[Critique] GLASS

CRITIQUES | 17 janvier 2019 | 1 commentaire
Glass-poster

Titre original : Glass

Rating: ★★½☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Distribution : James McAvoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson, Sarah Paulson, Anya Taylor-Joy, Spencer Treat Clark, Charlayne Woodard, Luke Kirby…
Genre : Thriller/Fantastique/Suite/Saga
Date de sortie : 16 janvier 2019

Le Pitch :
David Dunn parcourt les rues de Philadelphie à la recherche de la Bête, la personnalité la plus puissante de Kevin Crumb, un individu perturbé et dangereux à l’origine de nombreux crimes. Dunn qui, 19 ans après sa rencontre avec Elijah Price, a désormais totalement accepté sa condition de super-héros. Price pour sa part, enfermé depuis toutes ces années dans un hôpital psychiatrique, rumine sa vengeance…

La Critique de Glass :

M. Night Shyamalan est monté très haut d’un coup. Avec Sixième Sens, puis avec Incassable, l’un de ses deux chefs-d’œuvre. Un film de super-héros totalement novateur, puissant et évocateur, qui encore aujourd’hui s’impose comme le parfait antidote aux blockbusters pleins à raz la gueule d’effets-spéciaux et parfois désincarnés. Puis vint Signes, un autre coup de maître, malheureusement incompris. De quoi amorcer la chute de l’idole. La critique a suivi un temps mais le public, de moins en moins. Puis personne n’a compris Phénomènes, un délire écolo à côté de la plaque. Idem avec son foireux After Earth, de plus parasité par le numéro de duettiste de Will Smith et de son cabotin de fils. Mais doucement, fidèle à la tradition hollywoodienne du come-back, Shyamalan a remonté la pente. Un petit thriller horrifique surprenant (The Visit) a préparé son retour en grâce, avant le choc Split. Un thriller acclamé mais un peu surfait et surtout très prétentieux, récompensé au box-office. Split que Shyamalan, fidèle à son habitude de terminer ses films par des twists, a subitement transformé en suite d’Incassable, en invitant, lors des dernières minutes, David Dunn, le personnage incarné par Bruce Willis. Et puis il y eu l’annonce de Glass, le troisième volet de la saga. Un film ambitieux et casse-gueule issu de la collaboration de deux studios (Buena Vista, qui détient les droits d’Incasssable) et Universal (qui possède ceux de Split). Un tour de force sur le papier qui à l’écran déçoit… Chronique d’une douche peut-être pas glaciale mais bien trop tiède pour laisser un souvenir mémorable…

Glass-Taylo-Joy-Jackson

Rompre la glace

Dans Glass, Shyamalan organise la rencontre de David Dunn, le super-héros encapuchonné, de Kevin Crumb, le schizophrène aux très nombreuses personnalités et d’Elijah Price, le passionné de comics super intelligent qui casse comme du verre. C’est d’ailleurs lui qui donne son nom au film. Lui le pivot d’une dynamique centrée sur l’association des deux méchants contre le gentil. Alors on voit rapidement venir Shyamalan avec ses gros sabots. On l’imagine déjà à l’époque du sacre de Marvel, après ses premiers cartons, Iron Man et Avengers, voir régulièrement revenir son Incassable dans les discussions sur le sujet, où il est souvent mentionné que son film est l’un des meilleurs trips de super-héros, bien loin devant les démonstrations de force en images de synthèse de ceux qui se sont donnés pour objectif de tout exploser avec toujours plus de puissance à chaque nouvel épisode de leur franchise à ramifications multiples. On le voit très bien fomenter son retour avec un autre film de super-héros différent des Marvel et autres DC. Il est comme ça Shyamalan, il a tendance à se croire plus subtil qu’il ne l’est vraiment. Cela dit, on l’attendait quand même son Glass car Incassable est en effet l’un des meilleurs films du genre. On espérait que ce soit une nouvelle bouffée d’air frais. Une autre proposition pour aller dans une autre direction, soulever des thématiques plus subtiles et ne pas tout miser sur le grand spectacle. Un vrai bon film de super-héros avec du sens et du fond ! Le hic, c’est que Shyamalan s’est pris les pieds dans le tapis à partir du moment où il n’a envisagé Glass seulement comme un antidote à Marvel et DC. Au point de perdre de vue l’essentiel et de s’éloigner, alors qu’approche la fin de l’histoire, de tout ce qui fait d’Incassable un authentique chef-d’œuvre du genre.

