[Critique] HOSTILES
Titre original : Hostiles
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Scott Cooper
Distribution : Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Rory Cochrane, Paul Anderson, Jesse Plemons, Ben Foster, Adam Beach, Peter Mulan, Timothée Chalamet, Stephen Lang…
Genre : Western/Drame
Date de sortie : 14 mars 2018
Le Pitch :
En 1892, Joseph Blocker, un capitaine de cavalerie, ancien héros de guerre aux portes de la retraite, est chargé d’escorter un vieux chef indien et sa famille sur les terres de son peuple dans l’état du Montana. Tout d’abord très réticent, il finit par se résoudre à accepter. Sur le chemin, le convoi rencontre Rosalee Quaid, une jeune femme dont la famille vient d’être massacrée par une troupe de Comanches. Ensemble, ils vont parcourir un territoire où le danger est partout…
La Critique de Hostiles :
Depuis longtemps désireux de mettre en scène un western, Scott Cooper (Les Brasiers de la Colère, Crazy Heart, Strictly Criminal) a sauté sur l’occasion quand s’est présenté à lui le manuscrit écrit par le regretté Donald Stewart (auquel on doit À la poursuite d’Octobre Rouge). Une histoire que Cooper a remodelée afin de lui donner un aspect universel. En somme, Hostiles n’est pas un simple western. Ce n’est pas un banal film d’aventure mais bel et bien une fresque sur l’état du monde. Un classique instantané qui dresse un pont entre la situation des États-Unis à la fin du XIXème siècle et celle du monde d’aujourd’hui…
Il était une fois l’Amérique
Le personnage campé par Christian Bale est un héros de ce que l’on appelle les Guerres Indiennes. Une période marquée par la violence de multiples conflits, tout d’abord entre les colons et les peuplades Nord-Américaines, puis le gouvernement des États-Unis et ces mêmes autochtones. Christian Bale qui incarne donc un homme brutal, plein de ressentiments envers ceux qu’il a été entraîné à combattre et à haïr toute sa vie. Un homme fatigué aussi, las de devoir se plier au bon vouloir d’une autorité suprême lui demandant, pour sa dernière mission, d’escorter l’un de ses ennemis en territoire indien… On s’en doute dès le début (pas besoin d’avoir vu le trailer), le personnage haineux joué par Christian Bale va être amené à changer. Dans la grande tradition d’un cinéma américain introspectif, Hostiles se sert du voyage au cœur de son intrigue, de cette espèce de road trip à dos de cheval à travers les sublimes paysages des États-Unis, pour orchestrer une rédemption et aborder, par le prisme de la relation de deux hommes que tout oppose et de leur compréhension mutuelle progressive, des questions relatives au racisme, à l’exclusion et à l’intolérance. Au pardon aussi, qui est au centre de la dynamique de Hostiles. Pas de grosses surprises donc à ce niveau. La surprise venant plutôt de la façon dont Scott Cooper a opéré pour donner non seulement un authentique souffle épique à son film mais lui conférer également un aspect beaucoup plus intimiste, digne des plus grandes œuvres du genre…
Face à l’Histoire
À un moment donné, un personnage parle de la bataille de Wounded Knee. Un affrontement sanglant entre les soldats américains et les Amérindiens qui cristallise en quelque sorte (même si c’est infiniment plus complexe) dans l’inconscient collectif une guerre de plusieurs décennies qui trouva alors l’un de ses sommets les plus tragiques. Ce que nous dit Hostiles, c’est que personne n’est ressorti indemne de ce massacre. Pas même les vainqueurs, à savoir les soldats américains, qui durent vivre avec un traumatisme de plus en plus grandissant, menant pour certains à la folie ou à la mort mais aussi, comme c’est le cas pour plusieurs personnages du film, à un début de réflexion au sujet du bien-fondé de toute cette folie meurtrière.
Une violence que le long-métrage aborde sans détourner le regard (certaines scènes sont très « difficiles ») afin d’illustrer son propos. Un propos d’autant plus pertinent en cela qu’il s’impose tel une mise en garde au sujet de la situation actuelle. Des États-Unis mais pas seulement. Ce que nous dit Hostiles c’est en substance que la violence laisse des traces mais que la rédemption n’est pas impossible. Et c’est alors que Scott Cooper, avec beaucoup de pudeur, laisse peu à peu entrer la lumière. Une lumière éclairant sa toile de maître afin de mettre ici ou là en évidence des bonnes raisons d’entrevoir l’avenir avec une certaine sérénité, tout en soulignant cette nécessité de changement des mentalités et cette résilience à adopter absolument pour faire face à des démons intérieurs nés dans la haine et jamais totalement vaincus mais dont la force ne peut pas faire obstacle à la paix.
L’une des grandes qualités du script de Hostiles est donc de ne faire preuve d’absolument aucun manichéisme. C’est pour cela qu’on y croit jusqu’au bout et que l’émotion s’épanouit avec autant de puissance. Dans les silences et dans les regards lourds de sens. Dans ces petits gestes et autres mains tendues vers l’autre…
Western humaniste
En pleine possession de son art, que ce soit donc au niveau de l’écriture que de la mise en scène, dont l’une des plus probantes qualités est d’exploiter à la fois la magnificence des fabuleux paysages pour faire écho à la souffrance et aux espoirs des personnages, mais aussi de savoir jouer sur un plan plus intimiste, plus proche de protagonistes parfaitement croqués, dont les interactions et les relations évoluent de manière on ne peut plus réaliste, Scott Cooper inscrit sa partition dans la lignée des grands westerns humanistes. On pense bien sûr à Impitoyable mais aussi à Danse avec les Loups ou Open Range pour ne citer que les classiques les plus « récents » (sans oublier la série Godless). Classique instantané, d’une beauté terrassante, à fleur de peau, Hostiles trouve d’emblée le ton juste. Jamais il ne se contente d’aligner les lieux communs et les clichés et préfère explorer de nouvelles pistes. Il aborde une histoire de prime abord « connue » pour en tirer quelque chose d’autre. Il interroge l’Histoire pour mettre tout un pays face à ses démons, nés de fondations complexes et chaotiques. Très dense, quand on prend la peine de bien analyser toutes ses passionnantes facettes, Hostiles est pourtant d’une limpidité exemplaire, porté en permanence par le charisme et le talent d’une troupe d’acteurs formidables. Paul Anderson (le Henry Shelby de Peaky Blinders, ici tout en retenue), l’excellent Jessie Plemons, le touchant Rory Cochrane, l’impérial Wes Study et bien sûr Christian Bale et Rosamund Pike. Un couple qui n’en est pas un au centre d’une dynamique hyper puissante. Le premier, avec une présence affirmée, le regard noir, la haine au bord des lèvres, s’ouvre petit à petit et livre une performance ahurissante de vérité tandis que la seconde incarne avec une sensibilité douloureuse ce fameux mécanisme de pardon et cette résilience au centre du récit. Ensemble, au diapason d’un metteur en scène qui n’a peut-être jamais été aussi bon, les acteurs contribuent à faire de Hostiles une date dans l’Histoire du western…
En Bref…
Chef-d’œuvre d’humanité, violent, âpre, pertinent, brutal et émouvant, Hostiles vaut tout autant pour son discours magnifiquement universel que pour le spectacle plein de souffle, de fureur et d’émotions qu’il propose. Un grand film auquel les années devraient en plus offrir une patine lui permettant de rejoindre au Panthéon les classiques du genre.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport