[Critique] DOCTOR SLEEP

CRITIQUES | 31 octobre 2019 | Aucun commentaire
Doctor-Sleep-Poster

Titre original : Doctor Sleep

Rating: ★★★½☆

Origine : États-Unis

Réalisateur : Mike Flanagan

Distribution : Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran, Cliff Curtis, Carl Lumbly, Zahn McClarnon, Emily Alyn Lind, Bruce Greenwood, Alex Essoe…

Genre : Épouvante/Horreur/Adaptation/Suite

Durée : 2h32

Date de sortie : 30 octobre 2019

Le Pitch :

Une quarantaine d’années s’est écoulée depuis que Danny Torrance et sa mère ont échappé à la folie meurtrière de l’Hôtel Overlook. Une tragédie qui n’a pas été sans conséquences sur Danny. Alcoolique, il erre sans but, tentant d’endormir son pouvoir et de repousser les fantômes qui ne cessent de le pourchasser. Un pouvoir qu’il n’est pas le seul à posséder et que d’autres convoitent. C’est ainsi que vit le groupe de la redoutable Rose. Un être malveillant se nourrissant de la force de celles et ceux qui possèdent le shining. Un vampire qui convoite, accompagné des siens, le souffle vital d’Abra, une jeune fille dotée d’un shining particulièrement puissant. Une proie de la laquelle va se rapprocher Danny et qui va l’obliger à faire face à son passé…

La Critique de Doctor Sleep :

Stephen King n’a jamais aimé l’adaptation que Stanley Kubrick a fait de son Shining. C’est ainsi que l’écrivain n’a eu de cesse de critiquer certaines des décisions du maître qui pour sa part, avait choisi de s’écarter du roman pour tracer sa propre voie, allant jusqu’à totalement changer la fin par exemple. Bien des années plus tard, King en a d’ailleurs profité pour produire et écrire sa propre adaptation, pilotée pour la télévision par son ami Mick Garris. Sans grand succès cette fois-ci… King, toujours lui, qui a un jour décidé de s’intéresser au devenir de Danny Torrance, le fils de Jack Torrance, le personnage interprété par Jack Nicholson chez Kubrick. Un enfant doté d’un pouvoir extraordinaire, devenu un adulte torturé obligé d’un jour prendre ses responsabilités vis à vis de ses actes passés et de la tragédie qui a défini son existence… Doctor Sleep est un excellent roman. Un livre d’ailleurs plus triste qu’effrayant. Un drame teinté de fantastique portant sur le poids du passé et sur la nécessité de regarder ses démons dans les yeux, quelque soit la forme qu’ils prennent, pour espérer aller de l’avant. King qui, en écrivant la suite de Shining, n’a jamais dû absolument s’y raccrocher. Pas besoin. Sa séquelle évoluant relativement en marge de Shining, en se focalisant sur Danny, sur sa vie au présent et sur son désir de rédemption. En adaptant Doctor Sleep en revanche, Mike Flanagan a dû se frotter à Shining. Pas au livre ni à l’adaptation TV de King et Mick Garris mais au classique de Kubrick. Pas le choix. Là étant la condition pour parvenir à inscrire son film dans une mythologie immédiatement identifiable par le public et tant pis si cela revenait quelque-part à adouber définitivement la vision de Kubrick au détriment de celle de King, ignorant donc les critiques de ce dernier. King étant probablement lui aussi conscient de cet état de fait.

Tromal

Le défi était donc double pour Flanagan. Le cinéaste devant à la fois se montrer digne du film de Kubrick, un classique absolu de l’horreur, mais aussi coller de près au roman Doctor Sleep de King tout en se l’appropriant suffisamment pour que le résultat final porte aussi sa marque. Nombreux sont les réalisateurs s’étant cassés les dents sur ce genre d’exercice périlleux. Flanagan lui, ne s’en sort pas avec les honneurs mais réussit néanmoins suffisamment de choses pour faire de Doctor Sleep, non pas un classique instantané du même calibre que le chef-d’œuvre de son aîné et modèle, mais un film d’épouvante très honnête, un peu trop alambiqué mais sincère. Doctor Sleep, c’est important, qui porte au final tout autant la marque de King que celle de Kubrick mais aussi celle de Flanagan. Certains passages évoquant la plus belle réussite de ce dernier à savoir la série The Haunting of Hill House.

