[Critique] MAN OF STEEL

CRITIQUES | 18 juin 2013 | Aucun commentaire

Titre original : Man of Steel

Rating: ★★★★☆ (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Zack Snyder
Distribution : Henry Cavill, Amy Adams, Michael Shannon, Kevin Costner, Russell Crowe, Diane Lane, Laurence Fishburne, Antje Traue, Harry J. Lennix, Richard Schiff, Christopher Meloni, Ayelet Zurer, Dylan Sprayberry, Cooper Timberline…
Genre : Fantastique/Action/Science-Fiction/Drame/Adaptation
Date de sortie : 19 juin 2013

Le Pitch :
Aux confins de l’espace, la planète Krypton se meurt. Jor-El, un éminent scientifique décide d’envoyer, Kal-El, son nouveau-né, sur Terre avant la destruction totale. Recueilli par un couple de fermiers, Kal-El grandit sous le nom de Clark Kent. Prenant peu à peu conscience de sa condition si particulière, Clark, devenu adulte, entame un périple afin de comprendre d’où il vient, pour enfin embrasser sa destinée et devenir le héros que le Monde réclame…

La Critique (Gilles) Rating: ★★★★☆ :
DC Comics accorde ses violons. Convaincu par le succès ahurissant de la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan qu’il fallait désormais embrasser une certaine gravité et ainsi laisser de côté le premier degré inhérent aux premiers films de super-héros (et ainsi une grande partie de l’humour un peu fantaisiste qui va souvent avec), les pontes du principal concurrent de Marvel ont décidé d’offrir un lifting à Superman, leur personnage le plus emblématique, avec Batman.
Une prise de décision que la mauvaise réception de Superman Returns de Bryan Singer a bien entendu précipitée. Le mot d’ordre était donc de rembobiner totalement l’histoire de Superman et d’en faire un film qui pourrait initier une fresque en plusieurs épisodes s’intégrant dans le projet Justice League de DC Comics. Et histoire de tabler à fond les ballons sur le succès de The Dark Knight, DC est allé chercher Christopher Nolan, qui, faute de réaliser le long-métrage, le produit et en a développé l’intrigue avec David S. Goyer, force de frappe aux bras tatoués, responsable du script des trois volets de la trilogie The Dark Knight. On reste en famille, on canalise les idées et on embauche un petit nouveau à la réalisation. Zack Snyder déboule aux commandes d’un gros projet, après un suspens qui a vu défier certains grands noms de la mise en scène parmi lesquels Darren Aronofsky, Ben Affleck ou encore le regretté Tony Scott. Et Snyder de devoir faire ses preuves auprès des nombreux spectateurs qui ont souffert devant Sucker Punch et ainsi payer à l’Homme d’acier le retour en grâce tant attendu, à l’occasion de son 75ème anniversaire.

Le truc de bien avec Zack Snyder, c’est qu’il sait tenir une caméra. Un fait indéniable que même Sucker Punch n’a pas réussi à remettre en question puisque c’est surtout du côté du scénario que le film péchait salement. Un type avisé quand il s’agit de mettre en scène de gros déferlements d’action assaisonnés aux effets-spéciaux high-tech, de plus assez malléable pour laisser à son illustre producteur (Nolan donc), les coudées libres pour donner à Man of Steel la tonalité souhaitée. Pour l’inscrire dans la lignée de The Dark Knight et donner le La des chantiers à venir. Pas question de se planter, à l’heure où Marvel, avec Avengers et Iron Man 3 pulvérise les records et bâtit au cinéma une mythologie qui, si elle est largement contestée, trouve néanmoins les faveurs d’un public grandissant.
Il fallait donc frapper très fort. Bonne nouvelle : Man of Steel frappe très fort. Précédé d’une promo qui apparaît aujourd’hui plus maligne qu’on aurait pu le penser, ne dévoilant pas grand chose de l’intrigue et conservant un bon lot de surprises que le fan se délectera de découvrir sur grand écran, Man of Steel est un grand blockbuster. Un vrai de vrai. De ceux qui explosent la rétine et qui laissent K.O pour le compte. Très en forme, super galvanisé par la puissance du héros dont il a la charge Zack Snyder livre un long-métrage ultra spectaculaire et ultra généreux en terme de morceaux de bravoure visuels. Mis à part avec Pacific Rim et Le Hobbit, il y a peu de chances que l’on voit quelque chose d’aussi (ou de plus) explosif cette année. Alors que la première bande-annonce laissait peut-être présager un film contemplatif, riche en métaphores un peu balourdes (le papillon pris dans les maillons d’une chaîne, le petit garçon et sa cape rouge en contre plongée, etc…), Man of Steel a de quoi assouvir les appétits les plus goulus en matière d’action. Porté par le charisme et le physique d’un Henry Cavill taillé pour le job, le blockbuster propose des affrontements, qu’ils soient terrestres ou aériens, absolument bluffants, à base de zooms sensationnels et brutaux, tout à fait justifiés dans la logique de travail du réalisateur. Lisible et percutante, la réalisation de Snyder iconise à elle-seule un personnage bigger than life. De quoi en prendre plein la poire pendant 2h20, à un rythme effréné. Ce qui n’est pas si fréquent finalement.

