[Critique] A CURE FOR LIFE
Titre original : A Cure For Wellness
Rating:
Origines : États-Unis/Allemagne
Réalisateur : Gore Verbinski
Distribution : Dane DeHaan, Jason Isaacs, Mia Goth, Celia Imrie, Ivo Nandi…
Genre : Horreur/Épouvante/Thriller
Date de sortie : 15 février 2017
Le Pitch :
Lockhart, un jeune cadre new-yorkais ambitieux, est chargé de se rendre en Suisse, dans un mystérieux centre de bien-être, pour retrouver la trace du PDG de l’entreprise pour laquelle il travaille. Sur place, il se rend vite compte que cet endroit, perdu au milieu des Alpes, n’a rien d’ordinaire. L’histoire du lieu n’a de plus rien de vraiment rassurant. Bien décidé à partir au plus vite, Lockhart est pourtant contraint de rester quand il est victime d’un accident de voiture…
La Critique de A Cure For Life :
Gore Verbinski est surtout populaire pour avoir mis en boite les trois premiers volets de la saga Pirates des Caraïbes. Mais Verbinski a aussi réalisé l’excellent The Weather Man, avec Nicolas Cage ou encore Le Cercle, le très bon remake de Ring, avec Naomi Watts. Aventureux, le réalisateur n’a jamais vraiment hésité à aller d’un style à l’autre. La comédie, l’aventure, le drame, l’horreur, l’animation (Rango, c’était lui), il a presque tout fait ! Jusqu’à se jeter corps et âme dans l’adaptation d’une série culte, Lone Ranger, dont l’échec cuisant au box office (alors que le film est pétris de qualités) l’a éloigné quelques années du movie business.
Verbinski qui revient donc aux affaires avec A Cure For Life. Un film d’épouvante, un vrai, original de surcroît, écrit par Justin Haythe, son compère sur Lone Ranger (également responsable des scripts des Noces Rebelles, de Sam Mendes). À l’heure où les remakes et autres suites règnent sur les programmations des multiplexes, A Cure For Life fait d’emblée souffler un vent de fraîcheur…
La Thalasso de l’horreur
Gore Verbinski nous rappelle très vite qu’il n’est pas un réalisateur comme les autres. Épaulé par le chef opérateur Bojan Bazelli (Peter et Elliott le Dragon, Lone Ranger), qui accomplit un travail absolument incroyable, le réalisateur livre une véritable œuvre d’art. Le trailer laissait déjà entendre que le film serait de toute beauté et effectivement, il l’est. Plus que ça même tant la direction artistique impressionne en permanence durant la première demi-heure. Quand nous sommes plongés dans une ville de New York vertigineuse, tentaculaire, avant de rejoindre les montages suisses et ce château reculé. Un cadre sublime, auquel Verbinski et Bazelli rendent justice, en exploitant cette beauté et son caractère grandiose à des fins qui peuvent évoquer le Shining de Stanley Kubrick. Quand ce dernier suivait la voiture de Jack Torrance tandis qu’elle prenait d’assaut la montagne pour rallier l’hôtel Overlook, Verbinski filme un train alors qu’il s’engouffre, tel un serpent qui se jette dans la gueule de son plus redoutable prédateur, dans les rochers, avant de voir le personnage central se confronter à un monde dans le monde, où la beauté semble faire écho à la laideur des secrets enfouis.
En recherche permanente, armé d’un sens du détail précis, Gore Verbinski accompli quelque chose de grand. A Cure For Life, qu’il se déroule dehors, dans cette cours nichée au cœur des Alpes suisses ou dedans, dans cet institut en forme de dédale, ne laisse rien au hasard et tout ce qui se trouve à l’image contribue à instaurer une atmosphère de plus en plus prégnante. Il nous prend par la main et nous enferme. Puis les murs se rapprochent lentement. Immersif ? Pour sûr !