Glace à l’eau

Glass tire ainsi plus du côté de Split que d’Incassable. James McAvoy nous ressort son numéro un peu forcé et parfois même ridicule et Shyamalan, comme pour se (nous) prouver qu’il peut maintenir l’attention et la tension sans bastons et autres scènes d’action, mise tout sur les dialogues. On a par exemple pu lire, dans le Première de février, qu’il était très fier que la scène la plus importante du long-métrage soit un échange entre les trois personnages et Sarah Paulson de plus de 11 minutes. Le soucis, c’est que le passage en question est chiant comme la pluie. Ça parle, ça se regarde en coin, ça doute et ça parle encore pour au final toujours dire en substance la même chose. Et tout du long Glass nous impose des joutes verbales à sens unique entre des personnages uniquement définis par des gimmicks un peu encombrants.
Malgré tout, le début est très réussi. Bruce Willis, pour le coup vraiment de retour à quelque chose de solide, après le faux départ Death Wish, retrouve ses marques immédiatement et, dans une économie de moyens parfaitement nuancée, fait honneur à son personnage. Le fait d’avoir également rameuté le fils de David Dunn (joué par le même acteur) était une bonne idée. Pas de soucis, ça fonctionne. La première confrontation, attendue, entre la Bête et Dunn tient aussi ses promesses. On ne peut pas en dire autant de l’entrée en matière de la dite-Bête malheureusement, McAvoy en étant réduit à cabotiner et au bout d’un moment, ça devient gênant. Ensuite, le film commence à piétiner sévère. Samuel L. Jackson est bon mais son rôle, à l’image des os du personnage, se fissure de toutes parts. Anya Taylor-Joy, qui se faisait enlever par la Bête dans Split, revient aussi mais Shyamalan échoue à justifier son retour et ses interventions sont systématiquement aux fraises. Le pire étant le rôle que surjoue Sarah Paulson. Un hommage grossier à Hitchcock tout au plus…

Vol au-dessus d’un nid de coucous

Mais ce n’est pas tout car Shyamalan a plus d’un tour dans son sac. Sa plus mauvaise idée ? Enfermer les trois piliers de Glass dans un asile, les placer dans trois pièces différentes et laisser le soufflé retomber en mettant en avant une prétention de moins en moins supportable. Une décision incompréhensible. Parce que oui, on veut bien que Glass n’organise pas de gigas bastons entre le super-héros et les super-vilains mais il y avait certainement moyen de trouver un juste milieu. Là, Shyamalan nous la joue théâtrale sans avoir la matière pour rendre sa démarche pertinente ou même un tant soi peu consistante. Il reste bien quelques scènes et quelques plans rappelant qu’on a affaire à un type pétri de talent mais beaucoup de passages de Glass nous rappellent aussi que Shyamalan a trop tendance à s’écouter parler. À s’auto-glorifier face caméra par le biais des circonvolutions de son scénario faussement alambiqué. Le twist, car oui il y a un retournement de situation à la fin de Glass, vient en apporter l’ultime preuve. Un twist complètement décevant, crétin même et surtout parfaitement indigne de la pertinence du propos d’Incassable et de ses puissants enjeux.
Au fond, Glass, troisième volet d’une trilogie prometteuse mais décevante dès son deuxième volet, est à l’image de cette cellule dans laquelle Kevin Crumb est enfermé. Une pièce nue, où sont disposés des projecteurs censés se déclencher chaque fois que la Bête tente d’émerger pour forcer une personnalité moins agressive à rependre le contrôle du corps de Kevin. Non, ça ne tient pas car on se dit demande très vite pourquoi Kevin ne ferme tout simplement pas les yeux, avant de se transformer et de défoncer la porte… On se demande oui et il n’est pas interdit de le faire en fermant soi-même les yeux, gagné par un ennui dans un premier temps poli puis par la suite plus affirmé.

En Bref…
Sans être totalement raté, Glass s’impose comme une belle déception. Plus proche de la prétention en roue libre de Split que de la pertinence et la puissance évocatrice d’Incassable, il se montre trop prétentieux et parfois carrément à côté de la plaque pour convaincre, notamment dans son dénouement. Alors non, Glass ne gâche pas tout. Il ne remet bien sûr pas en cause la qualité d’Incassable. Ce qu’il fait par contre, et c’est presque aussi grave, c’est de gâcher les perspectives que nous avions échafaudées toutes ces années. Perspectives que la fin de Split avait relancées en rendant concrète l’idée d’une suite. Perspectives gâchées par un réalisateur imbus de lui-même et ici totalement incapable de mettre un frein à ses prétentions hors-sujet pour mettre son talent d’écriture au service de ses personnages.

@ Gilles Rolland

Glass-Bruce-Willis   Crédits photos : The Walt Disney Company France

Par Gilles Rolland le 17 janvier 2019

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[…] maître de l’air ou d’After Earth, qui, avec Phénomènes et dans une moindre mesure Glass, sont ses plus grands ratages artistiques. Cela dit, avec Knock at the Cabin, M. Night Shyamalan […]