[CRITIQUE] CIVIL WAR

CRITIQUES | 13 avril 2024 | Aucun commentaire
Civil-War-affiche

Titre original : Civil War

Rating: ★★★★½

Origines : Royaume-Uni/États-Unis

Réalisateur : Alex Garland

Distribution : Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura, Stephen McKinley Henderson, Jesse Plemons, Nick Offerman…

Genre : Thriller/Drame/Dystopie

Durée : 1h49

Date de sortie : 17 avril 2024

Le Pitch :

Dans un futur proche, au cœur d’une Amérique déchirée par une nouvelle guerre civile meurtrière, une équipe de journalistes tente de rallier Washington DC afin d’interviewer le président. Un dirigeant ayant institué la dictature à l’origine du chaos qui chaque jour voit s’affronter plusieurs groupes armés aux méthodes souvent expéditives…

La Critique du film Civil War :

Alex Garland est tout sauf tiède. Toutes ses réalisations, dont il a par écrit les scénarios, lui qui s’était fait la main avec les scripts de La Plage, Sunshine ou encore Dredd, ont quelque chose qui divise. C’est valable pour son Ex Machina, peut-être son plus fédérateur, mais surtout pour Annihilation ou encore son récent Men.

Tous ont été conspués d’un côté et célébrés de l’autre. Tous ont tenté des choses et tous ont démontré le caractère d’un artiste désireux de ne pas se ranger du côté des clichés et autres lieux communs inhérents au cinéma mainstream. Un constat ô combien valable pour son nouveau film, qui parle justement d’une Amérique tragiquement divisée.

Road movie dystopique

Le film commence par un discours du président des États-Unis, où plutôt de ce qu’il en reste. Le Texas, la Californie et la Floride sont entrés en guerre. On ne sait pas trop ce qu’il en est des autres états. Alex Garland reste flou sur les raisons qui ont précipité le pays dans une nouvelle guerre civile. Un plan furtif sur une carte nous en apprend davantage mais à peine. Ce n’est pas le sujet. Si le récent Le Monde après nous, sur Netflix, racontait justement le début d’une guerre au sein même de l’Amérique, Civil War prend place au milieu du chaos, alors que le président, même s’il fait bonne figure, semble acculé. De quoi encourager les personnages, une équipe de reporters de guerre, à rallier la Maison Blanche pour tenter de décrocher une interview du chef d’État.

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Kirsten Dunst et Cailee Spaeny. Tous droits réservés : A24/Metropolitan FilmExport/DNA Films

Alex Garland n’a pas eu a vraiment beaucoup extrapoler pour écrit le postulat de Civil War. Et c’est justement ce qui est flippant. Dans la « vraie vie » les États-Unis sont divisés. Au point de se déchirer de l’intérieur ? Peut-être pas mais en tout cas, cette perspective, qu’explore Garland, ne semble pas fantaisiste.

Il y a aussi le choix d’avoir fait d’une poignée de reporters aguerris, accompagnés d’une photographe ambitieuse et débutante (interprétée par l’ahurissante Cailee Spaeny, vue cette année dans Priscilla), les pivots du récit. De cette manière, Garland peut légitimement nous inviter au cœur du conflit tout en restant flou sur la nature des forces en présence. Il lâche quelques indices, on comprend que plusieurs milices pratiquent une justice expéditive et aléatoire dans les coins les plus reculés, mais n’en dit pas beaucoup plus.

Voyage au cœur de la bête

Évoquant Salvador, le film d’Oliver Stone avec James Woods, Civil War aborde plusieurs thématiques et fait mouche à chaque fois ou presque. Le fait qu’il ne perde pas de temps en explications amplifie presque paradoxalement l’immersion. Après tout, c’est souvent comme ça. Les puissants décident des guerres, les soldats foncent sur le champs de bataille et les citoyens subissent ou sont condamnés à regarder le film de la tragédie aux infos. Les reporters incarnés par Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura et Stephen McKinley Henderson plongent au cœur de l’action pour ramener La photo ou Le scoop.

Peu à peu, ils se désensibilisent. Garland souligne ici les effets pervers de la guerre mais aussi la capacité de l’humain à s’habituer à tout. La violence frappe, la mort plane mais dès que les personnages gagnent une zone sécurisée, un petit joint ou une bouteille de gnôle suffisent à leur faire retrouver le sourire. Des instants volées à la faucheuse qui leur fait aussi oulbier la lente déliquescence de leur âme. Un aspect que Civil War traduit avec une puissance rare. Et tant pis si la dernière scène, bien qu’elle serve cette brillante idée, sonne un peu faux. Ou en tout cas précipitée.

Une conclusion en demi-teinte qui empêche Civil War d’être le chef-d’œuvre crépusculaire qu’il aurait pu être.

Enfer sur terre

Effrayant car réaliste, profondément humain, y compris quand il montre les pires côtés des hommes, dont certains sont littéralement transformés en monstres par la guerre, Civil War est aussi une indéniable réussite visuelle. Garland sait où il va et même si son road trip se compose de segments plus intenses que d’autres (la rencontre avec Jesse Plemons est un sommet), le tout reste très cohérent et organise la montrée d’une tension qui explose à la fin.

Ponctué de séquences de guérilla urbaine assourdissantes, vécues de l’intérieur, très immersif, appuyé par une musique tour à tour entêtante, tonitruante ou plus discrète, traversé d’images sublimes et de trouvailles visuelles inspirés, le film n’a jamais peur d’aller au bout de ses idées, même si ces dernières ne sont pas toujours les plus logiques. Alex Garland sait filmer la guerre, que ce soit aux côtés des hommes, entre les balles qui sifflent, où de manière plus globale, au fil de plans épiques au possible. Sans oublier d’influer à sa mise en scène une poésie troublante.

Et il fait aussi confiance à ses personnages, et donc à ses acteurs.

En première ligne, Kirsten Dunst trouve l’un de ses meilleurs rôles récents. Froid, son personnage dévoile peu à peu ses fêlures et s’avère extrêmement touchant. Wagner Moura quant à lui, se montre explosif, tandis que Stephen McKinley Henderson incarne la touche de sagesse. Et puis on le répète, mais Cailee Spaeny est réellement exceptionnelle. Des acteurs investis, qui s’acquittent de partitions complexes pour nourrir le propos global d’une œuvre intègre, originale, puissante, choquante même, et profondément clivante.

En Bref…

Deux ans après Men, qui avait méchamment divisé le public et la critique, Alex Garland fonce dans le tas avec un film politique méchant, brutal, atypique et profondément clivant. Une œuvre forte, pleine de parti-pris (qui peuvent parfois être difficiles à comprendre), portée par des acteurs remarquables, souvent déchirante et ô combien mémorable.

@ Gilles Rolland

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L’un des plus beaux plans de Civil War. Tous droits réservés : A24/Metropolitan FilmExport/DNA Films
Par Gilles Rolland le 13 avril 2024

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