elle se voit proposer par Miramount Pictures d’être scannée numériquement afin que son image soit exploitée, en contrepartie de quoi elle devra cesser d’être actrice. Devant faire face à la maladie de son fils, elle accepte à contre cœur le marché. Vingt ans plus tard, elle est invitée d’honneur de la Miramount Nagasaki…

La Critique :
Robin Wright visage fermé, en larmes, victime des affres du temps, à l’écoute de son agent qui lui débite qu’elle-même est responsable de la carrière qu’elle n’a pas eu. La première scène donne le ton. Le Congrès s’inspire à la fois librement du livre Le Congrès de Futurologie de Stanislas Lem (à qui on doit Solaris, entre autres), mais aussi en partie de la vie de l’actrice. Si, quand le film est sorti, Robin Wright était « revenue » depuis quatre ans sur le devant de la scène, film après film jusqu’à obtenir un rôle majeur dans la série House of Cards, sa carrière se distingua aussi par son caractère en dents de scie, avec des coups d’éclats comme son interprétation magistrale dans Princess Bride ou encore Forrest Gump et des périodes faites de seconds rôles discrets ou de rôles principaux hélas noyés par la performance de l’acteur principal. Cet aspect de sa carrière est très bien retranscrit dans la première partie.

Le-Congrès-Harvey-Keitel

Pour autant, si on peut tiquer avec les dialogues de certains personnages, on évite heureusement le discours panégyrique masturbatoire à la gloire d’une actrice qu’on a pu voir dans certaines œuvres. C’est d’ailleurs quand le film prend plus de distance avec Robin Wright en tant que sujet principal, qu’il captive et prend tout son sens. Quand elle signe le fameux deal, métaphore du pacte avec Méphistophélès du Faust de Goethe. Là, on assiste à la première charge d’Ari Folman, contre le cynisme de Hollywood, prompt à brûler les icônes qu’il a créé. Une actrice qui tombe dans l’anonymat car une peur maladive et de mauvais choix d’ordre privé l’ont handicapée et éloignée des projecteurs. Un fait dont nous, spectateurs, sommes hélas complices, par notre soif de voir de nouvelles têtes, des acteurs et actrices (mais plus valables pour les actrices) plus frais, plus jeunes, plus beaux. Un jeunisme permanent qui a réduit considérablement la longévité au plus haut niveau de l’écrasante majorité de ces artistes de premier plan, vitrines des films dans lesquels ils jouent. Une course à la jeunesse couplée à une objectivation qui fait que la vie des stars, leur image ne leur appartient pas. Ce dernier fait est montré à travers la numérisation proposée à une actrice qui céderait à tout jamais son image et renoncerait à son métier, sa passion, et en somme son âme. Ce constat établi, on bascule dans ce qui fait la particularité de ce film, quand on passe à la partie animation.

Là, on se retrouve dans un film dans le film, complètement délirant et hallucinatoire. Le Congrès de futurologie auquel l’actrice est conviée est situé dans un espace réservé uniquement à l’animation et Robin Wright doit avaler une pilule qui la cartoonise. Dans l’hôtel où elle invitée, on assiste à un bestiaire psychédélique entre Tex Avery sous acide et Yellow Submarine avec des scènes complètement surréalistes. On voyage dans le temps, et le film nous offre une scène d’amour parmi les plus poétiques de ces dernières années. Pour autant, Le Congrès est tout sauf naïf et Ari Folman livre à nouveau deux autres critiques. La première est celle du renoncement joyeux de l’humanité face à la technologie, quand il est annoncé à une foule en délire que Robin Wright ne deviendra qu’une substance que tout le monde pourrait s’approprier en l’absorbant. Comme c’est moderne, toute l’assistance accueille la nouvelle sous des applaudissements imbéciles. L’autre critique est celle d’une société qui, pour échapper à une réalité aussi triste que sordide, se réfugie dans un monde magique et coloré en prenant des pilules magiques (difficile de ne pas voir dans ces pilules « cartoonisantes » qui donnent accès à un monde supposé idéal la métaphore des antidépresseurs qui font voir la vie en rose).
Le Congrès est une réussite. Une réussite due à tous les acteurs du projet. D’un côté, Ari Folman montre, par son aisance technique, qu’il est un réalisateur à suivre. Comme sa précédente œuvre Valse avec Bachir, on assiste à une merveille visuelle, avec un penchant pour une animation en 2D (Folman détestant la 3D) très fluide, une orgie visuelle complètement délirante. On alterne entre poésie zen, critique d’un système cynique, passages nerveux dignes d’un thriller et thématiques de science-fiction. Les acteurs ne sont pas en reste. Robin Wright livre une partition magistrale tout en sobriété et en fragilité, mais n’hésitant pas à sortir régulièrement du cadre de ce qu’elle avait interprété au cours de sa carrière. Harvey Keitel et Paul Giamatti, bien qu’ayant un petit rôle, sont émouvants, et Danny Huston (qu’on a aussi pu voir dans les saisons 3 et 4 d’American Horror Story) est glaçant de cynisme et de cruauté. Primé au festival du Cinéma Européen, présenté à Cannes dans la section Un Certain Regard, Le Congrès est un bijou franchement barré, digne de Fritz the Cat ou de Paprika et qui aurait mérité une plus grande exposition. Probablement le renouveau du psychédélisme.

@ Nicolas Cambon

Le-Congrès-Robin-Wright Crédits photos : ARP Sélection

Par Nicolas Cambon le 19 mars 2016

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calmels
calmels
8 années il y a

Toujours aussi intéressantes et fournies tes critiques! que du bonheur de lire, et par là même, de découvrir de nouveaux ou de plus anciens films. Merci pou cette critique.