[CRITIQUE] REALITY

Titre original : Reality
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Tina Satter
Distribution : Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchant Davis, Benny Elledge…
Genre : Drame
Durée : 1h22
Date de sortie : 16 août 2023
Le Pitch :
Reality, une jeune linguiste employée par le gouvernement, est accusée par le FBI d’avoir fait fuiter des informations compromettantes. Histoire vraie…
La Critique de Reality :
Voir débarquer Reality, un petit film tourné dans un seul et même lieu (quasiment), pour un budget microscopique, dans les cinémas, au cœur de l’été, aux côtés de Barbie, Oppenheimer, Blue Beetle et tous les autres gros blockbusters de studios, a quelque chose de plutôt réjouissant. Oui car au fond, la présence même de Reality à l’affiche prouve qu’aujourd’hui, de telles productions peuvent encore bénéficier d’une exposition favorable, envers et contre la volonté des studios d’éviter toute prise de risque pour tenter de rassurer le public.
Bien sûr, on peut facilement prévoir que Reality ne va pas rafler la mise et ne restera pas des mois à l’affiche, mais quand même.
Dans les mâchoires de l’Amérique
Reality débute sur un plan étrange. La caméra filme Sydney Sweeney d’en haut. Par la suite, la jeune femme regagne son domicile dans sa drôle de voiture et se fait cueillir par le FBI devant sa maison. On ne sait pas ce qu’on lui reproche et dans un premier temps, même si le ton des agents est plutôt cordial, l’attitude un peu ambivalente de la jeune femme peut laisser présager que les accusations sont graves. Quand on ne sait rien de l’histoire, on imagine le pire. Pourtant, dans la maison, rien de compromettant. Un chien, un chat, les trucs habituels…

Basé sur les retranscriptions exactes des enregistrements du FBI, Reality colle de près avec l’affaire qu’il relate. Plusieurs fois la réalisatrice Tina Satter, dont c’est le premier long métrage, insère dans son montage des photos de la véritable Reality et fait entendre les authentiques enregistrements. Tout ici rend justice à la réalité des faits et tous les artifices visuels ne font qu’appuyer ce désir de fidèlement traduire l’angoisse croissante du personnage principal pris dans un piège dont nous ignorons dans un premier temps la nature.
Montée en puissance
Tourné en temps réel, dans un seul et même lieu (si on excepte les quelques flash-back rapides), Reality aurait pu être très théâtral mais il n’en est rien. Déjà solide, la mise en scène de Tina Satter, est au contraire très cinématographique et mesurée. S’attachant aux inflexions des regards, aux subtilités des mouvements du corps qui peuvent retranscrire la peur ou d’autres sentiments, la cinéaste fait preuve d’une grande subtilité pour arriver à ses fins, sans jamais perdre le contrôle ou tomber dans l’outrance.
C’est alors que progressivement se dessine l’histoire, avec tout ce qu’elle implique, avant que le film ne se télescope véritablement avec la réalité, à grand renfort d’images issues des journaux télévisés. Mais mieux vaut ne pas trop en dire…
Une star est née
Découverte aux côtés de Zendaya dans la série TV Euphoria, Sydney Sweeney participe elle aussi à la réussite de l’ensemble grâce à un jeu intense et mesuré, parfaitement dans le ton. Formidable du début à la fin, d’une justesse parfaite, la jeune comédienne est pour beaucoup dans la construction de cette angoisse prégnante qui nous accompagne tout du long. Pris au piège du FBI, de ces hommes qui peu à peu resserrent leur emprise en feignant la gentillesse et la compréhension, son personnage incarne l’ambiguïté et les méthodes parfois perverses des autorités au service d’une Amérique empêtrée dans ses contradictions.
L’Amérique de Trump, puisque le film prend place au moment du débat au sujet de l’ingérence russe dans les élections présidentielles, qui est au centre de l’histoire, d’une certaine façon. Reality possédant une portée politique bien réelle quand bien même son déroulé, audacieux et courageux, tient avant tout à rester proche des personnages.
Loin des thrillers tapageurs et autres pamphlets ronflants, Reality fait appel à l’intelligence du public. Certes exigeant, il sait néanmoins faire preuve d’une grande fluidité et, par la seule force de son montage, de son écriture et du talent de ses acteurs, encourage une réelle immersion. Passionnant, très bien rythmé et pertinent, il a également le mérite de nager à contre-courant, sans céder aux clichés propres à ce cinéma américain indépendant parfois piégé par ses propres codes.
En Bref…
Porté par la performance admirable de Sydney Sweeney, surprenant et audacieux, maîtrisé et utile, Reality interroge les paradoxes d’une Amérique empêtrée dans ses contradictions. Un thriller discret mais impressionnant auquel il serait vraiment dommage de ne pas donner sa chance.
@ Gilles Rolland
