[Critique] THE HAUNTING OF HILL HOUSE – Saison 1

SÉRIES | 22 octobre 2018 | Aucun commentaire
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Titre original : The Haunting of Hill House

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Créateur : Mike Flanagan
Réalisateur : Mike Flanagan
Distribution : Carla Gugino, Michiel Huisman, Elizabeth Reaser, Kate Siegel, Oliver Jackson-Cohen, Timothy Hutton, Henry Thomas, Violet McGraw, Julian Hilliard, Mckenna Grace, Lulu Wilson, Paxton Singleton, Levy Tran, Annabeth Gish, Samantha Sloyan, Anthony Ruivivar, Robert Longstreet…
Genre : Épouvante/Horreur/Drame/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Olivia et Hugh Crain et leurs 5 enfants emménagent dans la superbe Hill House, une demeure gothique perchée sur sa colline et entourée de verdure. Leur but étant de profiter de l’été pour retaper la maison et ensuite la revendre. Néanmoins, rapidement, la maison en question se révèle plutôt mystérieuse. Les événements surnaturels se multiplient jusqu’au jour où une tragédie précipite la famille dans l’abîme. Des années plus tard, les enfants Crain, alors devenus adultes, sont forcés de refaire face à ces démons qui au fond, n’ont jamais cessé d’influencer leur existence…

La Critique de la saison 1 de The Haunting of Hill House :

La montée en puissance du réalisateur Mike Flanagan est impressionnante. Vraiment remarqué, chez nous du moins, avec The Mirror, un film d’épouvante assez efficace mais aussi un peu bancal, Flanagan est revenu 3 ans plus tard avec Pas un bruit et a prouvé qu’il savait s’y prendre pour bâtir de solides ambiances. La même année, en 2016, Ne t’endors pas a quant à lui illustré la capacité du réalisateur à ne pas uniquement jouer sur les effets faciles pour instaurer une certaine poésie et tenter de proposer des idées plus novatrices. Avec Ouija : les origines, la suite du calamiteux Ouija, Mike Flanagan est franchement devenu intéressant. Solide, inventif et vraiment flippant par moment, son film n’a pas vraiment fait date mais il a su se faire remarquer. Tout comme Jessie d’ailleurs, soit l’adaptation de l’un des romans les plus difficilement « adaptables » de Stephen King. Un long-métrage troublant, qui organisait un cauchemar construit comme la superposition de thématiques, entre réel et imaginaire, et qui s’est avéré non seulement maîtrisé sur la forme et le fond mais aussi parfaitement marquant. Puis Flanagan est revenu vers la télévision, pour adapter de manière très libre le best-seller de Shirley Jackson, The Haunting of Hill House (Maison hantée en français), au format série, sous la bannière Netflix. Une série anthologique (pour le moment) incroyable en tous points, qui apporte la plus flamboyante preuve du talent de son géniteur, alors que celui-ci planche sur Doctor Sleep, la suite de Shining, toujours d’après Stephen King…

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Esprits frappeurs

Ce n’est pas la première fois que le roman de Shirley Jackson fait l’objet d’une adaptation. Déjà en 1963, Robert Wise collait de près au récit avec une flamboyance qui fait toujours aujourd’hui figure d’exemple dans le genre. Un film, La Maison du diable, en forme de modèle absolu. En 1999, c’est Jan De Bont qui nous infligea Hantise, une sorte de boursouflure non seulement assez ridicule mais également aussi effrayante qu’un épisode de Dora l’exploratrice. Flanagan pour sa part, n’a pas choisi de coller de près à l’histoire imaginée par Shirley Jackson. Bien au contraire. Il a préféré prendre un gros risque. Plusieurs à vrai dire. Remanier l’histoire pour à l’arrivée mettre de côté le postulat à la base du bouquin afin de se concentrer sur le récit d’une famille confrontée à la fameuse maison hantée sur sa colline. Ici, point de chercheur qui convie des sujets dans la maison pour faire une expérience, mais des gens amenés à se faire malmener, physiquement et psychologiquement, par une somme d’entités spectrales. Et si The Haunting of Hill House est aussi réussie, c’est donc en partie parce que Mike Flanagan n’a pas joué la facilité. Non seulement il est parvenu à changer de manière assez brutale les fondements de l’histoire à la base du livre et des précédentes adaptations, mais il l’a fait de manière à justifier le format série.

