[Critique] CAFÉ SOCIETY

CRITIQUES | 12 mai 2016 | Aucun commentaire

Titre original : Café Society

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Woody Allen
Distribution : Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell, Blake Lively, Parker Posey, Corey Stoll, Ken Stott, Anna Camp, Tony Sirico, Woody Allen…
Genre : Comédie/Romance
Date de sortie : 11 mai 2016

Le Pitch :
New York, dans les années 30. Bobby est un jeune homme ambitieux. Lassé de travailler dans l’entreprise familiale avec son père et peu enclin à intégrer le business mafieux de son frère, il décide d’aller rejoindre son oncle à Hollywood, dans l’espoir de percer dans le milieu du cinéma. Là-bas, il fait la connaissance de la belle Vonnie, une jeune femme malheureusement déjà amoureuse d’un autre homme. Pourtant, quand celle-ci lui annonce que son petit-ami vient de rompre, Bobby voit l’opportunité d’enfin trouver le bonheur…

La Critique :
Il est là, pile poil à l’heure, le nouveau film de Woody Allen ! Un long-métrage qui remonte le temps pour nous plonger en plein âge d’or du cinéma hollywoodien, dans les années 30, en compagnie d’un jeune homme désireux de faire son trou sous le soleil des stars et des grands studios. Et c’est justement un peu dans le même contexte que Café Society est présenté au monde en ce jour de mai 2016, alors que Cannes a choisi Allen pour ouvrir son fameux festival.
Pour autant, contrairement à ce que la bande-annonce ou encore le pitch pouvaient laisser croire, le film n’est pas vraiment un hommage au cinéma. Pas uniquement en tout cas. Car contrairement aux frères Coen, qui avec leur récent Avé, César !, payaient leur tribut à cette époque, en prenant comme prétexte une intrigue de film noir, Woody lui, s’en sert surtout comme toile de fond à des thématiques auxquelles il reste fidèle depuis ses débuts. Bien sûr, l’admiration du cinéaste face aux célébrités qui ont sans aucun doute contribué à bâtir sa cinéphilie est évidente. Surtout quand il balade sa caméra dans le Café Society qui donne son titre au métrage, ou quand il s’égare dans les fêtes fastueuses du gotha hollywoodien. Quand ses personnages évoquent Errol Flynn ou William Wyler également. Woody Allen aime le cinéma c’est indéniable, mais au fond, rien ne pourra jamais le détourner de l’analyse des sentiments humains à laquelle il se livre depuis son tout premier tour de manivelle.

Café-Society-Blake-Lively

Café Sociéty est donc moins l’histoire d’une conquête carriériste que d’une conquête amoureuse. Jesse Eisenberg, pour la seconde fois devant la caméra du réalisateur après To Rome With Love, campe l’alter-ego d’Allen. Celui qui va se heurter au Monde et à l’amour. Celui qui va rêver, espérer, puis devoir gérer la déception, pour enfin improviser. Un outsider néanmoins plein de gouaille, qui prouve que si on retrouve toujours plus ou moins le même héros dans le cinéma de Woody, ce dernier sait aussi faire évoluer le schéma qu’il a créé de toutes pièces. On observe donc dans le personnage de Jesse Eisenberg cette volonté de rendre justice à une écriture certes basée sur des gimmicks confortables (pour le réalisateur mais aussi pour son public, ce qui n’est en aucun cas une mauvaise chose), mais aussi ce désir d’aller de l’avant. De surprendre. Doucement certes, mais sûrement. Alors qu’auparavant, le même genre de protagoniste aurait passé son temps à se lamenter en nous gratifiant au passage de géniales tirades sur les vicissitudes de l’amour, Jesse Eisenberg va de l’avant. Il verbalise moins. Les autres le font à sa place. La voix-off notamment, assurée par le maître « himself », qui pose le contexte, donne de la clarté aux ellipses et confère indéniablement un rythme soutenu à l’ensemble.
Et puis il y a cette dimension chorale. Encore une fois, Café Society est un pur film de Woody Allen. Au niveau de l’écriture, on retrouve vite nos repères, sans aucun problème. Les répliques jubilatoires fusent, on rit et on vibre. Cela dit, cette fois-ci, le metteur en scène a appuyé le côté littéraire de la chose. Il multiplie les allers-retours entre New York et Los Angeles. Il nous parle de cet agent joué avec malice par Steve Carrel et de sa secrétaire indécise quant à la direction à donner à sa vie sentimentale, puis s’intéresse à un mafieux, le frère du héros, au fil de séquences directement empruntées, pour le coup, au cinéma policier des années 30. Des scènes par ailleurs quasiment muettes, si on fait exception de la voix-off. Ce film n’est pas le film d’un seul personnage. Jesse Eisenberg est bien au centre de l’attention mais il n’est pas le seul et c’est souvent que la caméra se détache de lui pour aller voir du côté des autres. De ses parents, de sa sœur et de son mari, ou encore de son autre amour, joué par la spectaculaire Blake Lively, ici parfaite une nouvelle fois. La love story de Jesse Eisenberg et de Kristen Stewart est l’axe autour duquel tournent tous les autres intervenants. Des intervenants qui pour certains, ne sont ainsi pas relégués au rang de simple intervenants.