Shutter Mountain
Avec son héros qui déboule dans une sorte d’asile pour personnes pleines aux as désireuses de se faire dorloter, A Cure For Life rappelle bien sûr Shutter Island, de Martin Scorsese. Dane DeHaan, parfois, prend même des airs de DiCaprio. La géographie n’est pas vraiment la même, mais l’ambiance, avec ces toubibs louches et ces patients parfois perturbants, si. Pas au point de crier au plagiat mais suffisamment pour faire le rapprochement. Cela dit, avoir vu Shutter Island ne peut en aucun cas véritablement préparer au spectacle qu’entend proposer A Cure For Life. Un film dont l’ambition manifeste est donc bel et bien d’emporter le spectateur dans un cauchemar inextricable fait de faux-semblants et parcouru de visions cauchemardesques, dans la grande tradition d’un cinéma d’épouvante créatif ces dernières années un peu étouffé par la profusion de remakes, suites… L’ambition est ici claire et nette. Gore Verbinski fait le nécessaire pour que son long-métrage laisse sa marque dans l’esprit des spectateurs. Certaines scènes sont vraiment traumatisantes et vu qu’on parle ici d’un film qui prétend justement organiser la longue descente aux enfers d’un homme pétris de certitudes, on peut dire que c’est salutaire. Âmes sensibles s’abstenir. Le film va jusqu’au bout.
Au point de parfois un peu trop en faire d’ailleurs. Pas au niveau des scènes en question, parfaitement maîtrisées et effectivement puissantes, mais au niveau de la durée. 2H27, c’est un peu trop finalement. On ne s’ennuie pas mais avec un petit quart-d’heure en moins, le caractère extrême du show aurait vraiment apparu avec encore plus de force.
Quand l’horreur cache la satire
En bon film d’horreur conscient que des scènes bien dégueulasses et/ou psychologiquement tordues ne suffisent pas à conférer de l’épaisseur, A Cure For Life n’oublie pas de distiller un discours savamment calibré. Avec son loup de Wall Street qui pénètre dans un monde qui va peu à peu déconstruire ses certitudes, le film s’impose comme une critique virulente de la société de consommation et du capitalisme galopant. Traversé de fulgurances, aussi bien visuelles, vous l’aurez compris, que scénaristiques, il propose une morale bien viciée comme il se doit et va là aussi jusqu’au bout de son propos. Et tant pis si le caractère plus grand-guignol de la dernière partie pourra en rebuter plus d’un car au fond ça fonctionne vraiment bien.
Devant la caméra, Dane DeHaan trouve l’un de ses meilleurs rôles. Parfait de bout en bout, opposé à l’excellent Jason Isaacs (Lucius Malefoy dans les Harry Potter, OA…), le jeune comédien se fait le vecteur d’une peur qui tient vraiment à notre capacité à démêler le vrai du faux et à essayer de deviner la suite des événements. Même sentence sans appel pour Mia Goth et son jeu délicieusement perturbant.
Et si A Cure For Life n’évite pas certains clichés et s’avère un poil plus téléphoné que souhaité, il n’en reste pas moins superbement imprévisible à certains moments. Brillant plus qu’à son tour, il dénote joyeusement, prend à la gorge et nous propulse dans une sorte de réalité alternative d’une manière qui n’est pas sans rappeler La Quatrième Dimension et toutes ces œuvres qui ont largement contribué à façonner les contours d’une horreur viscérale et pure à laquelle il est difficile de ne pas succomber.
En Bref…
Visuellement spectaculaire, ambitieux, génialement tordu et parfaitement calibré pour dégoûter, choquer ou surprendre (rayer la mention inutile), A Cure For Life se démarque du tout venant de l’épouvante au cinéma. Voir un film comme celui-là en salle relève ainsi de l’expérience. Il suffit de voir les spectateurs se lever pour quitter la salle pour s’en rendre compte. Il ne peut pas plaire à tout le monde et si il n’est pas exempt de défauts, son caractère et sa beauté perfide, en plus de toutes les autres qualités énoncées plus haut, suffisent à en faire un must pour le moins incontournable.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France