[Critique] VOYAGE OF TIME
Titre original : Voyage Of Time
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Terrence Malick
Distribution : Cate Blanchett (narration)
Genre : Documentaire
Date de sortie : 4 mai 2017
Le Pitch :
De la création de l’univers à aujourd’hui, Terrence Malick s’interroge sur notre place et notre rôle dans le monde…
La Critique de Voyage Of Time :
Voyage Of Time est le huitième film de Terrence Malick. C’est aussi son premier documentaire. Malick qui n’a jamais vraiment fait les choses comme tout le monde, s’inscrivant dans un genre qui lui est propre quasiment depuis ses débuts. Forcément, sa vision du documentaire n’a pas grand-chose à voir avec tout ce qu’on a pu nous proposer sur un sujet similaire. Voyage Of Time promettait de s’imposer tel une véritable expérience sensorielle et c’est exactement ce qu’il est…
Odyssée de l’espèce
Au début, seulement un écran noir et la voix de Cate Blanchett, grave et concernée. L’actrice se charge de la narration et accompagne le défilé d’images qui débute par une succession d’explosions galactiques (à défaut de les appeler autrement) afin d’illustrer le commencement de notre univers. Pas d’acteurs connus, pas de dialogues, une histoire, mais des repères qui volent en éclat. Voyage Of Time demande un lâcher-prise total, mais s’inscrit tout de même dans la lignée des trois dernières œuvres du maîtres, The Tree Of Life en tête. Quelqu’un a d’ailleurs décrit son documentaire comme une version longue de la parenthèse métaphysique de The Tree Of Life et dans un sens c’est vrai. Malick est toujours en plein trip et son huitième effort complète ainsi les réflexions amenées par À La Merveille, Knight Of Cups et bien sûr The Tree Of Life. Il s’agit d’étudier notre rôle et notre évolution dans le monde, à l’échelle de l’immensité spatiale. Et si la structure est relativement éclatée au début, vu que le film alterne passages filmés au caméscope et plans en haute définition, il s’agit bien de l’histoire du monde qu’on nous raconte…
Il était une fois la vie
Du premier murmure dans l’espace, qui augure le Big Bang, à la souffrance d’une vieille femme anonyme dans les rues d’une ville, Malick fait des allers-retours et cherche à opposer notre grandeur potentielle à notre capacité à également tout faire foirer. Et si Voyage Of Time arrive à surprendre c’est bien quand il s’attache, au plus près, à suivre la vie de personnes dont il ne dit jamais les noms mais dont il se sert pour parler de la simplicité d’une vie proche de la nature, de cette capacité à semer la souffrance ou le chaos, ou encore des croyances de l’amour et enfin de l’espoir. L’Homme est au centre de la dynamique d’un long-métrage qui extirpe la beauté grandiloquente de notre planète pour la confronter avec ce que nous en faisons depuis que nous nous y sommes auto-proclamés les patrons. Mais le message de Malick est sujet à de multiples interprétations. Que ce soit au niveau des plans qu’à celui de la série de mantras que récite Cate Blanchett et dont la signification fait écho à la force évocatrice des scènes, si tant est que l’on puisse utiliser ce terme pour qualifier les images du film.
Big Bang Theory
Propulsé par des intentions aussi nobles que pertinentes au vu de l’époque qui est la notre, Voyage Of Time propose au spectateur une bulle de calme. Très lent, surtout au début, il s’attache aux détails. À de la vapeur qui s’échappe d’une eau sous laquelle gronde un volcan, à l’univers où se développent des volutes de couleurs hypnotisantes et au mouvement gracieux d’une méduse. Pas de doute, là encore, on est bien chez Malick. Le réalisateur qui n’en fait qu’à sa tête. Surtout ici, quand il met en avant un « scénario » peut-être un peu outrecuidant. Néanmoins, que l’on goûte ou non à sa prose, difficile de nier la magnificence des images. Voyage Of Time est une véritable œuvre d’art. Un film qui arrive à capter l’immensité, ainsi que la force d’une nature en pleine action. Dommage alors que cet esthétisme hyper léché souffre de quelques effets pas très heureux. Quand les dinosaures font leur entrée tout particulièrement. Un passage assez bref, qui renvoie aux dinosaures de The Tree Of Life, où les créatures trahissaient des effets-spéciaux pas vraiment convaincants. Ce qui intervient après que Malick nous ait montré des animaux au plus près, en s’attachant à la texture de leur peau ou à leur regard. Des animaux qui existent et qui ne sortent pas d’un ordinateur, contrairement aux dinosaures, qui apparaissent ainsi bien artificiels en comparaison. Parfois, on pense même à des trucs comme Dinotopia c’est dire. Même constat concernant les premiers hommes et leur fausses dents tout droits issues d’un magasin de farces et attrapes. Ce ne sont que des détails, mais quand on parle d’une œuvre si visuellement exigeante, qui ne cesse d’impressionner par la beauté de ses plans et la poésie de ses évocations, ces détails ont justement leur importance ainsi qu’une certaine incidence.
Un Nouvel Espoir
Terrence Malick se fait, comme à l’accoutumée, assez nébuleux, mais plus le film avance et plus on sent où il veut en venir. Plutôt sans concession quand il traite de notre rôle en tant qu’êtres humains, dans un monde que nous avons depuis toujours cherché à comprendre puis à dominer, il dresse un terrible constat mais sait aussi distiller un espoir ténu, qui prend corps de la plus simple et la plus authentique des façons. Difficile de savoir si on peut parler de spoiler concernant un documentaire, mais dans le doute, nous n’en dirons pas plus. Au fil de ces images terrassantes de beauté, Voyage Of Time raconte le monde et la vie. Il rend justice à l’inventivité et à la résilience de Mère Nature et remet les choses en perspective. Tant pis si parfois, tout ceci est un peu prétentieux parce que malgré la lenteur apparente des choses, on ne voit pas le temps passer, si tant est que l’on fait l’effort d’accepter les codes de narration et qu’on se laisse emporter par la poésie pas toujours aussi fine qu’espérée mais toujours animée d’une ferveur certaine.
En Bref…
Voyage Of Time est aussi ambitieux que sublime. Terrence Malick livre ici une poésie visuelle magnifiquement agencée, un peu alambiquée et outrecuidante, mais toujours sincère. Si on joue le jeu, on s’en trouve récompensé. Une authentique expérience de cinéma. Un documentaire unique.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Mars Films