[Critique] DON’T LOOK UP : DÉNI COSMIQUE
Titre original : Don’t Look Up
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Adam McKay
Distribution : Leonardo DiCaprio, Jennofer Lawrence, Rob Morgan, Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett, Mark Rylance, Tyler Perry, Timothée Chalamet, Melanie Lynskey, Ron Perlman, Himesh Patel, Ariana Grande, Gina Gershon, Michael Chiklis, Tomer Sisley, Chris Evans…
Genre : Drame/Comédie
Durée : 2h18
Date de sortie : 24 décembre 2021 (Netflix)
Le Pitch :
Kate Dibiasky, une doctorante en astronomie, découvre une nouvelle comète. Dans un premier temps ravie, elle fait part de sa trouvaille à son professeur, le docteur Randall Mindy. Alors qu’il effectue des recherches, ce dernier s’aperçoit que la comète en question, dont le diamètre avoisine les 10 km, se dirige tout droit vers la Terre. Conscients que l’impact, qui doit se produire un peu plus de 6 mois plus tard, annihilera toute forme de vie sur la planète, les deux scientifiques s’empressent de prévenir les autorités mais se heurtent au scepticisme et à la désinvolture de la Maison Blanche. Commence alors pour eux une véritable lutte pour sauver l’espèce humaine…
La Critique de Dont’t Look Up : Déni cosmique :
Si Adam McKay a commencé dans la franche comédie, avec des films devenus des classiques comme Présentateur vedette, Ricky Bobby, roi du circuit et Frangins malgré eux, il était clair que ce dernier n’avait pas pour unique ambition de pousser son public à se bidonner. Avec The Big Short, son puissant, acerbe et ludique pamphlet sur l’explosion de la bulle financière, McKay a clairement affiché ses ambitions et ainsi démontré qu’il pouvait faire autre chose que de la comédie. Le tout avant de livrer avec Vice, son incroyable vrai/faux biopic sur Dick Cheney, l’un des meilleurs films politiques de ces 10 dernières années. Et on ne parle pas de son implication sur la série Succession, qui figure parmi les créations les plus mémorables de HBO.
Adam McKay qui revient en cette fin d’année avec un autre incroyable uppercut, à savoir Don’t Look Up, où comment traiter en un peu plus de 2 heures de quelques-uns des travers les plus tragiques de notre société à l’heure où celle-ci expose son incapacité crasse à se rassembler pour affronter une menace aussi identifiée que commune à tout le monde. Un exploit que le cinéaste réussit à accomplir sans cesser de se montrer drôle, encore une fois ludique, inventif et surprenant. Alors pour une fois, on ne va pas jouer la carte du suspense. Don’t Look Up, qu’est-ce que ça donne ? C’est tout simplement un chef-d’œuvre.
Brûlante actualité
Imaginez Armageddon sans son patriotisme pompier, sans ses gros bras et sans la propension de Michael Bay à tout faire exploser. Sans chercher à dénigrer le blockbuster avec Bruce Willis, qui reste très distrayant, disons que Don’t Look Up adopte une approche radicalement différente. Même si le postulat est au fond le même : un astéroïde menace de détruire la Terre. Ici, Adam McKay, qui a aussi co-écrit le scénario, se concentre donc sur deux lanceurs d’alerte absolument pas pris au sérieux par l’élite politique et par une société qui refuse de croire en sa propre fin. L’astéroïde en lui-même étant la métaphore que McKay utilise pour traiter de notre rapport au réchauffement climatique.
Il faut aussi souligner que la fin de l’écriture du script a chevauché le début de la pandémie de Covid-19. Et oui, au final, le film fait non seulement écho à la menace de plus en plus présente du dérèglement climatique mais aussi à la problématique de la pandémie. On y pense d’ailleurs tout particulièrement quand, alors que l’astéroïde se rapproche, un large pourcentage de la population pense qu’il n’y a pas d’astéroïde du tout. Alors forcément oui, Don’t Look Up résonne avec une puissance dévastatrice avec notre actualité.