Derrière cette orgie d’effets, qui donnent toute sa substance visuelle à un héros ici tout à fait à la hauteur de sa réputation, une histoire se dessine. Il est question de l’itinéraire d’un être mis au banc d’une société qui n’est pas prête à le recevoir comme le sauveur qu’il se destine finalement à être aux yeux de tous. Une histoire qui se calque malheureusement sur celle de Bruce Wayne de Batman Begins, laissant entrevoir la main mise de Christopher Nolan sur certains éléments clés du scénario et sur son aspect sombre. Un producteur dont la présence est plus qu’à son tour détectable derrière les superbes entrechats de Snyder. Débridé dans la baston, Snyder se range donc du côté de Nolan et de Goyer quand les choses se posent. Dommage que le parcours de Clark Kent/Kal-El soit à peu près le même que celui du futur Batman. En outre, en optant pour un récit éclaté riche en flash-backs, le script ne parvient pas toujours à éviter des cassures de rythme gênantes. À force de désamorcer une tension parfois étonnamment palpable, à renfort de retours en arrière, par ailleurs tous très réussis, Goyer et Nolan ne servent pas toujours le film. Idem en ce qui concerne les ellipses. Un travers tout spécialement gênant lors du premier acte où, après avoir laissé la capsule d’un Superman bébé entrer dans l’atmosphère terrestre, on le retrouve adulte, sur un bateau de pêche. C’est vraiment regrettable car, comme signifié plus haut, ces flashs-backs apportent un vrai plus à l’histoire. Mettant souvent en scène Clark et son père, Jonathan, incarné avec une justesse absolue par un Kevin Costner admirable d’émotion, ces séquences construisent la psyché du futur Superman et nous permettent d’appréhender un personnage sensible, pétris de doutes et encore parfois maladroit dans l’utilisation de ses pouvoirs.

Débarrassé du trop plein d’allusions christiques (l’analogie reste quand même présente, c’est inévitable), Man of Steel est un film ambitieux. Un grand projet qui s’avère aussi parfois étrangement bancal. Pourquoi par exemple avoir autant négligé un personnage aussi crucial que Lois Lane, réduite ici à une fonction de « boulet » pas spécialement utile à l’histoire si ce n’est que c’est elle qui cristallise trop souvent l’attention du héros ? Campée par une Amy Adams parfaite, Lois Lane est de plus très mal introduite dans l’histoire, n’arrivant jamais par la suite à dépasser une simple condition de jeune femme en détresse malgré elle, mais pourtant pleine d’un bon sens utile au héros. Side-kick ? Amoureuse ? On ne sait pas trop et c’est dommage, surtout quand par contre, d’autres personnages, comme Jor-El, le père biologique de Superman, arrivent à se faire une place au soleil grâce notamment à l’interprétation sans faille d’un Russell Crowe parfait dans le rôle.

Porté par une volonté farouche d’imposer à nouveau le plus grand super-héros de tous les temps dans le cœur d’un public avide, Man of Steel jouit d’un savoir-faire assez incroyable. Car malgré tous ses petits défauts découlant d’étranges choix (pourquoi Superman est-il aussi bourrin quand il se bastonne avec Zod, provoquant de multiples destructions massives entraînant sans aucun doute quelques dommages collatéraux, alors qu’il est censé protéger la veuve et l’orphelin ?), le film compense en permanence. Grâce à son côté profondément jubilatoire et à une poignée de scènes super galvanisantes, Man of Steel gagne la partie avec éclat. Sachant être émouvant à plusieurs reprises, grâce (entre autres choses) à un Henry Cavill aussi à l’aise quel que soit le registre de la scène, le long-métrage de Zack Snyder est sans aucun doute plus spectaculaire et plus flamboyant que son prédécesseur, Superman Returns. Pas réellement plus émouvant, mais plus moderne et certainement propulsé par un lyrisme plus flagrant (du en partie à la sublime partition de Hans Zimmer), quitte à trop en faire. Et enfin, car c’est primordial, Man of Steel peut compter sur un méchant en or massif. Machiavélique et impitoyable à souhait, le Zod du génial Michael Shannon est à lui seul un spectacle permanent. Il incarne le versant sombre du héros. Il est son antithèse parfaite. Pour le premier volet d’une saga suscitant autant d’espérances, on ne pouvait guère rêver mieux. Et quand vient le générique de fin, force est d’admettre qu’on a pris un pied d’enfer. Sans renier Superman de Richard Donner, ni même Superman Returns, on salue le travail d’équipe qui a permis au boss de DC Comics de revenir par la grande porte. Une porte qu’il enfonce littéralement…

