[Critique] DEATH WISH
Titre original : Death Wish
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Eli Roth
Distribution : Bruce Willis, Vincent D’Onofrio, Elisabeth Shue, Camila Morrone, Dean Norris, Beau Knapp, Kimberly Elise, Len Cariou…
Genre : Thriller/Action/Remake
Date de sortie : 9 mai 2018
Le Pitch :
Paul Kersey, un chirurgien habitant à Chicago, voit sa vie basculer dans l’horreur quand sa femme se fait tuer par des cambrioleurs qui s’en sont également pris à sa fille. Alors que cette dernière est dans le coma et que la police n’a absolument aucune piste concernant les coupables, le docteur décide de passer l’action et se faire justice lui-même…
La Critique de Death Wish :
Ancien représentant du cinéma d’action, acteur cool par excellence, capable de s’imposer avec force, à coups de poings mais aussi avec de savantes punchlines, Bruce Willis a dans sa carrière mainte fois prouvé qu’il savait faire autre chose. À la grande époque, il était inarrêtable. Jusqu’au jour où celui qui a incarné avec tant de vigueur John McClane dans les Die Hard, s’est visiblement lassé. Pas au point de ne plus jouer du tout ou beaucoup (car il y a des factures à payer), ce qui, avec le recul, aurait été préférable, mais au point d’accepter n’importe quoi et de s’enfoncer dans une routine de plus en plus embarrassante. Dès le début des années 2000, Bruce Willis a méchamment commencé à s’en foutre, interprétant toujours plus ou moins le même personnage, dans des films au mieux insignifiants, au pire complètement foirés. Oh bien sûr, de temps en temps, un réalisateur est parvenu à le réveiller et à raviver la flamme qui jadis, avait fait de lui une star incontournable. Mais pour un Looper ou un Moonrise Kingdom, combien de Vice, de Braqueurs ou de The Prince ? Le rapport joue tragiquement contre l’image d’un type devenu l’ombre de lui-même dont le jeu s’est peu à peu limité à deux ou trois expressions. Sur les affiches de ces DTV balancés sur le marché au petit bonheur la chance ou à l’écran, Bruce Willis est devenu aussi monolithique que Steven Seagal, gâchant son talent et son charisme et gâtant son image et sa réputation. Alors quand il fut décidé que ce serait lui qui jouerait le rôle de Paul Kersey, que tenait Charles Bronson, dans le remake d’Un Justicier dans la ville, sous la direction d’Eli Roth, rien ne permettait de savoir si il allait enfin se sortir les doigts. Mine de rien absent du grand écran depuis longtemps (tous ses derniers films sont sortis en vidéo), Bruce Willis est donc de retour (dans les salles, car au fond, il n’est jamais parti. Quoi de plus triste pour un acteur quand le public pense qu’il ne fait plus rien alors qu’en fait si ?). Mais est-ce que ce retour est aussi flamboyant qu’espéré ? A-t-il retrouvé son mojo ? On ne vous cache pas que si Bruce Willis est étrangement plus « présent » que d’habitude dans Death Wish, c’est globalement plus compliqué que ça…
Un bistouri dans la ville
Monument du vigilante movie, qui voyait donc un architecte ancien objecteur de conscience, devenir un redresseur de torts aux méthodes expéditives, Un Justicier dans la ville, de Michael Winner, a marqué les esprits. Un modèle du genre, pour le meilleur et pour le pire, dont les multiples suites, plus ou moins heureuses, n’ont fait qu’ancrer dans l’inconscient collectif la figure d’un anti-héros attaché au second amendement de la Constitution américaine. Une figure sujette à débat, au centre d’un film dont l’un des mérites était de pousser tous les compteurs dans le rouge. Le remake fait-il la même chose ? Pas vraiment et c’est la première mauvaise nouvelle. Car le Death Wish, d’Eli Roth n’arrête pas de se demander si il faut admirer ou condamner ce type qui se fait justice lui-même en tuant les méchants, doublant la police et nettoyant les rues avec son flingue. Le film n’a aucun point de vue. Pire, il préfère ne prendre aucun risque et se dédouane complètement, sortant du débat pour observer de loin les agissements de son personnage principal, alimentant un semblant de questionnement totalement anecdotique, à travers les voix des animateurs radio qui relatent les « exploits » de Paul Kersey, le justicier en question. Connu pour son ton radical, du moins au début de sa carrière, Eli Roth fait ici le timide et ne se mouille pas. Il se limite juste à mettre en scène son histoire, sans lui insuffler les ingrédients et la force nécessaires qui faisaient de l’original une œuvre tout sauf tiède, méchamment burnée et quoi qu’il en soit radicale et effrayante en permanence. Death Wish n’a donc au final rien de dérangeant et il est difficile de ne pas se dire que Roth et Willis auraient été mieux avisés de se contenter d’orchestrer un simple vigilante sans lui coller l’étiquette « Death Wish » et donc se comparer à un classique qui visiblement, les a fait flipper tout au long du processus.