Apocalypse (presque) Now
Libre de ses mouvements, Adam McKay s’attaque à son sujet de la même manière qu’il a pu le faire avec la crise dans The Big Short et avec Dick Cheney dans Vice c’est à dire sans retenir ses coups mais en prenant toujours garde à ne jamais tomber dans l’excès. Ici, une nouvelle fois, l’attaque est intelligente et pertinente. Quand il donne à Meryl Streep le rôle d’une présidente qui fait méchamment écho à Donald Trump, il le fait en y mettant les formes. Quand il met en exergue les gens de savoir, les scientifiques et les personnes mesurées et raisonnables face aux idiots qui malheureusement, ont souvent plus d’influence, il sait précisément comment donner de la force à son propos. Ainsi, Don’t Look Up est incroyablement édifiant.
À la manière d’Idiocracy, mais en beaucoup plus nuancé, plus réaliste, mieux écrit et plus cinématographique, Don’t Look Up dissèque les faiblesses les plus crasses de notre société. Il démonte notre soif de surpuissance et de domination sur une terre qu’il met sur la sellette. L’apocalypse sert ici de révélateur car elle met en évidence la bêtise et l’ignorance d’une partie de l’humanité peut encline à changer quoi que ce soit dans ses habitudes pour tenter de remporter un combat qu’elle préfère éluder. Là encore, voilà qui fait superbement écho à la crise du Covid-19.
Charge héroïque
En première ligne, Leonardo DiCaprio, que l’on sait très concerné quant à la problématique du réchauffement climatique, se donne à nouveau à fond dans un rôle impeccable, auquel il fait sans cesse honneur. Il est ainsi facile d’oublier que c’est lui, cette superstar, qui campe ce scientifique rongé par ses psychoses, confronté à la stupidité d’une hiérarchie qui met à mal ses tentatives pour éveiller les consciences au sujet d’une réalité pourtant tangible. À ses côtés, Jennifer Lawrence revient au front après une longue pause et retrouve instantanément son mojo. Parfaite de bout en bout, émouvante et drôle, à l’instar de son partenaire, elle livre une performance absolument parfaite. Il en va de même de Rob Morgan, excellent, de Jonah Hill, de Cate Blanchett ou encore de Timothée Chalamet et Tyler Perry. Et comment ne pas applaudir des deux mains l’hilarant numéro de Mark Rylance, lui qui joue une version à peine caricaturée de Steve Job face à une Meryl Streep stupéfiante en présidente des États-Unis.
Propulsé par l’un des castings les plus impressionnants de l’année, Don’t Look Up ne se repose pourtant pas sur ses acteurs ou sur la force de son sujet pour dérouler son récit, mais parvient à surprendre constamment. Traversé de fulgurances inouïes, de petites surprises à la Vice ou à la The Big Short, souvent très drôle (les deux scènes post-génériques sont à hurler de rire), d’une justesse presque tragique et, c’est plus surprenant, parfois émouvant, ce film est tout simplement exceptionnel.
En tendant un miroir à la société, et pas seulement à l’Amérique, loin s’en faut, Adam McKay a réalisé une œuvre totalement en phase avec son temps. Une incroyable comédie-dramatique apocalyptique, où tout ce qui se déroule à l’écran évoque une réalité. McKay passe à la moulinette la politique, les complotistes, les rednecks (Ron Perlman est excellent en héros de guerre à la ramasse), les pop stars qui ne vivent qu’à travers leur compteur de likes, les gens de la télévision, ceux du cinéma et plus globalement tout ce qui malheureusement, caractérise bien trop souvent notre époque. Mais aussi, et on va finir là dessus, il n’oublie jamais de faire du cinéma. Du très grand cinéma.
En Bref…
Porté par un casting dominé par les formidables prestations de Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio, d’une drôlerie extrême, incroyablement pertinent, nuancé mais aussi agressif, virtuose dans son approche, ludique et touchant, Don’t Look Up est tout simplement un authentique chef-d’œuvre. Un film qui reste longtemps en mémoire et qui fera, à n’en pas douter, date. Un classique instantané.
@ Gilles Rolland
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