[Critique] GODS OF EGYPT

CRITIQUES | 6 avril 2016 | Aucun commentaire
Gods-of-Egypt-poster

Titre original : Gods of Egypt

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Alex Proyas
Distribution : Nikolaj Coster-Waldau, Gerard Butler, Brenton Thwaites, Geoffrey Rush, Elodie Yung, Courtney Eaton, Chadwick Boseman, Rufus Sewell…
Genre : Fantastique/Aventure/Action
Date de sortie : 6 avril 2016

Le Pitch :
Il fut un temps où les Dieux vivaient parmi les humains, en Égypte, dans une paix ancestrale entretenue par un Roi bienveillant. Un souverain qui s’apprête d’ailleurs à céder la couronne à son fils, le charismatique Horus. Ce que Seth, le frère du Roi et Dieu du désert, voit d’un très mauvais œil, lui qui désire prendre le contrôle du Royaume. Rapidement, une lutte s’engage entre l’héritier et son oncle. Un combat que Seth domine sans mal. Mais c’était sans compter sur la précieuse aide que Horus va recevoir d’un mortel. Un brave voleur intrépide qui va l’aider dans sa reconquête du trône…

La Critique :
Gods of Egypt est un film étrange. Non… Pas étrange. Complètement fou. Le genre qui amène à se demander si ce qu’on vient de voir tient du génie ou de la bêtise la plus crasse. Car si Alex Proyas nous avait déjà bien régalé avec ses petits lapins blancs sous fond d’apocalypse avec son Prédictions, force est de reconnaître qu’ici, il a mis les bouchées triple niveau grand n’importe quoi. 7 ans après son dernier film, Gods of Egypt confirme que le type qui un jour a réalisé The Crow et Dark City est loin. Très haut dans la stratosphère, dans les étoiles, perché comme c’est pas permis, Proyas a décidé de pousser tous les compteurs dans le rouge. Loin de la leçon d’histoire, Gods of Egypt abandonne toutes velléités réalistes ou historiques et verse dans le divertissement « no limit ». Hardcore même. Oui, nous en sommes là. Sa dernière livraison réussit un exploit que peu peuvent se targuer d’avoir accompli. Il déconcerte, se ballade dans les tréfonds de la nullité, s’avère souvent bas du front, emprunte à la fois au Choc des Titans et aux Chevaliers des Zodiaques et à Dragon Ball Z, et capture au final une sorte d’universalité cradingue qui fait de lui un objet filmique non identifié aussi crétin que jubilatoire. Tentative d’explication…

On sait que pour ce qui est de tenir une caméra, Alex Proyas n’est pas le plus incompétent. Ici, il a tout mis. Armé d’un budget conséquent, il a aussi, et c’est important, profité d’un scénario con comme c’est pas permis, écrit par les deux gus déjà responsables des affligeants Dracula Untold et Le Dernier Chasseur de Sorcières. Un script débile mais qui, contrairement à ceux de leurs deux purges précédentes, n’a jamais peur d’y aller franchement et d’exploiter toutes ses idées foireuses. Manifestement, les mecs ont vidé l’armoire à pharmacie avant de se mettre au turbin et ça se voit. L’histoire de ces dieux égyptiens et de ces humains soumis (ou pas), n’a rien ne de raisonnable. Gods of Egypt raconte certes une histoire classique, mais le fait sans se soucier du bon goût ou d’une quelconque notion de limite. Il y va et peu importe si il fait faire intervenir des serpents géants, un gros nuage avec des dents ou des mecs qui peuvent se transformer en géants en armures dotés d’une tronche de cheval, le scénario assume. Plus que Transformers ou que tous les gros blockbusters pixélisés vus de récente mémoire, Gods of Egypt avance bille en tête en suivant un récit bourrin, qui repousse sans arrêt toutes les limites. On a droit à un véritable et complètement dément festival de rebondissements foireux et de répliques tellement absurdes qu’elles en deviennent hilarantes. Quand on pense que l’histoire ne pourra pas être plus à la ramasse, elle nous surprend et trouve un truc pour nous prouver qu’en effet, elle peut aller plus loin…

