[Critique] DON’T BREATHE – LA MAISON DES TÉNÈBRES

CRITIQUES | 5 octobre 2016 | 2 commentaires
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Titre original : Don’t Breathe

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisateur : Fede Alvarez
Distribution : Jane Levy, Stephen Lang, Dylan Minnette, Daniel Zovatto…
Genre : Horreur/Épouvante/Thriller
Date de sortie : 5 octobre 2016

Le Pitch :
Rocky, Alex et Money désirent à tout prix quitter Detroit et ses friches industrielles. Ils décident pour se faire de commettre quelques cambriolages dans les quartiers aisés, mais ont du mal à réunir la somme nécessaire à un nouveau départ. Ils entendent alors parler d’un homme aveugle vivant reclus depuis la mort accidentelle de sa fille. Un vétéran qui garde chez lui une grosse somme d’argent en liquide, mais qui n’a rien d’une victime sans défense, comme ils ne vont pas tarder à le découvrir…

La Critique :
Le premier film de Fede Alvarez lui a attiré des foudres totalement injustifiées, au point de suggérer on ne sait pas trop pourquoi à certains, qu’il n’était qu’un opportuniste de plus. Un réalisateur aux commandes du remake d’Evil Dead, chapeauté par Sam Raimi lui-même, qui a pourtant livré un long-métrage d’une violence inouïe, non seulement respectueux de l’original, mais aussi marqué par son impressionnante maîtrise, par son caractère jusqu’au-boutiste et par sa propension à s’approprier une histoire qu’il a fait sienne sans la dénaturer. Au final, Fede Alvarez nous a offert l’un des meilleurs remakes jamais réalisés (oui, n’ayons pas peur des mots), tout en mettant un grand coup de pompe dans la fourmilière d’un genre trop souvent sclérosé par des produits insipides.
C’est donc avec impatience que nous attendions sa nouvelle livraison, écrite avec son camarade Rodolfo Sayagues et à nouveau produite par Sam Raimi (mais aussi Robert G. Tapert, lui aussi en poste sur le premier Evil Dead). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Fede confirme tout le bien que nous pensions déjà de lui.

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Bienvenue à Detroit ! Ancienne capitale américaine de l’industrie automobile, la ville n’en finit plus d’essayer de se relever après s’être pris la crise de plein fouet. À la manière de It Follows, Don’t Breathe prend pied dans les friches de cette cité oubliée de l’Oncle Sam, dont certains quartiers, autrefois habités, ressemblent désormais à des no man’s lands, dont les maisons délabrées font office de mélancoliques vestiges d’une époque révolue. Les personnages du film sont justement issus de ce Detroit là. Rocky en particulier, qui est incarnée par Jane Levy (déjà dans Evil Dead), dont les aspirations consistent à quitter absolument cet endroit pour recommencer une nouvelle vie en Californie. Des jeunes sans boulot et sans perspectives, lancés dans une série de cambriolages peu audacieux, qui, dans un excès de zèle, vont justement tomber sur un os.
Le script d’Alvarez et de Sayagues exploite à fond son environnement. La maison où vit le vieil aveugle qui va se confronter aux trois jeunes est la seule qui n’a pas été désertée. L’action de Don’t Breathe se passe dans une banlieue mais on comprend très vite que tout pourrait tout aussi bien prendre place en rase campagne, là où « personne ne vous entend crier ». La métaphore est la même que dans It Follows, à ceci prêt qu’ici, c’est la mauvaise influence de circonstances bien spéciales qui forge les motivations des protagonistes. Il n’y a rien de surnaturel, mais la réflexion sur la crise économique et la mutation qui en découlent est bien présente. C’est brutal et sans concession, comme Fede Alvarez sait si bien le faire.
À la manière des grands noms de l’épouvante, Alvarez a bien compris que l’horreur, même si elle s’envisageait frontale et graphique, avait un impact plus prononcé si elle servait des idées sous-jacentes en lien avec son temps. C’était le cas avec Evil Dead et c’est encore plus vrai ici, avec ce thriller étonnant.

