[Critique] READY PLAYER ONE
Titre original : Ready Player One
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Tye Sheridan, Olivia Cooke, Ben Mendelsohn, Lena Waithe, Mark Rylance, Simon Pegg, T.J. Miller, Hannah John-Kamen…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 28 mars 2018
Le Pitch :
2045. Alors que le monde a abandonné tout espoir quand à un avenir meilleur, les êtres humains se réfugient dans l’Oasis, un univers virtuel mis au point par James Halliday, un génie de l’informatique des plus mystérieux. Un homme qui est mort il y a 5 ans, après avoir caché dans son jeu un easter egg qui permettra au joueur qui s’en empare d’hériter de sa colossale fortune et de prendre le contrôle de l’Oasis. Wade, un de ces joueurs, entretient depuis la disparition d’Halliday, l’espoir de devenir celui qui trouvera la clé de l’énigme lui permettant de mettre la main sur le précieux artefact. Un objet également convoité par une multi-nationale animée des plus noirs desseins…
La Critique de Ready Player One :
Ready Player One débarque dans les salles obscures quelques semaines après l’admirable Pentagon Papers. Steven Spielberg, fidèle à ses habitudes, livre ainsi coup sur coup deux longs-métrages aussi différents que finalement complémentaires. Deux chefs-d’œuvre qui, comme d’autres morceaux de bravoure de sa monumentale filmographie avant eux, traduisent le génie d’un cinéaste résistant, tout entier dédié à son art, toujours aussi généreux avec son public. Un réalisateur ici en très grande forme, à la tête d’un film en tous points hallucinant…
Que la partie commence…
Adaptation du roman éponyme d’Ernest Cline, Ready Player One ne pouvait pas trouver meilleur metteur en scène que Steven Spielberg pour exister au cinéma avec la même flamboyance qu’en librairie. Le livre qui semblait de toute façon destiné à devenir un jour un film, tant l’univers qu’il parvient à installer avec force, contient tout ce qui caractérise une certaine pop culture, riche en références aujourd’hui citées telles des marqueurs ultimes dans la construction d’un imaginaire collectif que le romancier et Spielberg partagent avec toutes celles et ceux dont les rêves sont peuplés de ces personnages ou encore de ces chansons que beaucoup s’efforcent de vouloir reproduire depuis la fin d’un âge d’or à cheval entre les années 80 et 90.
C’est d’ailleurs ainsi qu’on parle de Ready Player One depuis son annonce : comme un film ultra généreux en références diverses et variées. Pourtant, Ready Player One est bien plus que cela. Et c’était prévisible tant Spielberg ne pouvait pas se contenter de livrer une œuvre compilation, histoire de titiller la fibre nostalgique d’un public désireux de se replonger à la moindre occasion dans un passé sans cesse glorifié et parfois totalement incompris. Non car bien sûr, Spielberg a largement contribué à cet imaginaire collectif. Depuis son premier « gros » film, à savoir Les Dents de la Mer, et même si il a régulièrement fait des incursions dans des registres plus « sobres », le réalisateur américain a construit, à la mise en scène ou à la production, en compagnie de cinéastes comme Robert Zemeckis et Joe Dante, tout un univers dont les personnages et plus globalement les saveurs se retrouvent dans Ready Player One. Profitant de la totale compréhension d’Ernest Cline, ainsi que de son respect manifeste pour tout le travail accompli par les maîtres de l’entertainment intelligent dans les années 80/90, Spielberg a saisi le parfait prétexte pour orchestrer une folle mise en image libérée de toutes contraintes et surtout encline à ne jamais se reposer sur les dites-références pour aller sans cesse de l’avant.
