[Critique série] MINDHUNTER – Saison 1

SÉRIES | 23 octobre 2017 | Aucun commentaire
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Titre original : Mindhunter

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Créateur : Joe Penhall
Réalisateurs : David Fincher, Asif Kapadia, Tobias Lindholm, Andrew Douglas.
Distribution : Jonathan Groff, Holt McCallany, Hannah Gross, Anna Torv, Cotter Smith, Stacey Roca, Cameron Britton, Happy Anderson, Lena Olin…
Genre : Thriller/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
En 1977, alors que le profilage criminel n’est encore qu’un concept relativement vague, deux agents du FBI décident de s’entretenir avec plusieurs tueurs en série afin de comprendre leur façon de penser pour établir plusieurs schémas destinés à collecter des données susceptibles à l’avenir d’aider à résoudre des affaires de meurtres…

La Critique de Mindhunter :

Netflix a su créer l’événement un nombre non négligeable de fois. Notamment avec House Of Cards, qui a su contribuer à l’essor de la popularité du network. Un show auquel David Fincher, cinéaste ô combien prestigieux, a participé, notamment en réalisant le pilote et en donnant une première impulsion qui a défini l’identité graphique de l’ensemble. Fincher qui revient aujourd’hui chez Netflix, avec Mindhunter. Une série adaptée du livre Mindhunter : dans la tête d’un profiler qui n’a pas été créée par Fincher, comme peut le laisser entendre la promo, mais par un certain Joe Penhall, un scénariste et dramaturge populaire pour ses pièces (Sunny Afternon par exemple), pour ses séries (Blue/Orange) et pour ses scripts de longs-métrages (c’est notamment lui qui a adapté La Route d’après le livre de Cormac McCarthy). Mindhunter, la nouvelle série vedette de Netflix, n’est donc pas une création de Fincher, mais bel et bien de Penhall qui a néanmoins sacrément bien fait de s’associer avec le réalisateur de Seven et de Fight Club tant ce dernier, encore plus qu’avec House Of Cards, a su s’approprier le propos pour lui faire correspondre quelques-unes de ses obsessions les plus marquées… À noter que Charlize Theron participe aussi à la production…

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Dans la tête du tueur

On a beaucoup rapproché Zodiac de Mindhunter. Et ce pour une bonne raison : les deux œuvres suivent un groupe de personnages qui finissent par pratiquement se perdre eux-mêmes dans les méandres d’enquêtes tortueuses qui les mettent face aux pires déviances du genre humain. C’est aussi pour cela qu’on parle souvent de « série de David Fincher ». Pour la filiation très claire qui existe entre Zodiac et Mindhunter, mais aussi pour Seven ou encore Gone Girl. Il se trouve ainsi que Mindhunter vient tout naturellement s’inscrire dans l’œuvre globale de Fincher. Jusqu’à carrément s’imposer comme une sorte de genèse, vu qu’ici, c’est précisément de la reconnaissance des tueurs en série en tant que tel dont il est question ainsi que de la mise en place de nouvelles méthodes censées permettre de les comprendre pour mieux les démasquer. C’est alors qu’un autre rapprochement se met rapidement en place. Difficile de ne pas penser à Sherlock Holmes tant Arthur Conan Doyle a toujours su faire preuve dans ses écrits d’une clairvoyance qui a conféré à ces derniers une universalité probante. Conan Doyle qui, sur bien des aspects, a lui aussi dessiné les contours de cette nouvelle science criminelle au centre de la dynamique de Mindhunter. Il est donc parfaitement logique de retrouver Fincher dans un univers comme celui-là. Fincher qui a en outre manifestement bénéficié d’une grande liberté de mouvement au point, à un niveau encore plus grand que pour House Of Cards, d’avoir défini l’identité de la série. Réalisateur des deux premiers épisodes et des deux derniers, il donne le La. Visuellement, Mindhunter est une merveille de tous les instants. On retrouve l’ambiance des meilleurs longs-métrages du réalisateur. Cette même délicatesse et cette même précision qui encouragent une immersion probante qui fait toute la différence. Jouissant d’une photographie extrêmement soignée, le show est une réussite graphique exceptionnelle, bien au dessus du tout venant. Surtout si on le compare aux autres productions du genre, comme Les Experts, qui font montre d’une exigence plastique (et narrative) bien moins éclatante.