Insondable tristesse

La force de The Haunting of Hill House réside principalement dans sa capacité à imposer au spectateur une peur sourde et pure, tout en mettant l’accent sur les personnages afin de favoriser l’éclosion d’une émotion qui, à la fin, au terme du dixième épisode, explose littéralement et laisse K.O. La mécanique du show ne consiste pas en une simple enfilade de jump scares faciles ou encore à une suite de scénettes vaguement choquantes avec moult spectres et autres apparitions fantomatiques. Flanagan a certes changé la structure narrative du livre mais ce qu’il n’a pas changé, c’est le rôle prédominant des protagonistes. Des personnages soumis à une série d’épreuves d’où naît la peur. Ici, l’effroi joue le rôle de révélateur. La peur n’est pas une fin en soi. C’est simplement un des moyens d’expression de l’œuvre, qui va bien plus loin. Car The Haunting of Hill House est presque avant tout un drame qu’une série épouvante, même si les deux aspects sont intimement liés, renvoyant aux plus fameuses réussites cinématographiques du genre, La Maison du diable, Rosemary’s Baby, L’enfant du diable ou L’Exorciste en tête. Rajoutons à cela que la construction de l’histoire lui permet de ménager ses effets en réservant son lot de surprises, avec à chaque épisode quelques scènes vraiment tétanisantes qui, chacune à leur tour, font avancer les choses vers leur dénouement. Extrêmement bien écrite, la série de Mike Flanagan ne tombe jamais dans l’excès, que ce soit d’un point de vue horrifique ou dramatique. Personne n’en fait des caisses. Le récit s’avère très fluide, tout en faisant preuve de suffisamment d’audace et de pertinence pour toucher en plein cœur de bien des façons.

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Splendeur gothique

Parfaitement interprétée par une équipe d’acteurs magnifiquement dirigés, The Haunting of Hill House jouit de la sensitivité de Flanagan ,qui réalise tous les épisodes. Un casting très bien constitué, qui compte dans ses rangs des visages connus, comme les prodiges Lulu Wilson (Ouija 2) et Mckenna Grace (Mary, Moi, Tonya), ou encore la prodigieuse (dans tous les sens du terme) Carla Gugino, Kate Siegel (déjà dans Pas un bruit) ou encore Michiel Huisman (Game of Thrones), Timothy Hutton (La Part des Ténèbres) et Elizabeth Reaser (Young Adult). Tous sont impeccables. Dans l’émotion pure, chacun à sa place, propulsé par une dynamique de groupe qui ne laisse personne de côté et par un scénario jouant sur plusieurs niveaux, jonglant entre les temporalités pour mieux créer un chaos parfaitement contrôlé au diapason avec les intentions initiales du projet.
Si la série est aussi émouvante, touchante et tétanisante, c’est justement parce qu’elle reste proche de ses personnages. Rien n’arrive sans raison. Et c’est aussi pour cela que le travail des acteurs est vraiment à souligner, eux qui sont les premiers « effets-spéciaux » de cette fresque gothique qui peut par ailleurs aussi compter sur un personnage de choix, à savoir la maison hantée en elle-même, ce bâtiment ô combien impressionnant et intimidant.

Monster House

La maison, la fameuse Hill House, donne la tonalité. La maison et ses occupants, qu’ils soient faits de chair et de sang ou non d’ailleurs. C’est autour de cette spectaculaire construction que tourne toute l’histoire. Une sorte de monde sous cloche déconnecté du réel. Une dimension à part où tout est possible, y compris le pire. Là où la poésie se fait macabre et où rien ne doit être pris pour acquis, si ce n’est cette peur qu’inspirent les créatures et les murmures parcourant les murs la nuit. Une maison soignée par Flanagan et son équipe. Vraiment magnifique, parfaitement calibrée pour permettre à l’histoire de s’épanouir, elle constitue un décors de choix. Un décors qui, comme dit plus haut, donne le ton. De la photographie tout d’abord, sublime, et de la mise en scène. Flanagan montant carrément en puissance, comme le prouvent les authentiques fulgurances qui ponctuent ces 10 épisodes. On pense notamment au sixième, avec cette succession de plans-séquences parfaitement symptomatiques d’une ambition manifeste. Et toujours sans tomber dans l’excès. La virtuosité du show est discrète mais bien réelle. Dans la réalisation de Flanagan, la sensibilité des comédiens, la musique, omniprésente et pénétrante, et dans ce lyrisme propre aux meilleures œuvres du cinéma d’épouvante. Rien ne vient altérer ou ralentir la bonne marche du récit. Rien ne vient gâcher le plaisir. Pas de sursaut de trop ou de choix hasardeux. La cohérence est totale. La mélancolie gagne peu à peu la série, qui, tout en embrassant complètement sa condition horrifique, aborde des questions relatives à la parentalité, au deuil et à l’amour. The Haunting of Hill House qui parle aussi de résilience et de l’enfance. Du couple et de ses enjeux et de ce monde, parfois hostile et effrayant. Bien plus finalement que ces spectres omniprésents dont les interventions et la peur qui en découle font écho à des craintes peut-être plus terre-à-terre. Une série en forme de prouesse totale, non seulement immersive au possible mais aussi d’une beauté à couper le souffle.

En Bref…
Cette adaptation très libre du roman de Shirley Jackson est une réussite totale. The Haunting of Hill House est bien davantage qu’une simple série horrifique. C’est une lente mélopée. Un poème macabre parcouru d’éclairs de lumière, qui effraie autant qu’il émeut. Une tragédie familiale surnaturelle, sublimée par la démarche respectueuse et pourtant ambitieuse de son créateur et par un casting admirable. À classer d’emblée parmi les chefs-d’œuvre du genre, cinéma et télévision confondus.

@ Gilles Rolland

The-Haunting-of-hill-house-s1   Crédits photos : Netflix

Par Gilles Rolland le 22 octobre 2018

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