@ Gilles Rolland

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La Critique (Daniel) Rating: ★★★½☆ :
Il ne faut pas s’y méprendre. Il y a des moments où Man of Steel flirte avec la perfection. Ses scènes d’action, notamment une série spectaculaire de duels surhumains entre le bien et le mal, seront incontestablement le nouveau standard pour de telles séquences, du moins dans des termes strictement visuels. D’ailleurs, en tant qu’expérience purement sensorielle, il frôle carrément le chef-d’œuvre : Zack Snyder a trouvé une esthétique délavée unique qui accomplit la tâche difficile de donner à son film (qui alterne entre une planète extraterrestre, la ville urbaine de Metropolis et la campagne rurale du Kansas) une apparence parfaitement cohésive, et les décors sont uniformément somptueux, même quand il ne sont pas très originaux (des échos d’Avatar, Matrix, Alien et Independence Day répondent tous à l’appel). Quelle que soit la somme qu’ils ont pu dépenser sur cette production, on dirait qu’ils ont dépensé beaucoup plus.

Malheureusement, toute cette beauté visuelle est bâtie autour d’un scénario signé David Goyer et une histoire de Christopher Nolan, et si ces deux cogneurs ont vécu un passé plus ou moins impressionnant avec la trilogie Batman, le soupçon se fait sentir que les deux compères sont tombés complètement à côté de plaque en ce qui concerne Superman. Si l’histoire n’entreprend pas d’énormes remaniements avec les origines d’un personnage qui est déjà connu de tous, il essaye néanmoins de développer certains de ses aspects plus bizarres ou simplistes avec des triples portions de mécanismes, procédés narratifs et autres complexités, tous expliqués dans le détail le plus exhaustif possible et ajoutant des lourdeurs fastidieuses à un métrage qui n’en a pas besoin. À savoir, pour des raisons qui sont sur-expliquées sans jamais être claires, la destruction de la planète Krypton est maintenant liée à une politique prédéterminée d’eugénisme et un coup d’état militaire. De même, l’invasion lancée par le Général Zod dans la deuxième moitié du film est centrée autour d’un MacGuffin également sur-expliqué mais toujours absurde et assez inutile, en fin de compte.

Il est difficile d’apprécier le besoin apparemment compulsif des adaptations comme celle-ci de créer un monde où tout est intimement relié (et Man of Steel ne perd pas de temps à s’assurer que les origines de Superman, le complot de Zod et toute la mythologie qui les entoure soient interconnectés) au lieu d’accepter que l’univers est grand et ce genre de choses peuvent arriver. Non pas parce que c’est infidèle aux comics, mais parce que ça diminue l’idéal héroïque du personnage. Référence est faite à l’idée que Superman est un exemple important pour toute l’humanité, et aussi à la théorie que sa présence parmi la société du 21ème siècle serait plus effrayante que favorablement accueillie. Mais l’ensemble donne fortement l’impression qu’ils ont fait exprès de concevoir un film Superman pour un public qui n’a jamais aimé Superman, ou du moins a toujours préféré le côté bourrin du personnage, au lieu de ses aspects plus universels ou fantaisistes telle que son indépendance par rapport à la gravité et la douleur.

Et qui sait, peut-être que c’est suffisant, cette fois-ci. Après tout, un certain manque d’action viscérale était un souci majeur dans Superman Returns, et ça plaît évidemment à Warner Bros, qui parle déjà d’une suite. Un des grands objectifs de ce projet était de s’assurer que Superman redevienne cool, et si le mot « cool » équivaut à la noirceur et l’agression, mission accomplie. En considérant leur travail précédent avec DC Comics, ce n’est pas très surprenant de voir que l’histoire de Nolan et Goyer compte bien dépouiller l’icône qu’est Superman de toute sa sincérité que beaucoup prennent pour du kitsch, la remplaçant par l’humeur stoïque d’un ado vénère qui cherche à prouver quelque-chose. Et il existe certainement une époque où cette version sombre et torturée de Superman aurait trop la classe. Malheureusement, c’était à la même époque qu’appartenait Spawn. Que dire ? Peut-être que la maturité est surestimée.