Retour vers le futur de la pop culture
Il semble impossible de saisir toutes les références qui se croisent et s’entrecroisent dans Ready Player One à la première vision. Elles sont trop nombreuses et le sens du détail dont Spielberg et ses scénaristes ont fait preuve est beaucoup trop grand pour cela. On croise tout aussi bien Batman et Jason Voorhees, Chucky et Freddy, King Kong et Goro de Mortal Kombat. Il est question de A-Ha, de John Hughes et des Gremlins, mais aussi de Retour vers le Futur et d’Akira. Spielberg rend hommage à la culture pop japonaise, au monde du jeu-vidéo et au heavy metal des années 80. Les frontières entre les mondes et les disciplines sont abolies pour permettre à toutes ces références, parfois hyper subtiles, parfois plus voyantes, de participer à la construction d’un univers au final totalement original car, encore une fois, jamais replié sur lui-même et sur la somme de ses éléments. Le tout sans que Spielberg se cite directement. Et ça, franchement, ça force l’admiration. Patron de ce cinéma-là, qui est célébré par les héros du long-métrage, Spielberg se met volontairement en retrait pour mieux appréhender des sentiments, des couleurs et des textures. Foisonnant, Ready Player One est en cela son œuvre la plus dense d’un point de vue purement esthétique. Bien sûr, plusieurs visionnages sont recommandés pour en saisir la complexité et apprécier à sa juste valeur le boulot accompli, aussi bien par les scénaristes, par le réalisateur et par les spécialistes du département des effets-spéciaux. Parce que rien n’est totalement gratuit dans cette aventure gargantuesque. Rien n’est vain. Certes, quelques designs de créatures « originales » ne sont pas toujours de très bon goût mais ce n’est pas très important tant tout ceci va très vite. Toujours très lisible, riche en plans de fou furieux, Ready Player One constitue une nouvelle preuve du talent d’un artiste qui ici, réalise un authentique tour de force.
Capable de donner aux fans exactement ce qu’ils attendent mais aussi de nous prendre à revers, notamment au travers d’une longue séquence en forme d’hommage vibrant à un de ses mentors (on a rarement vu un truc pareil sur un écran de cinéma, il faut le savoir), Spielberg fait ce qu’il veut, ne s’arrête jamais, pense tout autant au pur spectacle qu’aux interactions entre des personnages parfaitement croqués et interprétés par des acteurs magnifiquement dirigés (Tye Sheridan, Olivia Cooke et Lena Waithe sont excellents, tout comme le parfait méchant Ben Mendelsohn ou encore le touchant Mark Rylance).
Virtuel vs. Réel
Avec Ready Player One, en bon vétéran d’un cinéma auquel il a largement participé à donner ses lettres de noblesse, Spielberg prouve à quel point il sait s’adapter pour évoluer et sans cesse se poser comme la référence ultime. La cerise sur le gâteau, c’est qu’il le fait sans faire preuve d’une once de cynisme, contrairement à certains de ses fans, qui aveuglés par leur omnipotence autoproclamée, interprètent mal ses intentions et passent à côté de son discours. C’est alors que son nouveau chef-d’œuvre parvient à raconter une histoire prenante, souvent émouvante, qui prend aux tripes et à la gorge, avec humour, parfois plus de gravité, mais sans se départir d’une passion dévorante pour son sujet et d’un profond respect pour le public. Le tout en prônant une prise de recul avec bienveillance. Envers la technologie, qui, comme il le souligne sans jouer aux donneurs de leçons (contrairement à certains de ses admirateurs là encore), éloigne parfois autant qu’elle donne l’impression de rapprocher les hommes. À l’heure où les adolescents (et les autres) vivent le nez vissé à leur smartphone, de la réalité augmentée, des phénomènes de mode aussi éphémères qu’anecdotiques et du tout numérique, Ready Player One rappelle qu’au final, tout n’est qu’une question d’intention. La technologie est ce que l’on en fait et sert au mieux celui qui va savoir s’en servir, avec raison, passion peut-être, mais aussi avec du recul. Et c’est là que l’expérience du cinéaste parle également : quand il met le virtuel en opposition avec une réalité peu reluisante, Spielberg entrevoit une sortie de secours et ainsi une solution pour favoriser les rapprochements. L’occasion de nous proposer, entre deux passages complètement dingues de virtuosité, l’une des plus touchantes histoires d’amour vues au cinéma ces dernières années, mais aussi une belle ode à l’amitié, à la collaboration, à la confiance et au respect de soi et des autres.
Jamais nostalgique pour être nostalgique, plus critique qu’il n’en a l’air de prime abord, clairvoyant et spectaculaire au possible, Ready Player One est d’une densité incroyable. C’est aussi ce qui fait son charme. Mais pas seulement, vous l’aurez compris…
En Bref…
Ready Player One est le blockbuster le plus dingue vu depuis des lustres. Un film visuellement ahurissant, virtuose, galvanisant au possible, rythmé à la perfection, intelligent, fonceur et sensible, gorgé de références savoureuses sur lesquelles il se paye le luxe de ne pas reposer, surprenant et émouvant. Et c’est aussi parce qu’il ne recherche pas la perfection, prend des risques plus ou moins payants et sait ne jamais être tiède, qu’il s’impose comme le divertissement ultime, capable de fédérer sans y sacrifier son originalité et son audace.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros. France
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La grande Classe, je veux le voir!!!!!