Don’t Breathe se démarque frontalement de la grande majorité des productions du genre sorties ces dernières années. On remarque avec un plaisir non dissimulé que ce qu’on avait décelé chez Alvarez dans Evil Dead, à savoir son caractère frondeur, sa conscience aiguë de l’espace et sa façon de nous surprendre sans avoir recours à de vieux artifices en carton, est toujours d’actualité entre les murs de cette baraque lugubre. En deux films seulement, Alvarez s’est imposé comme l’un des nouveaux maîtres de l’horreur. Un type capable de vous saisir à la gorge 1h30 durant, qui prend un malin plaisir à accentuer son étreinte sans céder à la facilité. Don’t Breathe ne cherche pas l’originalité mais l’efficacité. Il s’agit ni plus ni moins d’un imparable jeu du chat et de la souris où les rôles s’inversent. L’arroseur arrosé qui finit par en prendre plein la poire au cours d’une course poursuite dans un espace exigu en forme de labyrinthe.
Alvarez transforme la maison du vieil aveugle en dédale mortel. L’obscurité partielle est exploité à merveille, les plans audacieux s’enchaînent, on a droit à du plan-séquence virtuose (on pense au Panic Room de David Fincher) et rien ne semble être là par hasard. Le sens du détail fait mouche, la rythmique aussi et la violence se met au diapason, jusqu’à atteindre un stade rarement vu sur un écran de cinéma au XXIème siècle. Car Don’t Breathe sait aussi se faire glauque. Sans prévenir il prend une direction risquée, qu’il assume et maîtrise.

Les clichés que l’on peut trouver sur notre chemin n’en sont plus vraiment tant ils s’intègrent à la progression du récit. Le film ne perd pas de temps en digressions inutiles. Droit dans ses bottes, le réalisateur en vient aux faits rapidement et ne cherche pas à meubler inutilement ou à noyer le poisson, via de petits détails obsolètes. L’humour est absent de l’équation et les personnages ne sont jamais réduits à de simples lieux communs. Pas les quatre principaux en tout cas. Tout particulièrement Jane Levy, la muse d’Alvarez, encore une fois parfaite dans une composition viscérale au possible, et Stephen Lang, l’ex-méchant d’Avatar, ici impeccablement bien exploité par un cinéaste qui sait utiliser à bon escient la présence de ce comédien de 65 ans physiquement imposant.
Il y a dans ce long-métrage très pesant et superbement palpitant, une tension permanente. On sait dès le début qu’on n’est pas là pour rigoler. L’aspect potache et grivois que peuvent prendre les films d’horreur, juste histoire de diluer leur violence et de flatter une large audience, est laissé au vestiaire au profit d’un esprit davantage tourné vers une démarche hardcore. Même si au fond, Don’t Breathe n’en rajoute pas des couches et sait trouver un bon équilibre pour toucher au vif.

En Bref…
Deuxième coup de maître pour Fede Alvarez qui nous offre un thriller horrifique hyper immersif et brutal, où les bonnes idées s’enchaînent. En résulte une traque en vase clos parfaitement calibrée, haletante et effrayante, qui soigne à la fois le fond, grâce à sa réflexion bien sentie sur une certaine Amérique toujours sinistrée, et la forme, avec une succession de scènes fortes où le sens de la mise en scène du réalisateur nous explose en pleine face.

@ Gilles Rolland

Dont-Breathe-Jane-Levy  Crédits photos : Sony Pictures Releasing France

Par Gilles Rolland le 5 octobre 2016

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[…] le pitch de Don’t Breathe 2 vous évoque celui de Don’t Breathe c’est normal. C’est un peu la marque de fabrique de la saga : il faut que des types, […]

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[…] la manière de Don’t Breathe, qui se déroulait aussi dans une baraque sinistrée au sein d’un quartier délabré de […]