Entretien avec un monstre

Le postulat de Mindhunter, qui définit in fine la façon dont la série évolue dans le temps, est des plus géniaux. Deux agents du FBI, complémentaires mais pas trop, répondant en quelque sorte mais sans trop sortir du cadre, aux codes du buddy movie, se confrontent aux pires criminels américains pour tenter de mieux saisir leurs motivations et de mieux comprendre leurs actes. Le terrain de « jeu » rêvé pour une série qui entend justement démonter un à un les clichés du genre pour se poser au final à la fois comme un formidable thriller hyper tendu mais aussi comme la radiographie de toute une époque, en se payant en plus le luxe de tendre un miroir pas si déformant que cela au monde d’aujourd’hui. Vu que Mindhunter est l’adaptation d’un livre écrit par les deux agents qui ont eux-mêmes inspiré les deux personnages principaux, les tueurs que l’on voit à l’écran et qui sont interviewés au fil des épisodes, sont également de vrais tueurs. Des hommes comme le glaçant Ed Kemper et Jerry Brudos. Ce qui permet également à la série de s’inscrire dans une démarche réaliste qui amplifie la portée du discours et celle des thématiques abordées. Ici, pas d’action au sens strict du terme. Autant le savoir avant d’attaquer le visionnage, jamais les agents du FBI ne dégainent leurs armes. Dans Mindhunter, l’action passe par les mots. Surtout lors des entretiens avec Kemper, Brudos et les autres. Des interrogatoires qui vont au bout d’une horreur tragiquement tangible, rythmés à la perfection par une écriture au cordeau et remarquablement mise en scène par un pool de réalisateurs qui suivent le cahier des charges d’un Fincher toujours aussi inspiré et à l’aise dans un univers qu’il connaît bien. Alors oui, de prime abord, cela peut faire peur. Parce que Mindhunter ne cède pas aux canons les plus opportunistes du genre et parce qu’elle s’impose comme une série d’ambiance avant tout. Pour autant, il suffit de s’y poser devant quelques minutes pour comprendre qu’on navigue ici dans les hautes sphères d’un style à la fois respecté mais aussi sublimé. Si il était envisageable bien que difficile, que Mindhunters fasse souffler un vent de nouveauté sur le genre, c’est bel et bien ce qu’elle fait au final. Le tout, comme souligné plus haut, en ne se privant jamais d’aller très loin au point de s’avérer plus qu’à son tour dérangeante, innovante et profondément pertinente.

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Voyage au cœur de la bête

Au tout début, alors que les deux agents du FBI tentent de convaincre leur supérieur du bien-fondé de leur démarche, ce dernier leur rétorque que le fait d’essayer de comprendre des tueurs n’a aucun intérêt. Il faut juste les enfermer pour préserver la société. On comprend alors que Mindhunter ne sera pas uniquement une série policière. Qu’elle va gratter là où ça démange. Aller au bout des choses. Mindhunter qui pointe donc du doigt la politique américaine (mais pas seulement) et ses contradictions, avec une ferveur rare, dotée d’un courage certain et de cette capacité à se canaliser sans jamais se brider. Comprendre pour changer l’avenir ou tout du moins pour prévenir. Pour adapter les comportements. Et là où la série fait également très fort, c’est qu’elle n’oublie pas de souligner les limites de la démarche des agents. Quand l’un d’entre eux commence à voir le mal là où il n’est peut-être pas (ou du moins pas à un niveau comparable à celui que l’on retrouve chez Ed Kemper) mais surtout quand le mal en question ronge le bien. Quand il corrompt une certaine idée de pureté chez ceux qui entendent se faire les représentants d’une loi nouvellement dotée d’une acuité difficile à dompter. Complexe, Mindhunter l’est certainement. Ce qui est flagrant quand on tente d’en expliquer les rouages mais pas du tout quand on la regarde. Comprendre par là qu’au fond, tout coule de source et que si le show n’est pas aussi ludique que NCIS, il est beaucoup plus passionnant, plus profond aussi, plus réaliste et plus soigné.
Même chose au niveau du casting et de la direction d’acteurs. Au premier plan, Jonathan Groff met en avant une capacité troublante à l’ambiguïté, tandis que son personnage traduit justement la propension du mal à s’immiscer dans les cœurs les plus purs. Excellent, le comédien trouve à qui parler en la personne de Holt McCallany. Un acteur vu chez Fincher dans Alien 3 et Fight Club, qui trouve un peu le rôle de sa vie et qui est exceptionnel tout du long. Difficile de comparer la dynamique du duo à celle de McConaughey et Harrelson dans True Detective. Pourtant, là encore, il convient de souligner que pour le moment, si tout le monde reconnaît la virtuosité de la performance de Jonathan Groff, peu louent les mérites de son co-équipier alors qu’au fond, il est tout aussi excellent et peut même être considéré comme plus important tant il fait office de point d’ancrage et contribue lui aussi à l’illustration et à l’émancipation des thématiques les plus importantes du récit (grosse mention au stupéfiant Cameron Britton qui campe Ed Kemper). À noter également un autre point non négligeable, à savoir l’importance des rôles féminins. Que ce soit avec Anna Torv ou Hannah Gross, qui campent deux personnages cruciaux qui remettent régulièrement en question les choix des hommes dans une société (pour rappel la série se déroule à la fin des années 70) où cela était tout sauf évident. De manière flagrante ou plus discrète, Mindhunter n’oublie jamais de mentionner la place et le rôle des femmes. Que ce soit quand il s’agit de comprendre le modus operanti des tueurs ou lorsqu’il s’agit de mettre en exergue les excès d’une société alors principalement dirigée par les hommes.
Une nouvelle preuve de l’intelligence de cette œuvre tentaculaire, profondément ambitieuse, audacieuse et, on se répète mais c’est important, visuellement parfaite.

En Bref…
La première saison de Mindhunter fait office de référence exemplaire. Magnifiquement mise en images, cette série fait montre d’une bravoure et d’une intelligence qui font souvent défaut aux œuvres du genre. Au final, c’est à une authentique révolution que Netflix, Joe Penhall et David Fincher nous confrontent. Dérangeante, passionnante, tendue, mais aussi parfois décalée, sans cesse immersive et profondément actuelle, Mindhunter est incontournable. Brillant !

@ Gilles Rolland

Mindhunter  Crédits photos : Netflix

Par Gilles Rolland le 23 octobre 2017

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