[Critique] NOCTURNAL ANIMALS

CRITIQUES | 6 janvier 2017 | Aucun commentaire
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Titre original : Nocturnal Animals

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Tom Ford
Distribution : Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher, Armie Hammer, Ellie Bamber…
Genre : Thriller/Drame/Adaptation
Date de sortie : 4 janvier 2017

Le Pitch :
Galeriste d’art à Los Angeles, Susan s’ennuie. Perdue dans une vie d’opulence dans laquelle elle ne se reconnaît plus, affublée d’un mari qu’elle n’aime pas, elle se désespère de voir son existence évoluer. Un jour, un colis la sort de sa torpeur. Son ex-mari, avec lequel elle a perdu le contact depuis une vingtaine d’années, lui fait parvenir le manuscrit de son roman à paraître. Un livre qui raconte une curieuse histoire aussi violente que déconcertante, qui au fil des pages, va peu à peu reconnecter Susan avec son passé, jusqu’à réveiller des sentiments qu’elle pensait éteints…

La Critique de Nocturnal Animals :

Le styliste Tom Ford a décidé de récidiver et de revenir derrière la caméra 7 ans après son premier film, A Single Man, en adaptant un roman d’Austin Wright. Livre auquel il a tenu à apporter quelques menus (mais notables) « améliorations », comme pour prouver qu’il était tout à fait capable d’écrire un scénario en s’appropriant un modèle qu’il entendait probablement sublimer. Le résultat, malheureusement, souffre de trop de problèmes, plus ou moins importants, pour convaincre pleinement…

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Beauté glacée

Nocturnal Animals débute sur les chapeaux de roues avec un générique surréaliste. Ok, Tom Ford a toute notre attention. Difficile de ne pas être captivé par le spectacle qui se déroule à l’écran. Impossible aussi de ne pas appréhender la séquence en gardant à l’esprit l’ancienne profession du metteur en scène et de se dire que finalement, tout ceci est un peu « facile ». Ford est un artiste et en toute logique, son générique est à son image. La suite aussi d’ailleurs. La plus grande qualité de Nocturnal Animals est sa beauté. C’est un beau film. Visuellement parlant, tout est là pour convaincre. Les acteurs sont magnifiquement sublimés par la caméra, et la photographie de Seamus McGarvey (Pan, Black Mirror, Godzilla, mais aussi Cinquante Nuances de Grey, personne n’est parfait) finit de rendre le tableau saisissant. Que l’on se trouve dans le désert d’un Texas légèrement flippant ou dans l’appartement aseptisé du personnage d’Amy Adams, sur les hauteurs d’un Los Angeles fantomatique, le long-métrage nous offre une succession de tableaux avant tout intéressants pour leurs propriétés esthétiques. Cela dit, la beauté du film de Tom Ford ne cache pas quelque chose de bien consistant. On pourrait parler de coquille vide mais ce serait un peu sévère tant Ford essaye de se montrer profond. Il y croit. Un peu trop d’ailleurs vu ce qu’il nous propose.

Tom Ford, David Lynch même combat mais pas même résultat

L’ombre du réalisateur de Lost Highway et de Mulholland Drive plane en permanence sur Nocturnal Animals. À l’instar du papa de Twin Peaks, Tom Ford profite de l’intrigue de ce thriller un peu sulfureux et un peu mystérieux pour brouiller les pistes et pour multiplier les narrations. Sa façon de superposer la réalité, avec Amy Adams qui se remémore son ex en lisant le bouquin que ce dernier lui a envoyé (et dédié), et la fiction, avec l’histoire du dit-livre, où un père de famille incarné par Jake Gyllenhaal voit sa femme et sa fille se faire enlever par une bande de rednecks dégénérés, est claire mais guère convaincante sur la longueur. On comprend où le film veut en venir mais à la fin, difficile de se montrer enthousiaste tant les approximations sont nombreuses, dans l’écriture surtout, mais aussi un peu dans le montage. Pas facile de dire plein de trucs sans avoir l’air de le faire. C’est là où Nocturnal Animals se plante en beauté. Quand il se la joue opaque et essaye de donner corps à des thématiques éventées par un script maladroit, dont la principale erreur est de passer plus de temps à essayer de nous perdre pour mieux nous prendre à revers, sans se douter qu’il est lui-même en train de se mordre la queue.
À la fin, Nocturnal Animals apparaît comme très prétentieux. Quand on s’aperçoit qu’il n’y a pas grand chose derrière ces belles images, ou encore ce générique troublant, sinon le désir de venir se conformer à un cinéma (celui de Lynch donc), sans en comprendre véritablement le fonctionnement ni les velléités.

Le casting à la rescousse

Heureusement, les acteurs volent régulièrement à la rescousse de Tom Ford et de ses intentions qui finissent par se retourner contre lui. Des comédiens qui luttent tout du long pour s’imposer alors que le long-métrage fonctionne plus ou moins comme un défilé de mode, où l’habillage est plus important que ce qui se trouve en dessous. Dans ce monde de faux semblants artificiel, Amy Adams est d’ailleurs celle qui écope de la partition la plus casse-gueule. Car au fond, elle passe son temps à lire et à regarder dans le vague. Oh, il y a bien quelques flash-back où elle nous dévoile le passé de son personnage mais sinon, c’est la triste vérité : elle lit, arrête de lire, semble réaliser et se replonge dans son roman… Un bouquin qui prend vie à l’écran avec l’intrigue policière articulée autour du rapt d’une famille. C’est là qu’on trouve Jake Gyllenhall, Isla Fisher, Aaron Taylor-Johnson et Michael Shannon. C’est aussi là qu’on trouve matière à quelques beaux moments cinématographiques et tant pis si Ford n’est pas capable de tenir bon sur la longueur sans tomber dans le ridicule. Michael Shannon et Aaron Taylor-Johnson parviennent heureusement à injecter un peu de distance et de second degré. C’est peu mais c’est déjà ça et les acteurs de finalement maintenir à flot un film qui se pense beaucoup plus malin qu’il ne l’est.
Sans oublier la rythmique en dents de scie, qui peine parfois à garder l’ennuie à distance, la façon dont Ford a d’entasser les différentes couches de son intrigue et son incapacité à retomber sur ses pattes, à l’occasion d’une fin pas aussi puissante qu’espérée et indéniablement foirée. Mieux vaut se concentrer sur la magnétique Amy Adams, qui s’arrange quand même pour tirer son épingle du jeu, à l’instar de Jake Gyllenhall et de tous les autres, glorieux mannequins en voie d’émancipation mais toujours entravés par un réalisateur certes doué pour tout ce qui touche à la forme, mais encore bien maladroit et un peu trop sûr qu’il est génial pour tout le reste…

En Bref…
Nocturnal Animals est certes beau, mais ni aussi mystérieux, ni aussi profond et complexe qu’espéré. Il s’agit d’une jolie tentative sur laquelle pèsent des ambitions hors normes et une prétention de tous les instants. Un film qui s’avère parfois vain, superficiel, qui n’évite pas toujours de sombrer dans le ridicule mais qui n’oublie jamais en revanche de nous affirmer à quel point il sait (à tort) qu’il est exceptionnel. Finalement, Nocturnal Animals incite à penser que si Tom Ford, le réalisateur, est surtout doué pour un truc, c’est quand il s’agit de bien s’entourer.

@ Gilles Rolland

nocturnal-animals-amy-adams  Crédits photos : Universal Pictures International France

Par Gilles Rolland le 6 janvier 2017

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