Back to basics

Cela dit, Flanagan avance sur une corde raide et son équilibre est parfois plus que précaire. En permanence le cul entre deux chaises, il chute à plusieurs reprises. Tout particulièrement quand il se frotte au monument de Kubrick, c’est à dire au début et surtout lors de la dernière partie, probablement la plus risquée mais aussi la moins réussie. Car c’est là que le film tente l’impossible, c’est à dire réconcilier King et Kubrick au sein d’un dénouement à cheval entre les livres, Shining et Doctor Sleep et le film de Kubrick (Stephen King a affirmé avoir apprécié la façon dont Flanagan a « réchauffé » le Kubrick, qu’il a toujours considéré comme trop froid). La volonté est louable mais le résultat est bien trop bancal pour emporter la mise. Doctor Sleep se montrant beaucoup plus méritant et efficace quand il raconte l’histoire de Danny, de la petite Abra et de ces vampires à la recherche du shining.

Doctor-Sleep-Rebecca-Ferguson

Choc des générations

Déchiré entre sa volonté de raconter une nouvelle histoire, centrée sur Danny Torrance et sur les nouveaux personnages, et celle de rendre hommage à Kubrick, auquel il revient sans cesse, sans contrarier Stephen King, Flanagan sacrifie inexplicablement des aspects du livre qui auraient apporté plus de profondeur au récit mais aussi nourri l’émotion qui devrait s’en dégager. Émotion faisant plus qu’à son tour défaut au long-métrage, même si celui-ci n’en est pas dénué non plus. Le rôle que joue par exemple Danny au sein de l’hôpital dans lequel il travaille, où il écope d’ailleurs de son surnom de Dr Sleep, est ici trop survolé et tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. À la place, Flanagan se dépêche d’amener son histoire dans l’Overlook pour singer son maître. Tout y passe : les jumelles, Lloyd le barman, les flots de sang dans l’ascenseur… Si la reconstitution du fameux hôtel est superbe (mais pas aussi percutante que dans Ready Player One) et qu’on remarque un véritable soin apporté aux détails, que ce soit au niveau des décors ou de la ressemblance des acteurs embauchés pour camper les personnages du premier film, tout ceci paraît souvent un peu vain. Le dénouement, celui qui concerne vraiment l’histoire de Doctor Sleep aurait pu être tout aussi marquant, voire davantage, dans un autre lieu. Un peu comme dans le livre, qui n’avait pas recours à cette facilité. L’admiration que Flanagan éprouve pour Kubrick prend donc le dessus et c’est dommage car tout le reste en pâtit. Le respect est là mais l’hommage tourne en rond.

« Tu aimes les glaces Canard ? »

Malgré tout, Doctor Sleep s’avère intéressant. Passionnant dans ses meilleurs moments et plutôt intense également. S’il prouve ici qu’il a encore un peu de chemin à faire pour espérer se mesurer aux pointures du genre, Flanagan fait toujours montre d’un talent certain pour instaurer des ambiances et pour diriger ses acteurs. Dans le premier rôle, Ewan McGregor est ainsi parfait de bout en bout. C’est d’ailleurs lui qui est le garant de l’émotion. En face, Rebecca Ferguson est absolument magnifique et charismatique mais son personnage n’est pas aussi solide qu’espéré. Même si au fond, ça s’arrange au fil des minutes. Une antagoniste ayant du mal à trouver ses marques dans un film un peu foutraque mais animé des meilleures intentions, qui se refuse quoi qu’il en soit à avoir recours à des ressorts trop usés pour susciter la peur chez les spectateurs. C’est plutôt louable. Pas de gros jump scares par exemple mais plutôt une volonté de mettre mal à l’aise. Et si Doctor Sleep n’arrive jamais à totalement donner du corps à ses ambitions, il se montre parfois suffisamment lyrique, jusqu’au-boutiste et valeureux pour toucher au but à quelques reprises. Comme quand il oublie Shining et se concentre sur lui-même…

En Bref…

Doctor Sleep n’est bien sûr pas du niveau de Shining, auquel il se réfère sans arrêt, sans parvenir à totalement raccrocher les wagons. Ce rapprochement ne faisant au final que mettre un peu en exergue les défauts du film de Flanagan. Mais le respect est là et quand il décide de vraiment se concentrer sur son histoire, Doctor Sleep offre de beaux moments. Sans céder à de trop grosses facilités scénaristiques, il se montre valeureux et généreux. Un film intéressant mais maladroit, sauvé par sa sincérité et l’application de son metteur en scène.

@ Gilles Rolland

Doctor-Sleep-Ewan-Mcgregor
Crédits photos : Warner Bros. France
Par Gilles Rolland le 31 octobre 2019

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