Pour être honnête, le résultat final de toutes ces manigances ressemble moins à un film de Superman qu’à un épisode de Dragonball Z : la version américaine, où l’humour et l’idiosyncrasie culturelle ont étés balancés à la flotte au profit d’une rage adolescente dépourvue d’ironie. L’ambition du film est splendide, sa portée est magnifique, l’action est sensationnelle, mais il a un cœur de pierre et une gueule d’enterrement. Et bien que ce soit impressionnant, ça n’a rien de vraiment « super », à proprement parler. Ce serait une chose si c’était une tentative officielle de « Dark Knight-iser » le personnage, mais Jor-El n’arrête pas de nous dire à quel point Superman est censé être une source d’espoir et d’inspiration, alors que ces facteurs-là sont absents du film, tout comme l’émerveillement et l’optimisme.

Henry Cavill campe un très bon Superman, avec assez de charisme et de charme pour surmonter la froideur et la distance du scénario par rapport à son personnage. Et il est difficile d’expliquer à quel point Russell Crowe est amusant dans le rôle d’un Jor-El réinventé, gérant des dialogues laborieux avec une agilité telle qu’il retombe toujours sur ses pattes. Crowe entre définitivement dans sa phase Marlon Brando, et le film ne cesse de ravir en trouvant des excuses malignes pour le faire revenir à l’écran. Kevin Costner et Diane Lane sont tous les deux formidables dans les rôles des parents Kent, incarnant la sagesse domestique et la chaleur maternelle, et des vieux pros comme Harry Lennox et Christopher Meloni assurent la mise en dominant des scènes avec des personnages militaires de base.

Laurence Fishburne joue un Perry White solide, mais pour tout dire, lui et le Daily Planet ne sont que des caméos glorifiés, un élément de plus à rayer de la liste des choses à inclure. Malheureusement, le maillon faible s’avère être Amy Adams dans le rôle sommaire de Lois Lane. Bien que sa prestation reste irréprochable, et il est clair que les producteurs essayent de rendre son personnage plus proactif, il semblerait qu’elle soit juste là parce que Lois Lane est toujours dans Superman. Plus problématique encore, le peu de rapport qu’elle entretient avec Cavill est choquant, et le récit ne leur accorde aucune faveur. Non seulement leur relation n’est pas crédible, mais les évènements apocalyptiques autour d’eux la rendent encore moins.

Mais au final, la gloire est due à Michael Shannon dans l’amure du Général Zod. L’acteur a longtemps été une de ces présences magnétiques qui tire la couverture à lui quel que soit le film dans lequel il joue, et il est réjouissant de le voir enfin se déchaîner en jouant un méchant en roue libre et pourtant assez nuancé, qui exprime une réelle profondeur malgré l’inutilité de ses motivations. Certes, Zod a été choisi uniquement parce qu’il est le supervillain le plus capable de bastonner Superman dans une baston à surpasser toutes les bastons, et même si les bagarres aériennes entre lui et l’Homme de Fer à travers Metropolis donnent lieu à des séquences de destruction massive qui, aussi magistrales soient-elles, finissent rapidement par devenir épuisantes et répétitives, c’est l’homme du moment, et les rêves des comics sont faits de moments comme ceux-là. Il est difficile de se plaindre d’un film où Michael Shannon vous balance un train dans la gueule.

Man of Steel est solide. Il est spectaculairement défectueux, au point où on se demande si la suite inévitable n’aura pas la bonne idée d’opter pour une reconstruction de haut en bas dans le style de G.I. Joe : Conspiration, mais l’ensemble tient debout, et quand il fonctionne, il touche des sommets qui sont la définition du spectacle. Malheureusement, ce spectacle est constamment amoindri par l’écoute de son histoire laborieusement austère et pessimiste. Une histoire qui s’intéresse beaucoup au choc des valeurs entre la douce humilité que Clark a hérité de son père humain et la grandiloquence messianique léguée par son papa kryptonien. Kevin Costner et Russell Crowe sont sans aucun doute les meilleurs papas que pourrait avoir un super-héros, mais je préfère imaginer les discussions qu’il aurait pu avoir avec sa mère :

« Tu sais, c’est pas interdit d’éprouver un peu de joie de temps en temps. Après tout, t’es Superman, bordel. »

@ Daniel Rawnsley

man-steel-amy-adams-henry-cavill-photoCrédits photos : Warner Bros. France

 

Par Gilles Rolland le 18 juin 2013

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