[CRITIQUE] MEN

CRITIQUES | 9 juin 2022 | Aucun commentaire
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Titre original : Men

Rating: ★★★★½

Origine : Grande-Bretagne

Réalisateur : Alex Garland

Distribution : Jessie Buckley, Rory Kinnear, Gayle Rankin, Paapa Essiedu

Genre : Épouvante/Horreur

Durée : 1h40

Date de sortie : 8 juin 2022

Le Pitch :

Harper, une jeune femme, décide de se mettre au vert pendant quelques jours à la suite du suicide de son ex-mari. Elle loue une maison isolée dans la campagne et profite de la nature. Néanmoins, rapidement, les habitants du village tout proche adoptent envers elle un comportement pour le moins étrange…

La Critique de Men :

Connu pour avoir écrit le roman La Plage, adapté au cinéma par Danny Boyle, puis en tant que scénariste de 28 jours plus tard, Sunshine et Dredd, Alex Garland a aussi brillé en tant que metteur en scène en emballant l’excellent Ex Machina et le fascinant Annihilation. Le voici aujourd’hui de retour pour le compte de la société de production A24, avec un pur film d’épouvante aussi original que perturbant.

A24 en force

Ces dernières années, parmi les productions horrifiques parfois attendues, rarement surprenantes et souvent décevantes émanant des gros studios ou de structures comme Blumhouse, A24 a su tirer son épingle du jeu en proposant des films pour le moins jusqu’au-boutistes, portés par d’authentiques visions. Des films comme It Comes at Night, Hérédité, Midsommar ou encore le récent X, encore inédit en France. A24 qui a eu le nez creux, une nouvelle fois, en accueillant à bras ouverts Alex Garland. Ce dernier qui en a profité pour livrer son œuvre la plus extrême et peut-être bien la plus réussie.

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Métaphore

Au centre du récit, la remarquable Jessie Buckley incarne Harper, une femme victime de violences conjugales, venue se ressourcer dans une maison de campagne. Maison autour de laquelle gravitent d’étranges hommes, tour à tour sympathiques en apparence ou d’emblée inquiétants, alors que peu à peu semblent se refermer des forces dont l’objectif est visiblement d’annihiler l’existence de la jeune femme ou en tout cas de détruire sa santé mentale. Bien sûr, s’il reste suffisamment cryptique pour encourager de multiples interrogations et autres interprétations, Men ne cache jamais qu’il demeure avant tout une puissante métaphore sur les violences faites aux femmes, dissertant pendant plus d’1h30, avec beaucoup de pertinence, sur les conséquences de ces violences.

L’approche qu’adopte Alex Garland a néanmoins de quoi surprendre. Hunter n’a rien d’une victime désignée. Forte et indépendante, elle se bât en permanence et conserve cette rage et ce répondant qui ici, à tendance à devenir le révélateur de la violence de ces mystérieux agresseurs qui jour après jour tentent de s’en prendre à elle.

Folk horror

Rangé dans la catégorie folk horror en raison de son environnement champêtre et de sa propension à user de symboles issus d’un folklore local pour le moins ambigu, riche en références semblant prendre leur source dans une mémoire collective suffisamment puissante pour encourager chez les hommes des idées persistantes et des habitudes répétées de génération en génération, Men n’a rien du film d’horreur basique généreux en jump squares. Habité par la vision de son auteur (Alex Garland l’a écrit seul), plongé dans une ambiance qui doit beaucoup à la localisation choisie, ce petit village hors du temps et, dirait-on presque, de l’espace, Men va plus loin et ne tente jamais de brosser le spectateur dans le sens du poil, au risque de se l’aliéner.

Méritant et courageux, le long métrage traduit la volonté d’Alex Garland de pousser son concept jusque dans ses derniers retranchements, sans s’interdire diverses errances toujours justifiées. Il en va d’ailleurs de même de ce côté légèrement contemplatif, également pertinent, qui jamais ne semble prendre le public de haut. Contrairement à un Jordan Peele souvent un peu condescendant et élitiste, Alex Garland fait preuve de plus de modestie et au final, de cohérence également. Maître de son sujet, il distille ses effets avec brio pour faire naître une peur sourde car évoquant des craintes bien enfouies, presque viscérales, jusqu’à ce final absolument horrible. Une conclusion très perturbante, comme le film dans son ensemble d’ailleurs, qui achève de faire de rendre cette proposition de cinéma précieuse à plus d’un titre.

Country house

Alex Garland se distingue également dans sa direction d’acteurs, exploitant au mieux le talent de Jessie Buckley mais aussi celui de son partenaire, l’incroyable Rory Kinnear. Un acteur, disons-le clairement, qui fait partie des plus doués actuellement en activité. Le genre de comédien de prime abord discret, capable de faire naître la terreur en un clignement de paupière. Ici tétanisant, il représente une menace aussi floue que terrifiante et incarne une forme de mal malheureusement trop commune, aussi sourde qu’insidieuse et perverse quand elle se cache derrière de belles intentions et des sourires de façade. Un mal qu’Alex Garland illustre dans son denier film qui est donc, vous l’aurez compris, aussi dérangeant que marquant.

En Bref…

Exigeant et cryptique (peut-être un peu trop), Men fait preuve d’une originalité et d’un jusqu’au-boutisme extrêmement rare. Porté par les performances exceptionnelles de Jessie Buckley et Rory Kinnear ainsi que par la vision d’un réalisateur/scénariste en pleine possession de ses moyens, ce film réussit à faire naître une peur tangible et durable. Men dont les images restent un moment en tête après la projection. Avis aux âmes sensibles.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Metropolitan Filmexport
Par Gilles Rolland le 9 juin 2022

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