C’est au final à une espèce de joyeux cirque, tantôt cruel, tantôt volage, mais toujours maîtrisé que nous convie Woody Allen. Un artiste en pleine possession de son talent, qui donne à cette histoire moins légère qu’il n’y paraît, mais jamais indigeste, de nombreuses saveurs, qu’il est agréable de déguster sans vraiment voir passer le temps.
Allen qui s’est pour l’occasion rapproché du chef opérateur Vittorio Storaro, avec lequel il travaille pour la première fois. Connu pour avoir opéré sur Apocalypse Now ou encore Le Dernier Tango à Paris, Storaro accomplit ici des merveilles. Que ce soit à New York ou à Hollywood, sa lumière arrive toujours à souligner l’essentiel. Elle offre au film l’occasion de briller de mille feux au rythme de superbes vignettes. Peut-être parmi les plus belles dont Allen puisse se vanter. Leur collaboration sonne comme une évidence et leur travail est d’une beauté saisissante. Les visages des acteurs, que Woody filme souvent en plans rapprochés, ressortent avec une patine « old school » parfaitement à propos, tandis que les paysages offrent une toile de fond idéale aux errances amoureuses du personnage principal.
Un héros qui jouit du naturel de Jesse Eisenberg, décidément à sa place chez Allen. Un acteur qui retrouve Kristen Stewart, sa complice d’Adventureland et d’American Ultra, pour sa part, nouvelle chez le cinéaste, mais totalement à son aise également. Leur complicité fait toujours des merveilles. Steve Carell quant à lui, est excellent. C’est d’ailleurs lui qui a remplacé Bruce Willis, initialement choisi par le réalisateur. Corey Stoll, la fidèle Parker Posey, Blake Lively donc, qui a elle seule incarne tout le glamour de l’époque, l’hilarant Ken Stott et tous les autres parachèvent un casting aux petits oignons, qui vient confirmer le goût de Woody Allen quand il est question de sélectionner ses acteurs.

On pourra toujours affirmer que Café Society est inférieur à tel ou tel film de la filmo d’Allen. Ce n’est peut-être pas le meilleur ni le plus ambitieux, mais c’est probablement l’un des plus beaux. L’un des plus limpides aussi. À ranger aux côtés de Coups de feu sur Broadway et d’une poignée d’autres, comme Magic in the Moonlight, il se démarque par sa capacité à jouer sur plusieurs tableaux, sans jamais se perdre en chemin. À garder le contrôle tout du long sans oublier d’en donner au public pour son argent. Café Sociéty est une gourmandise. Un film hors du temps, fidèle aux idéaux de son metteur en scène, en forme de réflexion amoureuse à la fois tragiquement réaliste mais néanmoins onirique.

@ Gilles Rolland

Café-Society-Kristen-Stewart-Jesse-Eisenberg  Crédits photos : Mars Distribution

Par Gilles Rolland le 12 mai 2016

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