[Critique] WONDER WOMAN
Titre original : Wonder Woman
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Patty Jenkins
Distribution : Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright, Connie Nielsen, Danny Huston, Elena Anaya, Lucy Davis, David Thewlis, Saïd Taghmaoui, Eugene Brave Rock, Ewen Bremner…
Genre : Fantastique/Action/Aventure/Drame/Adaptation
Date de sortie : 7 juin 2017
Le Pitch :
Il y a bien longtemps, sur une île isolée de la folie des hommes, Diana, la princesse des amazones vivait en paix avec les siens, s’entraînant pour être prête le jour où le monde aurait besoin d’être sauvé. Quand un pilote de l’armée de l’air américaine en perdition se crashe à proximité, la jeune femme découvre avec surprise que la guerre fait rage. Persuadée qu’elle doit intervenir, elle décide alors de raccompagner le soldat à Londres et de se jeter corps et âme dans la bataille contre l’avis de sa mère la Reine. Plongée dans les affres de la Première Guerre mondiale, elle va découvrir des horreurs qui vont considérablement modifier sa perception des choses et livrer son premier grand combat contre un ennemi aussi insaisissable que perfide…
La Critique de Wonder Woman :
Pas évident de passer après Christopher Nolan et son Batman. Ni après Superman, de Richard Donner d’ailleurs, qui a beau ne pas dater d’hier, mais qui s’impose toujours comme la référence quand on parle du fils de Krypton. C’est dans l’ombre de ces deux franchises que DC Comics a ouvert les portes de son propre univers partagé, pour faire concurrence à Marvel et à ses Avengers et donner une nouvelle impulsion à ses adaptations super-héroïques. Avec Man Of Steel tout d’abord qui a convaincu mais pas complètement non plus, puis avec Batman v. Superman, qui s’est pour sa part carrément pris le mur, en limitant toutefois les dégâts. Le pire étant arrivé avec le calamiteux Suicide Squad, qui a foiré à peu près tout ce qu’il pouvait, dans les grandes largeurs s’il vous plaît. On a rêvé mieux comme départ. Une grande pression reposait sur les épaules de Wonder Woman. Un autre ratage artistique et/ou commercial aurait gravement endommagé la portée des plans à long terme de DC Comics et de Warner Bros., qui enchaînent les péripéties dans leur conquête d’un public impitoyable. Mais ils peuvent souffler car Wonder Woman a réussi sa mission. Non seulement le film est bon mais en plus il cartonne, et cela malgré des polémiques aussi navrantes que peut parfois l’être l’époque dans laquelle nous vivons…
Dans l’enfer de la guerre
C’est après une courte introduction prenant place au Louvre à Paris, censée replacer le personnage dans le contexte de l’après Batman v. Superman que débute l’histoire des origines de la plus célèbre des super-héroïnes de tous les temps. Toute la première partie débute de manière très classique, avec le récit de l’enfance de Diana et de son apprentissage sur son île paradisiaque en compagnie des autres amazones. Les paysages sont à couper le souffle et les enjeux se posent tranquillement. L’action ne tarde pas à prendre le pas et tant pis si Patty Jenkins use et abuse des ralentis et autres cascades « cablées », qui ne sont ni vraiment esthétiques ni vraiment efficaces. La présence de Robin Wright, impériale comme toujours et de Connie Nielsen aux côtés de Gal Gadot permet de rattraper le coup. Même si il n’y a rien de déshonorant ici, rien n’encourage vraiment à se dire que la suite va s’avérer aussi bonne que ce qu’elle est. En fait, tout commence réellement avec l’arrivée du soldat incarné par Chris Pine, vu que c’est lui qui amorce les choses. Diana prend conscience que la guerre est en train de faire rage à l’extérieur de ses terres et veut se joindre au combat. Dès lors, le personnage en profite aussi pour prendre de l’ampleur, donnant l’opportunité à Gal Gadot de déployer un jeu à priori assez simple mais en réalité plein de petites subtilités qui renforcent vraiment la dramaturgie du récit.
Suffragette City
On passe ainsi des couleurs chatoyantes de cet Éden dans lequel Wonder Woman a grandi à des teintes plus ternes. Le décalage est flagrant et Patty Jenkins d’en profiter pour accentuer également la violence, assez sèche pour un film grand public comme celui-là. Au cœur d’une reconstitution d’époque très convaincante, Diana devient l’héroïne d’un conte initiatique touchant, rythmé par les différents décalages qu’elle observe dans cette société qu’elle ne soupçonnait pas, jetant un regard qui permet de souligner des aberrations qui ont toujours cours aujourd’hui. L’idée d’avoir situé le scénario durant la Première Guerre et non la Seconde comme dans le comics est particulièrement judicieuseLien, comme l’a expliqué un scénariste qui a exprimé le souhait de confronter cette femme forte à un monde dominé par les hommes mais dans lequel œuvrent néanmoins les premières suffragettes, dont l’action va beaucoup jouer dans l’évolution de la place de la femme. Et si l’approche est plutôt naïve, ce n’est en rien négatif. Bien au contraire tant, à l’instar de Superman, la naïveté fait partie intégrante de l’héroïne. Le brutal décalage est au centre de la dynamique du long-métrage qui peu à peu dessine une réflexion bien sûr féministe, mais surtout très humaniste. Ce qui lui confère une épaisseur inattendue, que Man Of Steel a eu plus de mal à acquérir et qui échappait malheureusement aux autres DC Comics récents. Assister à ce spectacle de désolation aux côtés de cette étrange femme venue d’ailleurs, pas encore consciente de son importance et de ses pouvoirs, a quelque chose de très émouvant. Surtout quand elle décide de vraiment passer à l’action pour la première fois à l’occasion de ce qui demeure peut-être la plus grande scène du film, à savoir celle où Diana se défait de ses oripeaux de « simple mortelle » pour traverser le no man’s land séparant les tranchées anglaises des tranchées allemandes. Un grand moment, aussi éblouissant sur un plan purement visuel que dramatiquement parlant.