Juge, juré et bourreau
Bien planqué, Eli Roth contourne le caractère potentiellement sensible de son intrigue et se concentre sur la mise en scène. Sans trop forcer non plus, faut pas rêver. Dans la lignée de ses derniers films, Death Wish se montre efficace mais pas trop non plus, sur un plan purement visuel. Étrangement lent au début, probablement pour instaurer une émotion et une dramaturgie qui ont du mal à décoller pour parvenir jusqu’à nous, le film passe ensuite la seconde, tente de se montrer cool en rameutant le Back In Black d’AC/DC, mais propose un spectacle limité par ses propres ambitions, se posant à l’arrivée tel une série B de plus, parcourue de furtives fulgurances gore et de punchlines souvent ratées. Bizarrement désincarné, assurément feignant et tiédasse du début à la fin, Death Wish parvient au moins à ne pas ennuyer, renouant, quand il se montre le plus méritant, avec un cinéma populaire typé années 80. Sans originalité mais sans trop se vautrer non plus. Et Bruce alors ?
Yippee ki-yay… Enfin pas tout à fait
Et bien ce cher Bruce va bien merci pour lui. Pas au point de livrer une performance mémorable, qui fait oublier celle de Charles Bronson, mais suffisamment pour qu’on se dise que le gars qui a un jour roulé à tombeau ouvert dans Central Park avec Samuel L. Jackson est toujours là, quelque part, et qu’il suffit que le projet soit assez stimulant et/ou le réalisateur suffisamment doué pour le sortir de sa torpeur. Pour que celui-ci se bouge un peu. Dans Death Wish, son Paul Kersey est un peu à l’ouest tout du long mais finalement, si on peut toujours lui reprocher de calquer son jeu sur celui de Bronson tout en faisant ses fameuses mimiques, ce détachement ne nuit pas au projet dans sa globalité. De temps en temps, Bruce y va franchement et ça fait plaisir. Pas au point de se lever dans la salle et d’applaudir à tout rompre mais disons que du début à le fin, presque de tous les plans, le Bruce fait le job. Et ce n’est que lorsque ses partenaires Vincent D’Onofrio, Camila Morrone, Elisabeth Shue, ou Dean Norris font preuve d’un engagement plus « flagrant » que le sien, qu’on se dit qu’il a encore du chemin à parcourir pour retrouver toute sa superbe. Mais bon, un soir de semaine, si tant est que l’on ne soit pas trop exigeant et qu’on soit fan de l’acteur, cela peut suffire (après avoir vu Equalizer ou encore Death Sentence, deux vigilante movie récents bien plus valeureux et après vu l’original bien sûr, ainsi que ses suites (ou en tout cas le 2 et le 3)). Espérons maintenant que l’étincelle que l’on voit parfois dans Death Wish explose carrément dans la suite de Split et d’Incassable, que M. Night Shyamalan est en train de mettre en boite à l’heure où ces lignes sont écrites…
En Bref…
Plus tiède que l’original, moins franc du collier, moins violent, réactionnaire et radical aussi, Death Wish 2018 fait plutôt office de remake un peu feignant, traversé d’éclairs gore et de bonnes idées pas toujours exploitées. Une série B très convenue qui manque parfois de saveur, portée par un Bruce Willis un peu plus vif que d’habitude, mais néanmoins toujours empêtré dans des tics devenus ces dernières années l’expression d’un je-m’en-foutisme gênant…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Pictures France