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Alors forcément, comme souligné plus haut, avec un tel scénario en main, Alex Proyas s’est senti pousser des ailes. Au sens propre (qui verra comprendra). Il saisit la balle au bond et fait de son long-métrage un festin numérique aussi écœurant qu’étrangement fascinant. Kaléidoscope gerbant de couleurs mal assorties, Gods of Egypt, sur un plan visuel aussi, va très loin et ressemble à l’arrivée à une de ces œuvres d’art contemporain au sujet desquelles on se demande si on affaire à un truc absolument sidérant ou à la pire croûte qu’on ait vu de notre vie. Il y a des choses dans ce film qu’on n’aurait jamais pensé possibles et finalement, le trailer, déjà pas piqué des vers, n’en montre qu’une infime partie. Les dieux par exemple, notamment incarnés par Gérard Butler et Nikolaj Coster-Waldau sont plus grands que les humains. À l’écran, c’est ridicule. Ce n’est pas du sang qui coule dans leurs veines mais de l’or. Et quand il se vide, à l’écran toujours, le résultat est dément. Les dieux peuvent aussi se transformer à loisir. Et quand c’est le cas, avec leurs armures brillantes, le film se transforme en cinématique Playstation. C’est fou. Les décors aussi sont clinquants. Gods of Egypt est une gigantesque boule à facettes. Tout est excessif. Proyas fait virevolter sa caméra, il multiplie les plans de fou-furieux, donne la nausée, la migraine, appuie sur l’accélérateur pendant 2 heures, se prend plusieurs murs en pleine face, mais reste debout. Face à Marvel, et plus globalement à tous les films à effets-spéciaux modernes, Gods of Egypt met en avant une outrance hardcore qui peut finalement faire office d’acte de rébellion ultime face aux dictas de l’industrie cinématographique à destination des masses. Vous vouliez du pop-corn ? Alex Proyas le recouvre de beurre, le fait frire, et vous le balance en plein poire, bien brûlant, avant d’arroser le tout d’une large dose de coca bien sucrée et bien glacé. À côté, Batman v Superman passerait presque pour un modèle de sobriété. Pour un film indépendant timide aux aspirations intellectuelles poussées.

Les acteurs, au beau milieu de ce cirque tapageur, s’amusent comme des petits fous. Gerard Butler en premier lieu, qui s’est récemment spécialisé dans ce genre de trucs. Plus gueulard que dans 300, plus taquin que dans La Chute de la Maison Blanche et sa suite, il incarne un Dieu complètement taré. Massif, buriné, il ressemble autant à un égyptien qu’un chien ressemble à un ours. Ici, il redéfinie l’expression « en faire des caisses » et embrasse avec une générosité et une folie insaisissables un rôle qui lui offre la possibilité d’accomplir des choses parfaitement crétines et ô combien spectaculaires. En face, Nikolaj Coster-Waldau, le Jaime Lannister de Game of Thrones, tente de se mettre au pli et profite de punchlines dignes des productions Cannon des années 80 pour incarner un héros gentiment aux fraises, parfaitement raccord avec les intentions de l’ensemble. Et comme nous sommes en face d’un blockbuster joyeusement conscient de la nécessité d’enfiler tous les clichés possibles pour aller au bout de son cahier des charges, on trouve aussi des actrices légèrement vêtues. En cela, la française Élodie Yung, alias Elektra dans la saison 2 de Daredevil, se joue elle aussi des codes qui régissent son personnage. À l’image du reste du casting, elle ne retient pas ses coups, y va à fond les ballons, s’avère aussi sexy qu’on peut l’être, et surfe avec une auto-dérision indispensable et parfaitement pilotée, sur une histoire qui lui réserve des scènes pas piquées des vers. Mention également à Geoffrey Rush, qui a droit au rôle le plus foireux de tous. Son je-m’en-foutisme est magique. Son génie doit être souligné. Mis en évidence et célébré. Ni plus ni moins.

Le ridicule ne tue pas. Gods of Egypt l’a pigé. Tous ses comédiens aussi. Si on peut imaginer, vu ce qu’ils ont produit avant, que les deux scénaristes ont écrit leur partition avec un minimum de sérieux, désireux d’offrir un divertissement familial intégral, on peut tout autant se dire qu’Alex Proyas ne s’y est pas trompé : un tel script ne pouvait pas être pris à la légère. Il fallait faire les choses bien. En mettre des louches et des louches. Seule une exagération totale pouvait lui permettre d’imposer sa vision.
Pour autant, un tel film peut difficilement s’envisager comme un potentiel carton au box-office. Il pourra être aimé et détesté pour de mauvaises raisons. Par contre, il y a peu de chances pour qu’il soit reconnu comme un truc assez unique, qui a su exploiter sa nullité intrinsèque pour la tourner à son avantage. C’est bien sûr une question de point de vue, mais si on appréhende Gods of Egypt comme une folie totalement assumée par son créateur, il est tout à fait logique de le célébrer comme le spectacle pour le moins atypique qu’il est. Comme un monstre difforme, bruyant, clinquant, bourré de mauvaises et de bonnes idées. Vous avez dit paradoxal ?

@ Gilles Rolland

 Gods-of-Egypt-Nikolaj-Coster-Waldau  Crédits photos : SND

Par Gilles Rolland le 6 avril 2016

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