Par la suite, Wonder Woman offre régulièrement de scènes de ce genre, appuyées par le thème musical si flamboyant de l’héroïne, déjà entendu dans Batman v. Superman. On la voit accomplir de nombreux exploits, comme quand elle balance un tank à mains nues, détruit un clocher et tabasse un grand nombre d’ennemis en arrêtant les balles sans défaire d’une énergie propulsée par un désir de purifier le cœur d’une humanité à la dérive. Quand tous les éléments sont réunis, c’est dans ces moments-là que Wonder Woman s’avère le plus galvanisant. Quand il conserve une sorte de retenue, et se rapproche en cela du premier Captain America, où l’histoire du héros se télescopait déjà avec la grande Histoire du monde dans un élan digne des grands films d’aventure hollywoodiens du temps jadis.
It’s a man man world
De son côté, épaulé par une équipe « d’Expendables » très sympathique, dans laquelle on retrouve notamment Saïd Taghmaoui et Ewen Bremner (Trainspotting), Chris Pine parvient à imposer son personnage. Ce n’est pas lui le héros et de toute façon impossible pour lui, simple mortel, de rivaliser avec les pouvoirs de celle qui exacerbe son héroïsme. Son rôle à lui, est précisément d’amener Wonder Woman à embrasser sa destinée et il le fait bien, parvenant à tirer partie de la moindre de ses scènes, en jouant sur des mécanismes vieux comme le monde mais en tirant tout de même son épingle du jeu. On pourra bien sûr argumenter quant au fait que pour un film centré sur une femme, l’homme s’arrange néanmoins pour tirer la couverture à soi et se poser comme un élément indispensable au bon épanouissement de l’héroïne… Dans un sens c’est vrai, mais il y a aussi ces scènes qui ne se privent pas de montrer le personnage de Chris Pine impuissant et démuni. Un être borné et cynique qui en apprend beaucoup au contact de celle qui va tout changer. C’est un peu maladroitement exécuté mais les coups d’éclats de Wonder Woman et sa propension à incarner une vraie noblesse emportent au final la mise, c’est le plus important.
Sur le front
C’est au terme de pas mal de pérégrinations que Patty Jenkins (connue pour Monster, avec Charlize Theron) s’est retrouvée à la tête de ce film dont la genèse n’eut rien d’une promenade de santé. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la cinéaste a réussi là où d’autres ont échoué. Sa mise en scène, comme on le disait plus haut, a beau être parasitée durant le premier quart, par trop de ralentis, s’avère très immersive et lisible. Les coups portent et le spectacle ne manque ni de souffle ni d’ampleur. Patty Jenkins qui se laisse peut-être un peu déborder durant le climax, qui, à l’instar de celui de Batman v. Superman ressemble un peu trop à une cinématique de jeu-vidéo pour convaincre pleinement, mais dont la fougue ne faiblit jamais. On le redoute d’ailleurs ce grand affrontement, avec un méchant qui devrait rester parmi les plus réussis du DC Universe. Un combat titanesque, parfois hyper épique, parfois un peu bordélique et surtout trop calqué sur des mécanismes bien connus. Pas de grosses surprises alors que jusqu’à ce moment fatidique, le film avait fait preuve d’une certaine ambition. Mais en l’état, il se défend quand même. Wonder Woman est là et grâce à la prestance, au charisme et à l’énergie de Gal Gadot, elle emporte la mise et s’avère iconique à mort. Gal Gadot d’ailleurs en profite pour véritablement s’imposer. Au-delà des quelques fautes de goûts et des maladresses. Elle évolue au sein d’un récit habité d’une vraie vision et participe à un décalage savamment géré, qui évite constamment au métrage de tomber dans le ridicule. Sur le fil du rasoir, sans cesse en équilibre, Wonder Woman retombe toujours sur ses pieds et c’est l’essentiel. Il conserve cette force brute et cette éloquence qui lui permettent de donner du coffre à l’action et à cette émotion parfois vraiment à fleur de peau, qui fait paradoxalement de lui un film de son temps. Toujours armé d’une naïveté qui aurait pu prêter à sourire en d’autres circonstances ou entre d’autres mains mais qui ici, colle parfaitement avec l’identité et les intentions du projet.
En Bref…
Malgré ses défauts et ses maladresses formelles ou narratives, Wonder Woman s’impose sans mal comme le meilleur film du DC Universe à ce jour. Le plus puissant et le plus maîtrisé également. Une réussite qui doit autant à la pugnacité de Patty Jenkins qu’à l’investissement d’une Gal Gadot qui prouve avec une belle flamboyance qu’elle méritait ce rôle et qu’il va désormais falloir compter sur elle. Wonder Woman tient la dragée haute à Batman et Superman. Son film, non seulement attachant et galvanisant, redore à lui tout seul le blason d’une franchise qui n’attendait que ça. Voilà qui force le respect.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros. France